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Manière de voir: plafonnez le salaire des ministres et députés

26 mai 2023, 20:18

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Manière de voir: plafonnez le salaire des ministres et députés

C’est une proposition qui va faire rire ou faire sauter au plafond. Dans la perspective du prochain Budget, le salaire minimum fait le buzz. L’économie du pays passe par une phase délicate. Les économistes, en général très libéraux, conseillent au ministre des Finances de ne pas prendre de mesures populistes, c’est-à-dire donner des cadeaux ki fer labous dou et rapportent des voix aux élections. Pou tap lestoma.

Sortons des sentiers battus pour demander simultanément une augmentation du salaire minimum. Une baisse, même très légère, des salaires les plus élevés des ministres, députés et autres directeurs d’organismes parapublics. Ceci ne concerne pas seulement le gouvernement actuel, mais aussi le prochain. D’ailleurs, ni l’opposition, quelle qu’elle soit, ni le gouvernement n’envisage une telle mesure. Chasse gardée ?

La quadrature du cercle

Personne n’envie l’actuel ministre des Finances, noyé dans les demandes et les chiffres, le pouvoir d’achat en baisse en raison d’une inflation galopante, une reprise de la croissance économique, une stabilité des prix, une amélioration des prestations aux plus vulnérables victimes des inégalités, puisque l’écart entre riches et pauvres ne cesse de se creuser, les salaires dans la fonction publique s’élevant à Rs 10 250 par mois, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale devenus monnaie courante, les prix des denrées alimentaires de base, le contrôle de ceux des matériaux de construction, du gaz, de l’essence, des médicaments, la pension de vieillesse… N’en jetez plus.

Au même moment, on vous demande de faire des sacrifices. Au point qu’on se demande quelle est la définition, une bonne fois pour toutes, de la classe moyenne. Certaines solutions ne sont pas envisagées alors qu’elles sautent à la figure: baisser le train de vie de l’État et stopper la dilapidation des fonds révélée par l’Audit, mais dont tout le monde se fout.

Au lieu de toujours évoquer le bas de l’échelle, commençons pour une fois par le haut. Quel qu’il soit, le PM palpe Rs 7 millions par an ; un député Rs 159 000 par mois, plus les privilèges; pour un ministre, le salaire et les allocations pour l’essence, l’entertainment (un amuse… gueule), le duty free, se montent à Rs 2 millions par an ; si un ministre touche Rs 330 000 par mois, il faut y ajouter les missions à l’étranger qui lui permettent de palper (d’où les… palpitations du petit peuple) Rs 35 528 par jour comme per diem. Une misère !

L’Assemblée nationale compte 62 élus plus huit membres correctifs, une vingtaine de ministres (un si petit pays a besoin de tant de ministres pour satisfaire toutes les castes, toutes les communautés, tous les proches et tutti quanti), des conseillers en pagaille (avec tous les cumuls, les conseillers du PM coûtent Rs 1,8 million, une peccadille), le speaker touche Rs 300 000 par mois, tous les PS et autres PAS dont le salaire atteint en moyenne Rs 246 000, sans oublier quelques privilèges au passage.

«Zanfan gaté»

Il y a les proches collaborateurs, comme le deputy governor de la Banque de Maurice ou la direction de Landscope, avec Rs 300 000 par mois, les nombreux directeurs des instances parapubliques, comme la MTPA, l’IBA, etc., qui siègent sur divers boards et comités pour mieux qu’arrondir leurs fins de mois. Bref, ces collaborateurs coûtent des millions. Un exemple parmi tant d’autres. L’ex-CEO de Mauritius Telecom, Sherry Singh, devenu le mal-aimé, mais qui rêve d’être le futur Moïse, touchait environ Rs 700 000 par mois. À… l’eau.

Pendant ce temps-là, tout en ne tenant pas compte du dernier rapport du PRB, qui propose une hausse de 10 % des bas salaires et de 7 % pour les hauts, les syndicats se sont mis à hurler face à ces miettes. Nous nous souvenons encore du cas de cette femme, seule cleaner d’un grand collège, qui touchait Rs 1 500. Heureusement que, depuis, ces chiffres quart-mondistes ont connu des hausses conséquentes plus humaines et méritées. Anfin zot finn desann lor pié koko.

Tous socialistes

Chez nous, tous les partis se réclament du socialisme, c’est-à-dire d’un partage égalitaire des richesses sur la base de la méritocratie (ne pas confondre avec égalitarisme, une chimère) et d’une meilleure prise en compte de la classe prolétarienne (quel vocabulaire qui nous ramène quelques décennies en arrière). Ils font même partie de l’Internationale socialiste pour redorer leur blason de défenseurs du petit peuple.

Énorme lacune dans cette rapide analyse. Quid du secteur privé ? Tous les statisticiens et autres agences de communication vous le diront, et c’est vrai, que nous ne saurons jamais ce que touchent les grands patrons de nos plus grandes entreprises privées. À lire les profits accumulés, comme par les banques, ce secteur avec la nette amélioration du secteur du tourisme se porte bien. Les perspectives d’avenir semblent prometteuses. Malgré la morosité économique ambiante, le secteur privé continue à proposer de nouveaux projets (pas plus d’hôtels, s’il vous plaît, sur nos plages déjà érodées) et à ne pas prendre du retard sur le plan technologique.

Ce n’est pas une raison de ne pas donner le bon exemple au peuple en diminuant certains salaires pharaoniques. Si nous voulons garder ce train de vie et continuer à vivre au-dessus de nos moyens, tout en accumulant des dettes, nous finirons bien par nous heurter à un mur à l’heure du règlement des comptes à… OK Corail.

Malgré la fuite de nos jeunes cerveaux qui auraient pu, à l’avenir, nous assurer d’une meilleure gouvernance économique, Maurice dispose encore de ressources humaines qui pourraient donner un coup d’arrêt, impulser un nouveau cap, certes moins fastueux, mais faisant la part belle aux plus vulnérables, à ces pauvres gueux, victimes d’un grand écart avec les autres couches sociales. Même ces dernières commencent à se plaindre de certaines atteintes à la démocratie. Leurs réactions à messe basse sont dues au fait que l’on touche directement au portefeuille qui fait grise mine. Que certains économistes arrêtent de combattre le providentiel État de… providence.

Nous aurons beau ériger des gratteciels (en béton, bien sûr, pour… embellir le paysage ?), ce n’est pas demain que notre île deviendra un pays à haut revenu. Notre société est maintenant caractérisée par le chacun pour soi au détriment du collectif. Le prélèvement de ce minuscule pourcentage des très hauts salaires serait destiné dans les coins les plus pauvres (on les connaît) à fournir de quoi manger, se soigner, du petit matériel de construction, de quoi scolariser les enfants, nettoyer leur environnement… Retour sur investissement : les faire vivre tout simplement.

Pa nek zanbon pikan tou lézour !