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L'arrestation de Valayden et de Chundunsing survenue en pleine visite du Service international pour les droits humains

17 mai 2023, 20:30

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L'arrestation de Valayden et de Chundunsing survenue en pleine visite du Service international pour les droits humains

La date limite pour la soumission des rapports alternatifs en vue de la prochaine édition de l’Examen Périodique Universel (EPU) est le 18 juillet. Au cours de cet exercice, le pays devra expliquer ce qu’il a fait pour promouvoir le respect et la protection des droits humains et de leurs défenseurs. Face à l’absence de déclarations contradictoires vis-à-vis de la présentation de l’État lors des éditions antérieures, le Service International pour les Droits Humains a dépêché à Maurice deux de ses cadres pour que la société civile mauricienne n’ignore pas l’importance qu’elle doit attacher à la défense des droits humains.

Ces deux cadres, qui ont débarqué à l’aéroport sir Seewoosagur Ramgoolam et que l’on pourrait prendre pour des femmes d’affaires ou des touristes sont Madeleine Sinclair, coordinatrice et conseillère légale dans le bureau du Service International pour les Droits Humains, basé à New-York, et Adélaïde Etong Kame, détentrice d’un Master en législations et relations internationales de l’université de Clermont-Ferrand et directrice des programmes pour le continent africain. Le Service International pour les Droits Humains a pour principal objectif de se positionner sans ambiguïté du côté des défenseurs des droits humains, qui évoluent au sein des organisations de la société civile.

Les droits humains sont un domaine si vaste que cet organisme refuse de faire dans l’à-peu-près. Que signifie-t-il lorsqu’il parle de défenseurs des droits humains à l’origine de ce déplacement des cadres susmentionnées dans le pays ? Pour cette organisation, un défenseur des droits humains «est toute personne qui, individuellement ou en association avec d’autres, agit ou tente d’agir pour promouvoir, protéger et favoriser la protection et la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales aux niveaux local, national, régional et international».

En parcourant le document faisant état des résultats de l’EPU, dont le but principal vise à faire un état des lieux de ce qui a été entrepris par un pays membre de l’Organisation des Nations unies (ONU) en matière des droits de l’homme, le Service International pour les Droits Humains est tombé des nues. «En regardant le site de l’EPU, dit Adélaïde Etong Kame, on a constaté qu’il n’y avait quasiment jamais de soumissions de la société civile lorsque l’État mauricien soumet son rapport national et le présente. Il n’y a aucune autre voix que celle de l’État pour parler de la situation dans le pays. Bref, pas de voix qui contredise celle de l’État. Bien souvent, les membres des délégations, qui font des déclarations sur la situation de leurs pays, n’ont pas d’informations de la société civile. Par conséquent, soit on croit l’État, soit on fait des recommandations très génériques auprès des institutions étatiques. Des recommandations qui ne vont pas nécessairement dans le sens du règlement des problèmes que la population à Maurice voudrait voir traiter à travers ces mécanismes subsidiaires.»

Les rapports sur la situation des droits de l’homme à Maurice sont si nets que cela a suscité un sentiment de doute dans la tête de la direction du Service International pour les Droits Humains, qui a alors voulu obtenir un constat sur le terrain. D’où sa décision de déléguer dans le pays Madeleine Sinclair et Adélaïde Etong Kame.

Le Service International pour les Droits Humains a toutefois déjà un contact à Maurice. Il s’agit de l’organisation non gouvernementale Dis-moi, qui, depuis 2011, a permis à la région de l’océan Indien de disposer des services de cette organisation pour la défense des droits humains. Dis-moi sera aux côtés des deux représentantes du Service International des Droits Humains durant leur séjour.

Dès leur arrivée, Madeleine Sinclair et Adélaïde Etong Kame ont eu de quoi se mettre sous la dent avec deux événements, qui pourraient être considérés comme des violations des droits des défenseurs des droits humains. Il y a eu l’arrestation de l’avocat Rama Valayden et celle de l’ancien journaliste Harish Chundunsing pour des propos considérés comme étant préjudiciables à l’encontre de la Special Striking Team. Les deux femmes ont alors compris qu’elles n’ont pas fait le déplacement pour rien. Car Maurice n’est pas une terre dépourvue de violations des droits humains.

Leur conviction s’est sans doute accentuée vendredi dernier lors de l’atelier de travail qu’elles ont organisé au Caudan Arts Centre pour écouter les témoignages de représentants de certaines organisations non gouvernementales, qui se penchent sur les droits humains. Les droits en question sont ceux de pouvoir librement exprimer ses opinions politiques ou autres, même si cellesci ne sont pas au goût des dirigeants du jour, ceux dont l’enfance est brisée par des prédateurs, les observations sur la préparation de la prochaine édition de l’EPU de l’État mauricien, même si celles-ci sont en contradiction à celles officielles.

Les deux représentantes du Service International pour les Droits Humains avaient deux messages à transmettre. Le premier concerne la participation de la société civile dans le cadre de la soumission de la prochaine édition de l’EPU de l’État mauricien. «La date limite pour soumettre les rapports alternatifs, c’est le 18 juillet», a précisé Adélaïde Etong Kame. «Vous avez encore du temps. Nous, on compte soumettre un rapport en collaboration avec Dis-moi. Je vous encourage vraiment à soumettre des rapports. L’EPU n’a pas de limitations sur la problématique que vous pouvez mentionner. C’est vraiment tous les droits humains. Bref, toutce que vous estimez qui devrait être mentionné. Ce n’est pas limitatif du tout. Donc, je vous encourage vraiment à soumettre des rapports pour que cette fois, au moins pour cette revue-là pour l’État de Maurice, qu’il y ait une voix contradictoire à celle de l’État. Tous les renseignements y relatifs sont disponibles sur le site de l’ISHR Academy mais également sur le site des Nations unies. Il y a également un fascicule, qui explique comment les organisations non gouvernementales peuvent collaborer avec les organismes de la rédaction du rapport de l’EPU. Toutes les étapes avant, pendant et après la revue y sont évoquées. La longueur n’a aucune incidence, même si c’est une page par problématique. Cela vaut toujours le coup que cela soit soumis. Nul besoin d’avoir un statut d’observateur d’une organisation non gouvernementale ou que vous travaillez avecles Nations unies ou pas. Un rapport, qu’importe sa longueur, est important. Je vous encourage à le faire.» Elle a invité les Mauriciens à en faire autant dans le cadre de la soumission des rapports à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples auprès d’Hatem Essaiem, rapporteur pays pour Maurice.

L’autre message fort de Madeleine Sinclair est la possibilité d’insérer les droits des défenseurs des droits humains dans un texte de loi en bonne et due forme. Le Service International pour les Droits des Humains estime qu’il n’y a pas de raison pour que le pays ne puisse faire un effort dans ce domaine. Cet organisme a déjà réalisé ce travail presque à 100 % avec la publication d’un document de 53 pages. «Une loi type pour la reconnaissance et la protection des défenseurs des droits humains», tel est le titre du cadre proposé par le Service International pour les Droits des Humains afin que les défenseurs des droits humains soient reconnus et protégés par une loi. Les deux représentantes du Service International pour les Droits Humains ont rapidement fait le tour des droits humains dans le pays.

Dheerujlall Baramlall Seetulsingh, président de la National Human Rights Commission, était présent à cet atelier de travail. Ceux présents ont également eu droit à une intervention de Satyajit Boolell, exDirecteur des poursuites publiques, qui, après sa retraite, donne un coup de main à Dis-moi. Son intervention a porté sur la nécessité de doter le pays d’un cadre devant déboucher sur la mise en place d’une structure destinée à la protection des défenseurs des droits humains. Il s’est rangé du côté de ceux dont les droits sont susceptibles d’être piétinés.

L’ex-Directeur des poursuites publiques n’a pas hésité à placer son intervention dans le contexte de l’actualité locale récente, entre autres l’arrestation d’Harish Chundunsing, citant au passage la fameuse déclaration de Thomas Jefferson, grand défenseur des droits humains, qui mettait en évidence le droit à la liberté d’expression et qui a dit qu’il préfère un journal sans gouvernement qu’un gouvernement sans journaux. Il a aussi cité les cas de l’avocat Akil Bissessur et de l’activiste politique Bruneau Laurette. Il a même fait allusion à l’enquête judiciaire qu’il a diligentée alors qu’il était encore en poste sur la disparition de Soopramanien Kistnen, activiste du Mouvement socialiste militant (MSM), mort dans des circonstances très troublantes. «Quel est le fil conducteur dans ces quatre cas ? Les quatre ont osé défier les autorités. Les trois premiers sont connus pour être critiques envers le gouvernement. Dans le cas de Kistnen, il s’apprêtait à dénoncer un cas de corruption dans lequel un ministre serait impliqué.»