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Dénomination de lieux: la mémoire ravivée d’Antoinette Prudence

16 octobre 2022, 19:00

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Dénomination de lieux: la mémoire ravivée d’Antoinette Prudence

Le changement de nom du square MCB à Port-Mathurin en celui de sir Anerood Jugnauth aura soulevé de vives protestations en raison du sentiment anti-mauricien de certains dans l’île. Pour ce 20e anniversaire de l’autonomie, le personnage qui aurait suscité le moins de critiques est sans doute feue Antoinette Prudence, une des figures de proue dans l’émergence d’une île Rodrigues moderne et autonome.

Il y a 15 ans, la société rodriguaise et le monde extérieur apprenaient avec stupeur et tristesse la nouvelle du décès d’Antoinette Prudence, 54 ans et ex-directrice de la Roman Catholic Education Authority (RCEA) à Rodrigues. Cette Rodriguaise avait pris une part active dans le développement que son île allait connaître après des années comme le district pauvre de l’État mauricien. On aurait pensé que la mort aurait eu raison d’elle. Mais la décision controversée du chef commissaire Johnson Roussety de rebaptiser l’emblématique square MCB au nom de feu l’ex-Premier ministre et président de la République, SAJ, aura ramené Antoinette Prudence dans la mémoire collective. En fait, l’école primaire du village de Lataniers à Rodrigues se nomme Antoinette Prudence Sainte famille RCA, un lieu plus en symbiose avec la femme humble et discrète qu’elle était…

Ronald Milazar qui a suivi en même temps qu’Antoinette Prudence la fin des classes primaires dans la salle d’œuvres à côte du cimetière de Saint Gabriel a trouvé les mots justes pour situer la portée de sa contribution. «Antoinette Prudence est celle qui a ouvert la voie à la femme rodriguaise pour qu’elle devienne un élément incontournable du plan de développement de Rodrigues.» En effet, elle n’est ni plus, ni moins, la référence même de cette ère où l’histoire allait réclamer une plus grande participation de la femme rodriguaise au développement de l’île.

Ayant compris cela, de nombreux parents de l’époque ont été invités à placer leurs filles sur la voie de l’éducation secondaire surtout après le succès des premiers élèves au School Certificate, à savoir les Fock Seng Ho Tu Nam, Jacques Roussety et Melchiade Prosper. Pour Ronald Milazar qui a terminé sa carrière dans l’enseignement primaire catholique comme conseiller pédagogique, Antoinette Prudence est l’enfant de l’île qui va inaugurer l’ère où la femme jouera un rôle considérable dans son développement.

Un des principaux héritages de cette femme au grand cœur, sera d’ailleurs l’appel lancé pour que la femme rodriguaise ne se limite plus à son rôle d’épouse mais devienne plutôt une actrice indispensable au développement de son île. Parmi les projets qu’elle a aidé à mettre en place, le centre Carrefour, véritable lieu de rencontre des différentes compétences susceptibles d’être vitales au développement socio-économique de Rodrigues.

Témoin pendant des années du combat mené par Antoinette Prudence pour assurer l’émancipation de l’enfant rodriguais avec l’accent sur l’inclusion obligatoire des filles dans ce processus, Ronald Milazar dira à ce sujet : «Une des meilleures illustrations de l’émancipation de la gent féminine rodriguaise se trouve dans le recrutement du personnel enseignant de la RCEA. Sans vouloir diminuer le niveau intellectuel des garçons, la performance des filles est de loin supérieure à la leur. Si le rythme de ce phénomène se maintient, il n’est pas interdit d’imaginer que, dans un avenir pas trop lointain, dans la majorité des cas, on fera appel plutôt à la femme pour assumer les plus hautes fonctions de l’île. Ce sera un des héritages les plus parlants de la contribution d’Antoinette Prudence au développement de Rodrigues.»

Outre ce témoignage qui met en évidence un aspect moins médiatisé du passage d’Antoinette Prudence dans l’histoire de Rodrigues, nombreux sont-ils qui, à sa mort, citeront son charisme. Outre son rayonnement au mouvement consacré au bien-être des enfants, MIDADE, Antoinette Prudence méritait un autre rôle au plan international. Mais dans son humilité, elle déclinera l’offre du poste d’ambassadrice en France et à l’Unesco pour consacrer son énergie à l’évolution des structures créées pour assurer le développement de l’enfant et de la femme dans son île devenue autonome et avant-gardiste sur plusieurs plans.