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En quatorzaine ou coincés à l’étranger: l’absence et la distance comme compagnons de fête

25 décembre 2020, 19:00

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En quatorzaine ou coincés à l’étranger: l’absence et la distance comme compagnons de fête

Si des familles seront enfin réunies pour les fêtes après des mois de séparation due au Covid-19, d’autres auront moins la joie au cœur. C’est le cas de nos compatriotes Dinesh Dawonauth, Jean Bony Lazer, Didier Sooben, ainsi que Reshma et Shantee Koonjul.

Passer Noël et le Nouvel an loin de ses êtres chers est déjà déchirant. Les passer entre les quatre murs d’un hôtel avec toutes les restrictions imposées durant une quatorzaine est une expérience inédite que s’apprête à vivre Dinesh Dawonauth. Une chose est sûre. Le choix de rentrer du Canada où il fait des études et le timing n’ont pas été décidés sur un coup de tête. «Je viens essentiellement parce que mon prochain semestre universitaire est entièrement en ligne, comme c’était le cas pour l’actuel semestre. C’est beaucoup plus facile de vivre à Maurice avec mes parents. Au Canada, je dois faire les courses, payer mon loyer entre autres dépenses», raconte cet étudiant avec qui nous avons échangé avant son départ pour Maurice.

Dinesh Dawonauth poursuit que d’ailleurs travailler à temps partiel tout en faisant des études universitaires se révèle être très fatigant parfois. Mais, pourquoi avoir choisi le moment des festivités pour regagner son pays natal ? «La principale raison pour laquelle j’ai choisi de venir maintenant est que la plupart des baux se terminent au 31 décembre. Donc si je reste après, je devrai signer un nouveau bail de six mois au moins», réplique celui qui essaiera malgré tout de voir la vie du bon côté. Car il ne faut pas oublier que d’autres, comme ceux qui se retrouvent bien malgré eux bloqués au Royaume-Uni ou en Afrique du Sud en raison des restrictions de voyage imposées à la suite la découverte d’une nouvelle variante du virus, auront moins de chance que lui.

Après le Canada, direction la Thaïlande. Jean Bony Lazer, affectueusement surnommé JB, y est coincé depuis mars. Ce Mauricien originaire du Bouchon était parti visiter le pays des éléphants et le Cambodge pendant deux mois quand il s’est retrouvé piégé en Thaïlande avec tous les aléas qu’aura entraîné le Covid-19. Maurice verrouillé, commence alors pour notre jeune compatriote une véritable course contre-la-montre.

«Chaque mois, j’avais de nouvelles informations sur de probables rapatriements mais à chaque fois ce n’était que du vent et rien ne se précisait à l’horizon», se remémore Jean Bony Lazer, le cœur gros.

Il ajoute sans détour : «Je me souviens très bien en juillet lorsque je n’avais plus un sou. C’était un des moments les plus difficiles que j’ai vécus ici et je me suis senti vraiment seul et loin de tous.» Fort heureusement qu’au milieu de ce chaos, il a pu compter sur des proches et amis à Maurice, à l’étranger et même en Thaïlande. Tout ce beau monde l’a aidé. «J’avais beaucoup de mal à gérer ce changement radical car la Thaïlande, c’est une autre culture, avec une langue assez compliquée mais les Thaïlandais sont toujours prêts à vous aider même s’ils ne comprennent pas tous l’anglais. J’ai dû trouver un train de vie pour éviter de sombrer dans la désolation. Puis, j’avais l’appui des personnes qui m’aiment comme ma famille, ma copine et mes amis qui m’ont toujours montré leur amour, leur bonne foi et leur présence même si leurs actions étaient limitées par la distance», témoigne le Mauricien.

Jean Bony Lazer qui avoue n’être pas très «fête en famille» en temps normal concède que le fait d’avoir été seul tout ce temps lui a permis de voir à quel point la distance peut avoir un impact sur le mental quand il n’y a personne avec qui passer physiquement la soirée de son anniversaire, par exemple. «Je suis reconnaissant aux amis qui m’ont aidé à surmonter cette épreuve. Par exemple, Linsley, un Mauricien comme moi, qui travaille en Thaïlande, m’a invité chez lui le jour de mon anniversaire. D’autres expatriés m’ont aussi toujours aidé même si des fois, ils étaient dans la même galère que moi.»

 Jean Bony Lazer du Bouchon est coincé en Thaïlande depuis mars.

Aujourd’hui, il dit ne pas savoir encore comment il va passer les fêtes de fin et début d’année car «une fois de plus, l’absence et la distance seront mes compagnons de fête». Mais, au plus profond de son cœur, il sait que quelque part sur une petite île, ses proches qui lui manquent énormément, penseront à lui. À ce jour, il survit grâce à l’aide financière des proches. Jean Bony Lazer a également pu trouver un emploi comme guide de randonnée en montagne et tour-opérateur. Ce qui l’aide à s’acheter de quoi manger. Avec le coût colossal des billets d’avion et de la quarantaine, pour rallier Maurice, notre compatriote a dû entamer des démarches pour espérer bénéficier de la quatorzaine gratuite destinée aux cas humanitaires. Ses péripéties sont loin d’être terminées.

Continuons notre tour d’horizon, avec une escale en Angleterre. C’est Reshma Koonjul qui nous ouvre les portes de sa maison. Cette Mauricienne vit depuis plusieurs années dans ce pays avec son époux et ses enfants. Depuis octobre 2019, elle a eu la chance d’accueillir sa mère Shantee. Cette dernière voulait voir sa fille et devait rester au pays de sa Majesté jusqu’en avril. Et le confinement est venu tout chambouler. Un an et deux mois après, elle se trouve toujours coincée. Et cela à son grand dam. «Mes amis, ma famille mauricienne et ma maison me manquent. Je veux rentrer et retrouver tout le monde», confie celle-ci. Justement, ne pouvant voir sa mère dans cet état de désarroi, Reshma a économisé pour trouver une place sur un vol en janvier prochain pour sa mère. «Je suis heureuse de l’avoir eue à mes côtés durant toute cette période.»

Shantee Koonjul, qui se trouve en compagnie de sa fille Reshma, passera une fois encore les fêtes de Noël et du Nouvel An en Angleterre, faute de ne pouvoir rentrer à Maurice.

Mais le Covid-19 a laissé surtout ses marques sur sa famille. «Nous avons eu à faire face à des licenciements. Et, honnêtement, cette année, le père Noël ne pourra gâter autant qu’il aurait voulu mes enfants. Heureusement, nous avons pu acheter quelques petites bricoles pour les petits en octobre dernier ; sans quoi, je ne sais pas comment nous allions faire», confie en toute humilité Reshma. Et comme un malheur ne vient jamais seul, toute sa famille a eu un début de Covid-19. «Ce sont les enfants qui l’ont chopé à l’école. Nous avons commencé à ressentir les séquelles et le plus important a été de prendre soin de ma mère.» En tout cas, Shantee Koonjul espère que le cadeau offert par le père Noël ne va pas se transformer en cadeau du Père Fouettard. Depuis, lundi soir, les frontières mauriciennes avec l’Angleterre sont de nouveau fermées. Cela est dû à l’apparition d’une variante du coronavirus déclencheur du Covid-19. Depuis, Shantee Koonjul croise fermement les doigts pour que cette interdiction soit levée au début de janvier.

Retour à Maurice, plus précisément dans le Nord, pour retrouver Didier Sooben. Ce dernier se trouve en quarantaine avec sa fille, Sarah. Cela fait plus de neuf mois que le Mauricien, établi à La Réunion, n’a pas vu sa famille. Et quoi de mieux que de les rencontrer et de célébrer la nouvelle année avec eux. «Si tout va bien, je sors le 28 décembre.» Cette année, cette période de fête a une autre saveur. «Mais il faut s’y adapter. Heureu- sement, les téléphones mobiles et les applications existent et l’on pourra quand même se voir et se parler.» Pour le Mauricien, Noël est avant tout synonyme d’échange, que ce soit entre adultes ou enfants. «La tradition à La Réunion est que tout le monde se réunisse autour du sapin et attende minuit pour voir le père Noël arriver avec ses jouets. Entre-temps, l’on passe du temps à parler et on raconte ce que l’année nous a apporté de bon comme de mauvais.» Cette année, c’est à travers son téléphone qu’il perpétuera cette tradition. «En cette période de Noël, c’est la famille qui demeure le nid d’affection par excellence et avec la pandémie, cela a renforcé encore plus les liens

Didier et Sarah Sooben attendent impatiemment le 28 décembre, date à laquelle ils pourront revoir leur famille pour célébrer les festivités de la nouvelle année.

Et s’ils n’ont pas de sapin dans leur chambre d’hôtel, Didier et Sarah Sooben vont laisser voguer leur imagination. En effet, en face de leur chambre se trouve un sapin. «On va imaginer qu’il est habillé de ses plus beaux atours.» En tout cas, 2020 restera une année gravée dans leur mémoire à tout jamais.