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Hippisme - Patrick Merven: «Le plus dur reste à venir»

28 octobre 2020, 12:48

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Hippisme - Patrick Merven: «Le plus dur reste à venir»

Face à la conjuncture économique difficile, le président de l’association des entraîneurs se veut pour le moins pessimiste quant à un rapide retour à la normale de l’industrie hippique déjà sérieusement impactée avant même l’apparition de la Covid-19. Car pour Patrick Merven, le plus dur est définitivement à venir.

Le break est souvent propice pour faire le point. Comment l’écurie Merven jauge-t-elle sa prestation avec dix victoires pour Rs 2,28 millions de prix remportés jusqu’ici ?

Je dois dire qu’on est satisfait de notre prestation, surtout avec les moyens dont nous disposons. De nos nouveaux, Tripod et Rock Manor ont gagné mais il faut dire qu’on prend un peu plus de temps avec nos nouvelles unités, surtout depuis que la quarantaine est passée de 14 à 40 jours. Mais dans l’ensemble, nous n’avons pas à nous plaindre.

Il va sans dire que le retour au bercail de Cédric Ségeon a ravi plus d’un au sein de l’écurie…

Cédric est rentré à la maison et je dois dire que cela se passe très bien entre nous, comme cela a toujours été le cas. Tout le monde est content. D’ailleurs, je vois que le Cédric Segeon de 2020 est beaucoup plus mature. Sa récente paternité y est certainement pour quelque chose (rires).

L’écurie Merven a pourtant vu partir des coursiers compétitifs durant la trêve à l’instar de Northern Spy et Vascostreettractor, qui pèsent, à eux deux, six victoires cette année. La moisson aurait donc pu être bien meilleure…

C’est vrai qu’on a perdu ces unités de valeur mais il ne faut pas oublier que nous avons d’autres bons coursiers qui nous ont rejoints, à l’instar des Baritone, Inauguration et autre Virtue. D’ailleurs, on apprécie bien le dernier nommé, un cheval que Cédric (Ségeon) connaît très bien d’ailleurs. Avec Baritone, il est l’une de nos plus grosses satisfactions jusqu’ici.

Quid des déceptions ?

Celui qui nous a le plus déçus, c’est The Sultans Bazaar, qui s’est avéré un bleeder chronique.

Son parcours sud-africain n’avait-il rien laissé transparaître ?

Il faut savoir qu’un bleeder passe l’examen vétérinaire sans problème mais ce n’est que quand il court qu’on constate le problème. D’ailleurs, il faut savoir que là-bas (NdlR : en Afrique du Sud), ils font plutôt mention de “coughing”. Ici, quand le cheval a fini de courir, le vétérinaire vient dans votre écurie mais c’est différent en Afrique du Sud car ils n’ont pas le temps de faire des examens approfondis. Là-bas, une fois la course terminée, le cheval est dans son camion en route pour son centre.

On se doute que c’est assez problématique d’avoir un bleeder au sein de son effectif…

Cette année-ci, on a fait un relevé et on a vu qu’il y a eu 70 chevaux qui ont saigné. C’est quand même beaucoup. Et encore, ce ne sont que ceux qu’on a répertoriés. Il y a sans doute d’autres qu’on n’a pas vus. Je pense que le vrai chiffre est plus proche de la centaine.

Selon vous, quelles sont les raisons derrière ce nombre élevé de saignements ?

Je pense que le setup local y est pour beaucoup. Ici, les chevaux sont fermés, contrairement à ailleurs. Il y a aussi beaucoup d’humidité. De plus, nous en avons discuté au sein de l’association des entraîneurs et nous allons faire une requête pour que Bleed No More soit ré-introduit. Ce produit aidait énormément et on a constaté que le nombre de bleeders a augmenté drastiquement depuis que ce produit n’est plus utilisé.

L’état de la piste est également au banc des accusés pour expliquer les différents pépins physiques des coursiers. Partagez-vous cet avis ?

Avec la Covid-19, il faut se rendre à l’évidence que les préposés de la piste n’ont pas pu l’entretenir comme il se doit. Mais je crois comprendre qu’il y a un gros problème au niveau du climat avec très peu de pluie cette année. Durant les trois dernières années, nous avions eu en moyenne 220 mm de pluie, comparé à seulement 40 mm en 2020 ! L’état de la piste a donc effectivement une incidence sur le fitness des chevaux, mais l’interdiction du Bleed No More cause, selon moi, beaucoup plus de tort aux effectifs. On a d’ailleurs fait une demande en ce sens auprès des administrateurs.

Les courses en janvier 2021 sont-elles toujours d’actualité ?

Je vois difficilement comment les courses pourront se tenir en janvier avec l’état de la piste et la température élevée. Pourtant, j’étais un des premiers à penser qu’on pourrait rattraper les journées perdues durant cette période, mais je réalise finalement que ce n’est tout simplement pas possible.

La baisse du stakesmoney n’est pas pour arranger les choses par les temps qui courent…

(Il appuie) Mais c’est dans le monde entier. A titre d’exemple, il faut savoir que les prix ont diminué par 60 % en Afrique du Sud. C’est la conjuncture qui veut ça et il faut faire avec ! Mais cela demeure toujours très difficile pour nous. Certes, il y a eu une légère augmentation de la part du MTC ces derniers temps, mais ce n’est malheureusement toujours pas suffisant.

Le climat économique morose qui prévaut actuellement remet-elle en cause le niveau d’investissement pour la saison 2021 ?

Définitivement. Car en sus du stakesmoney, il faut prendre en compte la situation financière des propriétaires, qui ont forcément été affecté par la Covid-19. Mais ce n’est que le début et le plus dur reste à venir. Il y aura un effet boule de neige avec le nombre de personnes qui vont perdre leur job. Comment les hôtels vont pouvoir payer leurs employés d’ici juin 2021, eux qui ont dû puiser dans leurs reserves ? La situation est catastrophique…

Selon vous, combien d’écuries pourront tenir le coup si la situation ne s’améliore pas sous peu ?

Nous voulons tous que le stakesmoney remonte mais comment faire, surtout avec l’absence de sponsors cette année. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin contre la Covid-19, le cours normal des choses ne va pas reprendre. Et c’est ça le drame. On (NdlR : les entraîneurs) n’entre bien évidemment pas dans les détails durant nos rencontres mais il est un fait que c’est très difficile pour tout un chacun. Mais encore, il faut préciser que cela relève d’une conjoncture nationale, voire mondiale.

Risque-t-on de voir des écuries mettre la clé sous le paillasson durant l’intersaison ?

(Pensif) J’espère qu’on n’en arrivera pas là…

L’association des entraîneurs en est justement à sa deuxième année d’existence. Quel bilan dresse le président Patrick Merven ?

La création de l’association des entraîneurs a été une très bonne chose. On se rencontre sur une base régulière et je dois dire que contrairement aux années précédentes, où tout le monde tirait un peu de son côté, je constate qu’il y a une meilleure synergie cette année. Tout n’est pas rose, bien sûr, mais on a fait un grand pas en avant, même s’il reste encore beaucoup à faire. Nous sommes actuellement quinze entraîneurs et il est évident qu’on ne peut pas être tout le temps d’accord. Chacun a son opinion et c’est ce qui fait la beauté de la chose. Mais c’est toujours la majorité qui l’emporte. D’ailleurs, je tiens à préciser que cela a été un honneur pour moi d’avoir été choisi par mes confrères.

On croit comprendre que les entraîneurs ne font plus partie du Fixtures Committee du MTC. Info ou intox ?

Cela fait un peu plus de deux ans que nous avions nommé trois entraîneurs, sur une base renouvelable, sur le Fixtures Committee. Il y a récemment eu un quiproquo entre le CEO (NdlR : Mike Rishworth) et le comité. Il estimait qu’il n’y avait pas suffisam,ent de chevaux et que les courses étaient en train d’être annulées. Les entraîneurs ont donc préféré se retirer mais rien ne dit que nous ne seront pas disponibles pour refaire partie du comité à l’avenir.

Les récentes sorties de Ramapatee Gujadhur contre le management du club ne vous ont certainement pas échappé. Une réaction ?

Je tiens d’abord à préciser que cela n’a rien à voir avec l’association des entraîneurs. “Soun” s’est tout le temps exprimé quand il en sentait le besoin. Ses propos n’engage que lui mais rien ne dit cependant que d’autres entraîneurs ne pensent pas de la même façon.

Nous abordons la dernière ligne droite de la saison 2020. Selon vous, les différents effectifs suffiront-elles pour assurer la compétition ?

Il est un fait que le wear and tear des chevaux aura son incidence. Il faut aussi faire ressortir que les derniers chevaux arrivés ont dû passer quarante jours en quarantaine, ce qui est, à mon avis, un gros problème. A ce titre, les entraîneurs sont unamimes à demander que cela change. Mais le break était nécessaire, que ce soit pour les chevaux, la piste, les palefreniers, les préposés et même nous les entraîneurs. Je pense que cela pourra aider à ce qu’il y ait plus de chevaux pour le week-end qui vient.