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Deux autres victimes du notaire Roopun et ses acolytes plumées de Rs 2,4 M

18 septembre 2020, 09:00

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Deux autres victimes du notaire Roopun et ses acolytes plumées de Rs 2,4 M

Une bande organisée aurait accumulé des millions en bernant des pigeons. Ces victimes ne savent plus vers qui se tourner. Que font la Land Fraud Squad, la MRA, l’ICAC et la Chambre des notaires ? Un nouveau cas vient d’être mis au jour…

Ce notaire est décidément bien protégé. Il sévit depuis plus de 20 ans et ce n’est que maintenant que les victimes commencent à sortir de l’ombre après des articles de l’express. Que ce soit à la Land Fraud Squad, à la Chambre des notaires ou même au bureau de l’Attorney General, personne ne semble s’inquiéter des millions escroqués parfois à des familles de condition modeste. Tout le monde se renvoie la balle. Où sont passés tous ces millions accumulés par Dharmaveersing Roopun, aussi connu sous le nom de Soudesh ? La Mauritius Revenue Authority (MRA) nous a conseillé de lui adresser un courriel en ce sens. Le modus operandi utilisé dans tous ces cas varie, mais il peut se résumer de la façon suivante.

Des terrains vagues sont identifiés par des rabatteurs, normalement des courtiers qui ont leurs entrées au Registrar General. On soupçonne même une complicité de certains officiers de ce service qui leur donneraient non seulement des renseignements concernant la propriété d’un terrain mais leur fourniraient également un faux identifiant ou code donné à chaque terrain (PIN) (voir l’express du 17 juin 2020). Tout comme d’autres officiers qui approuvent des permis de morcellement sans passer par le Morcellement Board (voir l’express du 25 juin 2020).

Ces courtiers, comme les fameux Sandeep Appadoo ou Mahendra Chooneea, (voir hors-texte et l’express du 17 août 2004) recherchent alors le client. Interviennent ensuite des arpenteurs, dont trois sont réputés pour ce type d’arpentage, qui mettra l’acquéreur en confiance. Ce dernier devra alors contacter son notaire. Dans ces cas précis, ces courtiers vont imposer leur notaire, qui portera le coup de grâce. Des terrains agricoles font aussi l’objet de ces transactions douteuses. Le cas Nawosah et Quirin illustre bien le système utilisé.

Mahendra Choneea, courtier de son état, est membre actif d’une organisation religieuse. On l’appelle «Maître». Son appartenance et son titre l’aideront à approcher ses futures victimes et à les berner. Nawosah et Quirin, de modestes planteurs de Curepipe, recherchaient un terrain agricole pour cultiver des fruits et des légumes. Un autre membre de l’organisation que fréquente un proche de Nawosah présente alors Mahendra Chooneea à la famille. Très vite, ce dernier leur indique un lot de 2,75 arpents dans la région de Forest-Side où les terrains vagues ne manquent pas. Le vendeur supposé est un certain H. B. Son titre de propriété est montré aux acheteurs de façon furtive. Le terrain est déjà balisé par des piquets, ce qui mettra en confiance les futurs acheteurs. Prix : Rs 1,2 million. Mahendra Chooneea demande un acompte de Rs 300 000, promptement payé par les victimes par chèque bancaire au nom du notaire Soudesh Roopun, qui n’émet pas de reçu. L’arpentage est effectué par Ravindranath Bhurtun. Quand Nawosah et Quirin font une vérification au Registrar General, ils apprennent que ledit terrain appartient en fait à l’État ! Ils en font part à Chooneea et demandent à être remboursés. Le courtier leur répond : «Il y a eu une confusion. Ne vous en faites pas, je vous trouverai un autre terrain.» Roopun ne rend pas les Rs 300 000 qui seront, dit-il, déduites sur l’autre terrain.

Deux héritiers fictifs 

Quelques jours plus tard, Mahendra Chooneea leur montre un deuxième terrain agricole de six arpents à 16e Mille. La tactique a déjà changé car, après avoir vainement tenté de vendre un terrain de l’État à ces deux familles (Roopun l’aurait fait auparavant, voir l’express du 17 juin), la bande à Roopun utilise maintenant le rapport de la Comission Justice et Vérité. Après quelques recherches, ils choisissent un propriétaire décédé dans les années 1920 ! Et ce qui va suivre étonnera Danielle Tancrel et Clency Harmon, les porte-parole des victimes historiques de spoliation de terres. Roopun et son acolyte Chooneea font deux comparses jurer un affidavit par les soins d’un avoué, Me Madhusudun Conhyedoss ou Me Hemendra Kumar Fulena (selon le cas), dans lequel ils énumèrent les descendants d’un certain Chastelier et, après deux pages, identifient deux héritiers: M. D. H. et M. A. P.

Grâce à cet affidavit, ces derniers se déclarent propriétaires du terrain qu’ils vendent aussitôt à Nawosah et Quirin à travers le notaire Roopun. Mais ces vendeurs n’apparaissent jamais devant les acheteurs. C’est Chooneea qui montre un papier aux acheteurs stipulant qu’un certain J. C. représente les vendeurs. Et il demande Rs 100 000 supplémentaires (après les Rs 300 000 déjà remises à Roopun) en acompte. Ce que font Nawosah et Quirin, toujours par chèque bancaire au nom de Dharmaveersing Roopun qui ne leur remet, bien sûr, pas de reçu. Chooneea annonce alors aux acquéreurs qu’ils peuvent commencer le nettoyage du terrain en attendant que la transaction soit finalisée. Nos deux planteurs louent à grands frais des machines à cette fin, quand surgit un jour un certain L. qui les informe qu’il est le propriétaire du terrain avec, à l’appui, des documents en bonne et due forme. Nawosah et Quirin se plaignent une fois de plus auprès de Chooneea qui leur fait la même réponse et promesse : «Pas de souci. Je vous trouverai un autre terrain.»

On bouge ainsi à Midlands où un terrain de 13 arpents est identifié et dont les propriétaires ne seraient autres que les mêmes M. D. H. et M. A. P., qui décidément sont des héritiers veinards et qui n’ont pas eu besoin de faire une grève de la faim comme Clency Harmon mais auraient eu recours aux services de Dharmaveersing Roopun. Cette fois-ci, Chooneea et Roopun ne se contenteront pas d’un acompte de Rs 100 000. Ils frappent un grand coup, surtout quand ils voient que les acheteurs sont des gens timides qui ne feront pas d’histoire. Ils leur demandent Rs 600 000, Rs 400 000 en chèques tirés au nom de Roopun sans obtenir de reçu, et Rs 200 000 en liquide avec un reçu signé d’avance par M. D. H. et M. A. P. Ces derniers ne se montrent toujours pas aux acquéreurs, Chooneea trouvant chaque fois un prétexte pour justifier leur absence. De plus, puisque les paiements, à l’exception des Rs 200 000 en liquide, ont été faits à un professionnel de ce «noble» métier qu’est le notariat, pourquoi se soucier ?

Le nettoyage du troisième terrain peut commencer, dit Chooneea aux victimes. Ce qu’ils font en louant des tracteurs de la Mauritius Sugar Planters’ Mechanical Pool à coups de milliers de roupies. Mais, soudain, débarque un certain F. qui les informe que le terrain appartient à la famille H. Cette fois-ci, Nawosah et Quirin en ont marre et demandent le remboursement de la totalité de la somme remise, soit un million de roupies. Mais c’était sans compter les talents de Chooneea qui réussit à les convaincre de lui faire confiance tout en lançant des menaces. Pour Nawosah, «sak fwa, Roopun et Chooneea dir nou si nou pa oule perdi larzan ki nounn fini done, nou bizin aste lot terin ki zot pe propoz nou. Larzan fini done pa pou rande.»

En absence du vendeur

Chooneea leur montre donc un quatrième terrain de 13 arpents, toujours à Midlands, au prix de Rs 3,9 millions. Et qui est le vendeur ? LilianeTonta, celle-là même qui s’est fait connaître dans la vente du terrain d’Omnicane (voir l’express du 11 septembre 2020). Une fois de plus, un affidavit de plusieurs pages est juré retraçant l’arbre généalogique de l’héritière. Une somme de Rs 1,4 million est remise par Nawosah et Quirin par chèques au nom de Dharmaveersing Roopun. Les victimes ignorent si Liliane Tonta a bien reçu l’argent déposé «in trust» auprès du notaire Roopun. De plus, Rs 103 725 sont remises en liquide par les imprudents Nawosah et Quirin au notaire qui s’occupera, leur dit-il, de l’enregistrement, etc.

Après deux mois, soit le 3 juillet 2019, n’ayant toujours pas reçu leur acte de vente, Nawosah et Quirin vont voir le notaire. Celui-ci les informe qu’il y a un problème sur l’affidavit et qu’il doit en refaire un autre ainsi qu’un nouveau contrat de vente que les acquéreurs devront signer plus tard. Roopun leur réclame Rs 43 000 additionnelles pour de nouvelles démarches.

Recommencent encore une fois les travaux de défrichage sous l’encouragement de Chooneea et, cette fois, des arbres fruitiers et des légumes sont mis en terre. Le contrat est signé le 31 janvier 2019. En fait, ce contrat n’indique pas la superficie du terrain, le notaire leur expliquant qu’il remplira les informations manquantes plus tard. Les victimes comprendront avec le recul que le notaire Roopun aura préféré laisser vides ces espaces de peur qu’un autre propriétaire ne se manifeste comme les fois précédentes… De plus, la vendeuse n’est pas présente car, dit le notaire, elle viendra un peu en retard et donc les acquéreurs peuvent signer pour gagner du temps. Finalement, la vendeuse ne viendra jamais. Aucune copie des documents signés n’est remise aux acheteurs, mais ces derniers ont pu en prendre quand même des photos.

Après trois mois d’occupation du terrain sans que personne ne vienne brandir son titre de propriété sous leur nez, Nawosah et Quirin sont quand même préoccupés : leur titre de propriété ne leur a toujours pas été remis par le notaire Roopun. Quand ils vont le voir, il leur dit qu’il y a encore un changement, cette fois sur la superficie du terrain, qui passe de 5 à 7 arpents. Cela leur paraît suspect et ils exigent d’être remboursés car ils sont convaincus qu’il y a anguille sous roche. En fait, le terrain appartient à la société Piton Devoyenne, qui a entre-temps affiché une pancarte dans ce sens sur le terrain. Raison de plus pour demander à être remboursés. Face à leur insistance, le notaire leur déclare qu’il a déjà payé les Tonta, qui, de leur côté, nient. Lorsque les acquéreurs tentent quelques signes de colère et d’impatience, Soudesh Roopun hausse le ton et les menace même en leur lançant «Gete ki to anvi fer, mo ena dimounn partou.» Il leur conseille même d’aller à la Land Fraud Squad.

Les Nawosah et Quirin ont mobilisé leurs économies d’années de dur labeur pour acheter ce terrain. Et ils veulent récupérer leur dû. Ils décident donc de contacter un avocat, qui les accompagne pour une déposition formelle (OB 910/2020) contre le notaire à la Land Fraud Squad. Une mise en demeure est en voie d’être servie au notaire Roopun lui sommant de restituer les Rs 2,4 millions plus les frais de nettoyage des terrains encourus pour rien par Nawosah et les Quirin.

Contacté à plusieurs reprises, le notaire dit être très occupé avant de nous dire finalement qu’il ne fera aucune déclaration. Mes Conhyedoss et Fulena, avoués, restent injoignables. Même chose pour le courtier Chooneea. L’arpenteur Ravindranath Bhurtun ne répond pas non plus. La Land Fraud Squad, qui reste silencieuse, décidera-t-elle enfin de convoquer tout ce beau monde ?

Malgré un ordre de la cour suprême

<p>&nbsp;Il faut savoir que Mahendra Choonea est pote d&rsquo;affaires de Sandeep Appadoo, qui s&rsquo;était fait connaître dans les affaires d&rsquo;Agnis Properties et du notaire Deelchand, entre autres. (Voir &laquo;<em>l&rsquo;express&raquo;</em> du 17 août 2004). Ces deux courtiers et Dharmanaden Sambon étaient en avril 2004 provisoirement accusés de meurtre, de crime d&rsquo;incendie et de complot pour cacher de la drogue chez quelqu&rsquo;un en vue de le faire arrêter. Mis en cellule <em>&laquo;en attendant que l&rsquo;enquête soit bouclée</em>&raquo;, ils avaient retrouvé la liberté quand le DPP de l&rsquo;époque n&rsquo;y avait pas objecté en avançant des raisons exceptionnelles. Il faut aussi noter que le notaire Roopun avait été condamné en 2005 pour détournement mais il a continué à exercer comme notaire malgré la demande de la Cour suprême d&rsquo;enquêter sur lui.</p>