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Enfants à besoins spéciaux: les normes des écoles validées... après 15 ans

30 janvier 2020, 21:30

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Enfants à besoins spéciaux: les normes des écoles validées... après 15 ans

Définition des normes et standards, enregistrement et paiement de subventions aux Special Education Needs Schools (SENS) enregistrées : ces mesures deviennent réalité en 2020. De plus, les 54 établissements de soutien aux enfants handicapés et à besoins spéciaux, répertoriés par le ministère de l’Éducation, devaient bénéficier d’un moratoire d’une année pour se mettre aux normes. «Désormais, nous travaillons sur une extension de cette période», a annoncé la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun, à l’atelier de travail sur la validation de ces fameux standards, qui s’est tenu, hier, mercredi 29 janvier à l’hôtel Gold Crest à Quatre-Bornes. 

«Très bien mais ça fait plus de 14 ans de retard», avance Gilberte Chung, directrice du Service diocésain de l’éducation catholique, qui gère huit établissements de type SENS. En effet, en 2005-2006, elle avait travaillé sur la première stratégie nationale pour ces institutions, qui comprenait déjà ces mesures : «Il est temps d’avoir une véritable Special Needs Education Authority (SENA). Elle existe depuis peu mais il n’y a pas de directeur. Nous attendons beaucoup de cette organisation.» Sollicitée sur ce retard, Savitree Oogarah, présidente du comité de la SENA, créée par une loi spécifique en 2018, affirme que toute stratégie nécessite une base solide et du temps. De son côté, Ali Jookhun, membre du comité, soutient qu’un directeur devrait être nommé d’ici quelques jours : «Tous les problèmes seront régis par la SENA. Il y aura une solution, un suivi et un monitoring. Avant, chacun roulait une école SENS à sa guise. Désormais, il y aura une structure.» 

Mais pourquoi ces initiatives ne surviennent qu’en 2020 ? «Ce projet a cumulé beaucoup de retard. En plus, beaucoup d’éléments ont été oubliés, notamment le préscolaire», explique Dharam Gokhool, ancien ministre de l’Education, en poste lors de l’élaboration de la stratégie de 2005. Pour lui, le fonctionnement de la SENA, dont la fondation était plébiscitée à l’époque, ne doit pas être politisé. «Il y a pas mal d’initiatives qui ont commencé. Mais pour que ce projet réussisse après toutes ces années, il faut chercher des professionnels et former une équipe avec des spécialistes du milieu. Au cas contraire, l’État agira vite et mal. On est déjà en retard mais à trop se précipiter, on va prendre de mauvaises décisions.» Il cite notamment l’expertise de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 

La situation est également décriée par Armoogum Parsuramen, ancien ministre de l’Education et président de la Global Rainbow Foundation, qui l’avait déjà évoquée dans son Memorandum for the empowerment of persons with disabilities en 2018 : «L’État est très en retard en la matière. Ce genre de dispositif aurait dû être mis en place depuis bien longtemps. Maurice a beaucoup à faire dans le cadre de la Convention internationale relative aux droits des personnes en situation de handicap.» Selon lui, la SENA, opérationnelle depuis 2019, n’est pas une solution pour les jeunes en situation de handicap. Il ajoute que les organisations non gouvernementales font de leur possible pour accompagner ces enfants durant leur scolarité mais que «ces dernières doivent être soutenues et aidées par le gouvernement auquel elles ne peuvent se substituer».

Quels sont les problèmes rencontrés par les SENS ? «Bien que la SENA ait été instituée pour régir ce secteur, il n’y a toujours pas de directeur. Il y a trois ans, notre objectif était de développer les enfants et les rendre autonomes. Mais, depuis peu, ça a changé. J’ai dû louer une maison car je ne dispose même pas d’un espace dédié. Le plus urgent est le manque de financement. Nous ne pouvons plus compter sur la Corporate Social Responsibility (CSR)», indique Gina Poonoosamy, fondatrice de l’école Anou Grandi, qui compte 82 élèves. 

Contrainte également partagée par Vijayeantee Domun, du Centre pour le progrès et l'éducation des enfants (CEPEH) : «Nous avons une subvention de Rs 5 400 par enfant pour un an. Cela ne contribue que 30 % de notre budget. Nous avons aussi une contribution mensuelle de Rs 300 par enfant mais, dans beaucoup de cas, les parents ne peuvent payer. Nous devons trouver d’autres solutions. Quelques hôtels nous soutiennent mais on n’a plus autant de CSR.» Sur cette question, Savitree Oogarah soutient qu’il y aura des critères spécifiques pour les SENS. Toutefois, après validation, les normes ne seront pas publiées. Pour Dharam Gokhool, le financement des SENS doit être revu. 

S’alignant sur le manque de financement, Gilberte Chung mentionne la grande disparité entre les enfants handicapés et ceux du mainstream : «Pourtant le ministère de l’Éducation a la responsabilité de les prendre tous en charge. Il faut plus de parité.» Une autre lacune est évoquée : le recrutement du personnel des SENS. Alors que cette mesure était inscrite au plan d’action national de 2005, rien n’a suivi. Du côté des gestionnaires des SENS, on essaie autant que possible de trouver des effectifs. «Des formations sont dispensées mais la reconnaissance des éducateurs doit se faire. Il y a la recognition of prior learning mais mous attendons beaucoup à ce niveau. Il n’y a pas d’échelle de salaires. Le National Remuneration Board y travaille mais rien n’a abouti jusqu’à présent.» D’après nos interlocutrices, les éducateurs touchent en moyenne le salaire minimum. Et, avec la compensation salariale, la note est plus salée pour les ONG à la tête des SENS. 

Une autre difficulté est relevée par Reynolds Permal, président de Lizié dan lamé. «Comment standardiser les SENS qui s’attellent à l’éducation des enfants sujets à divers types et degrés de handicap ? Il y a des slow learners, des enfants sourds, des non et malvoyants, etc. Chaque établissement a des besoins différents.» Pour Savitree Oogarah, à cause de ces spécificités, «il sera difficile de les harmoniser mais le plus important, c’est qu’on va vers l’inclusion».