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Thierry Malabar: «Notre politique, zéro déchet destine à l’enfouissement technique»

16 octobre 2019, 17:38

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Thierry Malabar: «Notre politique, zéro déchet destine à l’enfouissement technique»

Il y a 19 ans, B.E.M. Recycling Ltd se lançait dans le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Thierry Malabar, chargé de projets et détenteur d’un Master en Gestion de l’environnement et en développement durable, fait le point sur cette démarche qui a nécessité le recours à un important programme d’investissement.

B.E.M. Recycling est engagé dans le secteur du recyclage des déchets. Quelle est la spécificité de vos opérations ? 
Nous assurons le traitement des déchets de la plus petite taille, comme un téléphone portable, à la plus grande taille, par exemple, un réfrigérateur. Notre spécificité se situe dans le mode de traitement en cours chez nous. Nous possédons des équipements qui nous permettent de provoquer une dépollution complète et correcte des déchets et ainsi valoriser le produit fini en matière première. Nous avons les connaissances techniques pour effectuer une dépollution de qualité afin d’arriver à ce stade final de matière prémière.

Que faites-vous de ces matières premières ? 
La dépollution est notre premier corps de métier. Notre deuxième corps de métier consiste à revendre ces matières premières. C’est une posture inscrite dans le cadre de l’économie circulaire. L’idée consiste à travailler avec des entreprises locales et internationales. À titre d’exemple, le verre récupéré des réfrigérateurs ou des écrans cathodiques est utilisé pour en faire des agrégats permettant ainsi d’aboutir par exemple à des dalles assorties d’effets de la beauté associée au terrazzo.

B.E.M. Recycling a amorcé un virage important dans son mode d’opération en 2000 pour entrer de plain-pied dans le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques. Quelle a été la principale motivation ? 
Ce virage résulte de l’évolution naturelle que B.E.M. Recycling a connue. Après une vingtaine d’années, l’entreprise imaginée et créée par mon père, Berty Malabar, s’est trouvée à la croisée des chemins. Une étude du marché du traitement des déchets a démontré qu’il existe une véritable demande pour ce type de service à Maurice. Nous sommes arrivés à la conclusion que la connaissance et le savoir- faire que nous avons acquis dans le domaine du traitement des déchets justifierait un engagement plus prononcé. C’est ce qui explique notre décision d’investir lourdement dans l’achat de nouveaux équipements et notre migration de la zone industrielle de La Tour Koenig à un emplacement plus conséquent à La Chaumière où se trouvent nos opérations. Ce sont des équipements qui nous permettent de traiter tout type d’appareils, du plus petit au plus gros, comme par exemple des machines à laver ou des réfrigérateurs.

Finalement, à quoi se résume votre politique en matière de traitement de déchets ? 
Notre politique consiste à faire en sorte que le système que nous avons mis en place ne laisse sur place aucun déchet, dont la seule alternative de traitement demeurerait malheureusement son acheminement vers un centre d’enfouissement technique. Le virage que nous avons effectué en l’an 2000 démontre notre volonté de participer positivement à l’émergence d’une véritable industrie de recyclage à Maurice. Une industrie qui participe activement à un mode de développement qui tienne compte de ses obligations sociales, de la nécessité de respecter et de préserver l’environnement tout en privilégiant une activité sainement économique. Une activité où est constamment présent le souci visant à réduire autant que possible le niveau d’émissions de gaz à effet de serre qui pourraient lui être imputées.

Contrairement à ce qu’on s’attendrait d’une société engagée dans le traitement des déchets, c’est un service payant. Quelle en est la logique ? 
La réclamation d’une contribution pour le traitement de déchets par B.E.M. Recycling est due au fait que la dépollution et le bon traitement des déchets dangereux impliquent des coûts d’opération réels. Les personnes souhaitant qu’on traite de façon scientifique leurs déchets doivent contribuer financièrement pour qu’on vienne récupérer ces déchets chez elles. Le montant de cette contribution dépend du volume du ou des déchets. S’il fallait instaurer une fourchette de cette contribution, on dirait qu’elle oscille entre Rs 20 et Rs 1 200, dépendant de la taille du produit. Plus la taille est petite, moins élevé sera le montant de la contribution. Plus la taille est volumineuse ou le niveau de sa dangerosité est élevé, plus le montant de la contribution sera élevé. L’idée est de réduire autant que possible le coût du traitement des déchets chez B.E M. Recycling. Le principe est que notre entreprise ne reste pas indifférente à l’égard de toute personne qui manifeste son intérêt pour traiter ses déchets selon la méthode que nous proposons. C’est la raison pour laquelle nos prix varient en fonction de différents paramètres sociaux, des régions, de la catégorie des déchets et de leur dangerosité.

Quels changements majeurs sont intervenus dans le secteur du traitement des déchets que vous occupez depuis que vous avez opté pour un système de traitement d’équipements électriques et électroniques ? 
Il y a une vingtaine d’années, la clientèle de B.E.M. Recycling était entièrement composée d’entreprises. Depuis, les choses ont changé. L’étude que nous avons réalisée récemment démontre que 80 % des déchets que nous traitons proviennent des entreprises seulement. Le reste vient des ménages. C’est une indication claire qu’avec le temps, le Mauricien a commencé à comprendre l’importance de rechercher la société qui offre la bonne technique en matière de traitement des déchets. Parallèlement, cette situation démontre que, de plus en plus, le Mauricien commence à adopter un comportement responsable par rapport au sort qu’il réserve à ses ordures. En choisissant de confier ses ordures à une société spécialisée dans le t rai tement des déchets, le Mauricien a compris qu’il y a une alternative au geste qui consiste à jeter ses ordures dans la nature. Cela vaut la peine de signaler le cas de cette personne qui a fait le trajet de l’Est à l’Ouest rien que pour déposer un fer à repasser qu’elle a souhaité faire traiter d’après nos critères.

Trop souvent, on ne voit que l’incivisme du citoyen qui jette ses ordures dans la nature démontrant ainsi un non-respect flagrant de l’environnement. Le temps n’est-il pas venu pour couper la poire en deux en ayant recours au principe de responsabilité élargie et en imposant aux personnes ayant introduit un produit sur le marché la responsabilité de prendre en charge et de gérer les déchets provenant de tels produits en fin de vie ? 
C’est le propre même du système de responsabilité élargie du producteur (REP) qui existe en France et dans les pays anglosaxons. On n’en est pas encore là à Maurice. C’aurait été intéressant d’imaginer l’introduction d’un système selon lequel l’obligation est faite au producteur ou bien à la personne qui a introduit sur le marché un produit de le reprendre à la fin de son cycle de vie afin de le confier à un des recycleurs agréés par les autorités compétentes. Mais quel que soit le mérite associé à une telle démarche, le principe qui consiste à inviter un Mauricien à contribuer financièrement pour que ses déchets soient traités de façon scientifique et saine passe très mal. D’où la nécessité de réfléchir à l’introduction d’un système inspiré du principe de la responsabilité élargie du producteur.