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Richard Payendee: «Je ne veux pas que le trésor de Rodrigues finisse en Angleterre»

12 juillet 2019, 22:30

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Richard Payendee: «Je ne veux pas que le trésor de Rodrigues finisse en Angleterre»

Actuellement en mission à La Réunion, Richard Payendee dit avoir appris l’existence du coffre tant convoité dans «l’express». Le commissaire de l’Environnement et du tourisme de Rodrigues est le premier représentant de l’Assemblée régionale à revendiquer publiquement le trésor découvert par deux randonneurs à Saint-François, en août.

Pourquoi voulez-vous vous battre pour garder ce coffre découvert à Saint-François ?
C’est tout à fait normal de me battre. Je ne me bats pas en tant que commissaire mais en mon nom personnel. Richard Payendee est connu comme le père et le gardien de l’histoire de Rodrigues.

Dans le passé, lorsque j’étais à la MauritiusWildlife Foundation (MWF), j’ai beaucoup travaillé pour la conservation de la faune et de la flore de Rodrigues. J’ai découvert des grottes et d’autres richesses de mon île. Je me suis battu pour arrêter les travaux pour l’extension de la piste d’atterrissage à cause des espèces endémiques. J’aime mon île. Si le trésor existe vraiment, il doit rester à Rodrigues.

Comment avez-vous appris l’existence du coffre ?
J’en ai pris connaissance lorsque j’ai lu les deux articles de l’express à ce sujet. Avant cela, j’avais lu le bouquin de Jean-Marie Le Clézio (Le chercheur d’or). Comme je suis aussi plongeur depuis 20 ans, j’ai déjà raconté à des amis avoir vu une ancre de bateau devant la passe à Anse-aux-Anglais. J’avais alors fait l’association avec le livre de Le Clézio me disant que si le trésor est passé par Anse-aux-Anglais, l’ancre du bateau est restée là. Et cela ne m’a pas poussé à aller plus loin que ça.

Anse-aux-Anglais et Saint-Francois, où le coffre dont il est aujourd’hui question a été découvert, sont loin l’un de l’autre…
Peut-être qu’il n’y a pas un seul trésor. Je n’en sais rien. Lorsque j’étais à la tête de la MWF à Rodrigues, j’ai sillonné l’île non pas à la recherche du trésor mais des richesses comme la faune et la flore. Jusqu’ici, le trésor était un mythe. Personne ne l’avait encore trouvé. Si c’est le cas aujourd’hui, ce trésor doit faire partie du patrimoine et de l’histoire de Rodrigues, pour nos enfants et le tourisme, car l’île sera placée sur la carte du monde.

Pourquoi avoir choisi la Journée rodriguaise à Maurice pour faire état du différend entre Maurice et Rodrigues sur la question ?
Aux petites heures du matin du 7 juillet (NdlR, le jour où il a participé à cette Journée), j’ai fait un rêve sur ce trésor. Dans ce rêve, j’ai vu où il était. Le matin, quand je me suis réveillé, j’ai envoyé un message à quelques collègues commissaires – d’ailleurs, je conserve toujours ce message sur mon téléphone – pour leur dire que je me rendrai là où j’ai vu le trésor dès mon retour de La Réunion ce week-end. C’est aussi à ce moment-là que je me suis dit que je ne vais pas rester tranquille. J’ai alors changé mon discours à la Journée Rodriguaise, au Centre Nelson Mandela.

Le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, vous a dit qu’il ne faut pas que vous induisiez les Rodriguais en erreur et qu’il faut respecter la loi ?
Je suis désolé si certaines personnes présentes lors de mon discours trouvent que j’ai été anti-Mauricien. Ce n’est pas le cas. Je suis aussi Mauricien. Ma mère vit à Maurice. Je suis entièrement d’accord qu’il faut respecter la loi. J’ai moi-même emmené trois règlements à l’Assemblée régionale – sur la pêche à l’ourite, le sac en plastique et les items à utilisation unique. Mon problème, c’est qu’on ne peut pas partager ce trésor comme ça. Il faut faire une enquête d’abord sur ces gens qui disent l’avoir découvert par hasard.

Pourquoi réclamez-vous une enquête sur les deux randonneurs ?
On voit des gens un peu partout. C’est vrai que Rodrigues accueille tout le monde, mais il y a aussi des gens qui viennent chercher des choses. À Grand-Baie et à Anse-aux-Anglais, je sais qu’il y a eu des recherches, dont certaines avec des détecteurs de métaux. Donc, dans le cas des deux qui ont découvert le coffre, on a des moyens de prouver s’ils ont fait cette découverte par hasard ou s’ils cherchaient depuis longtemps. Parce qu’au final ce qu’on doit savoir, c’est est-ce que des gens peuvent venir à Rodrigues et jurer des affidavits et dire que la moitié du trésor leur revient ?

Et pourquoi pas ?
La loi, c’est une chose. L’esprit de la loi, c’est autre chose. L’argent ne peut pas tout acheter. Il s’agit là, si c’est vrai, de l’histoire, de la richesse d’un peuple. Et c’est ce mythe, ce rêve qui devient réalité qui m’intéresse. L’argent n’est pas mon combat. Je parle de richesse de Rodrigues.

Aujourd’hui, le seul solitaire monté complètement à partir des ossements de cet oiseau qui était unique à Rodrigues se trouve non à Rodrigues mais au musée de l’histoire naturelle en Angleterre.

J’avais récupéré ces ossements avec mes amis de la Wildlife à l’époque. J’aurais pu les vendre pour des milliers de roupies. Mais je les ai remis à l’État. Car vendre l’histoire de mon île, c’est comme vendre mon âme. Tout comme j’avais collecté des ossements de la poule bleue de Rodrigues. À l’époque, j’étais bête. Encore une fois, c’est au musée de l’histoire naturelle en Angleterre qu’ils se trouvent, même si l’oiseau porte mon nom.

Je ne veux pas que le trésor connaisse le même sort. J’aime mon île. L’histoire est très importante et je ne veux pas que nos enfants disent qu’on a failli.

Qu’est-ce que cela fait d’entendre d’autres voix à Rodrigues se rallier à vous depuis votre discours ?
Aujourd’hui, je suis content de voir toute l’île Rodrigues rassemblée. Ce trésor rassemble les Rodriguais. Le minority leader et ancien chef commissaire de Rodrigues, les syndicalistes, tout ce monde qui se battait avant pour n’importe quoi est uni autour d’un même combat aujourd’hui. Je n’ai pas vu un Rodriguais s’y opposer car c’est une bonne cause. Je ne suis pas devenu politicien pour une raison ou une autre. C’est pour poursuivre ma mission de gardien de l’histoire, de botaniste. J’ai grimpé plus haut pour prendre des décisions.

Avez-vous déjà été sur le site où la découverte a été faite ?
Oui, j’y ai déjà été dans le passé, mais pas pour chercher ce trésor.

Si c’est avéré que le coffre recèle un trésor, qu’allez-vous faire concrètement ?
Là, ça dépasse mes compétences. Il reviendra au chef commissaire et à l’Assemblée régionale de décider. Je participerai certes en tant que membre exécutif. Il nous faudrait également solliciter l’avis des gens qui ont fait cette expérience et qui connaissent mieux que nous.