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Ignace Lam: «Le comportement du consommateur a changé»

29 décembre 2018, 18:15

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Ignace Lam: «Le comportement du consommateur a changé»

Salaire minimum, impôt négatif, promos de fêtes : comment réagit le consommateur ? Un plus grand volume de ventes traduit-il un meilleur pouvoir d’achat ? Ignace Lam, président de l’enseigne Intermart, distingue une montée en gamme chez les Mauriciens. Cependant, le secteur souffre de l’absentéisme de la main-d’oeuvre locale. D’où le recours aux travailleurs étrangers.

Avec l’introduction du salaire minimum et l’impôt négatif, quel est l’impact sur le pouvoir d’achat ?
Je n’ai aucun doute sur le fait que l’application du salaire minimum et l’impôt négatif ont eu des retombées positives. Le pouvoir d’achat des Mauriciens s’est amélioré…

Dans quelle mesure?
Premièrement, nous constatons que beaucoup plus de Mauriciens fréquentent les supermarchés. Deuxièmement, le salaire minimum et l’impôt négatif touchent surtout les personnes au bas de l’échelle qui ont convergé vers la classe moyenne. Il suffit de voir ce qu’elles consomment et comment elles sont montées en gamme.

Prenons l’exemple du whisky. Celui embouteillé localement se vend moins. En revanche, le Mauricien choisit de meilleures gammes. Durant ce mois de décembre, c’est la première fois que j’entends un fournisseur évoquer une rupture de stock de Red Label. C’est frappant. Même la Gold Reserve est en rupture. Et pour la version Black, on note une augmentation des ventes.

La différence est donc visible ?
J’en suis certain : la consommation a été bien boostée. Cela dit, nous avons constaté un phénomène parallèle et on ne sait pas s’il est relié aux nouvelles lois zéro tolérance sur nos routes. En fait, depuis cette application légale, la consommation d’alcool a baissé.

Dans un autre registre, cette année, nous avons importé une gamme importante de Stollen, des gâteaux de Noël. Déjà, tout est parti dans nos magasins. Et bien d’autres produits ont suivi cette tendance, soit le saumon frais que nous n’avons pas hésité à importer ainsi que des huîtres et des crevettes roses.

En sus des produits de fête, la charcuterie illustre également la montée en gamme. À titre d’exemple, les terrines se vendent bien. On voit nettement une différence ; les personnes qui faisaient partie du «lower class income» ont basculé vers le «middle class income».

En ce temps des fêtes, comment les emplois sont-ils affectés ?
Comme dans tous les commerces, le problème d’absentéisme est récurrent. Je crois que cela est dû à la mentalité, à la culture du travail qui n’est plus la même. L’employé n’a plus le sens des responsabilités. L’absentéisme est très élevé et pas juste en période festive mais tout au long de l’année.

Par exemple, le 26 décembre, à notre supermarché de Grand-Baie où nous disposons de deux boulangers, les deux se sont absentés. Heureusement, il y avait des employés du Bangladesh qui venaient d’être formés. Ils se sont débrouillés aussi bien en boulangerie qu’en viennoiserie. Le gouvernement est conscient de ce problème. De ce fait, les travailleurs étrangers sont plus présents dans les commerces.

Quels métiers prennent plus d’essor ?
Les Bangladais, par exemple, sont très polyvalents. Ils peuvent travailler en rayons comme gondolistes, au sein des stores, au nettoyage, entre autres. Déjà, je constate que la majorité des boulangeries de l’île emploient ces étrangers. Ils sont efficaces.

Quelles sont les autres difficultés auxquelles font face les supermarchés ?
À Maurice comme à l’étranger, notamment en France, on remarque un manque d’intérêt des gens pour les métiers d’artisans. Ceci inclut la boulangerie, la boucherie etc. Fondamentalement, les Mauriciens courent toujours après des jobs à col blanc…

Donc une tendance qui perdure ?
Oui et c’est un problème mondial. Et dans notre mission, le plus important n’est pas d’ouvrir un magasin mais de trouver la main-d’oeuvre pour le faire tourner. Hélas, ce n’est pas le type d’emploi que le Mauricien recherche. Celui-ci est très «choosy» dans son emploi. Par exemple, il veut avoir un temps de loisir, travailler de lundi à vendredi, ne pas faire d’heures supplémentaires etc. Les gens sont plus exigeants.

Face à la multitude de supermarchés, comment achètent les Mauriciens ?
Le comportement du consommateur a changé. Plusieurs personnes me font part d’une réflexion à l’effet que les parents gâtent trop leurs enfants. Ils font tout et achètent tout pour eux, notamment des voitures etc. En tout temps, l’attitude de l’acheteur a évolué. Il monte en gamme mais fréquente aussi les centres commerciaux pour combiner loisirs et achats.

Les consommateurs sont-ils fidélisés aux enseignes ou achètent-ils là où les promos les portent ?
Les Mauriciens sont fidélisés. La preuve, nous avons plus de 200 000 clients qui disposent de la carte privilège, un système qui a été un gros succès. Et 65 % de nos ventes passent avec cette carte où ils peuvent accumuler des points et obtenir d’autres avantages. Et bien que les consommateurs ne fréquentent pas un seul magasin, ils reviennent chez les enseignes auxquelles ils sont habitués.

Cette année, des changements sont survenus avec le retrait de Shoprite, la multiplication des Winner’s, entre autres supermarchés. Comment le supermarché va-t-il muter en 2019 ?
Je crois que l’accroissement des supermarchés va continuer l’an prochain. Les petites enseignes auront à s’adapter, ce qui consolide le fait que le pouvoir d’achat a augmenté à Maurice. On note aussi que ce qui est le plus prisé, c’est la connexion entre le supermarché et le centre commercial. Les deux combinés au food court constituent l’alliage attirant le consommateur. D’autant que le taux de fréquentation dans les centres commerciaux est plus élevé maintenant. De notre côté, nous viendrons avec des projets si l’occasion se présente.


Bio express

<p style="text-align: justify;">Ignace Lam est expert-comptable de formation. Il a débuté sa carrière comme auditeur au sein de la firme De Chazal Du Mée, maintenant connue comme BDO, pendant dix ans. Puis, pendant 15 ans, il a exercé comme chef comptable au sein du Syndicat des sucres, ce qui lui permet de côtoyer les grands acteurs du secteur commercial. Vers 2004, il intègre la filière des supermarchés en fondant Intermart à Ébène, alors baptisé <em>Ebène Way.</em> En 2011, est créée l&rsquo;enseigne<em> Intermart</em> par les familles Lam et How Hong. Désormais, Intermart compte huit magasins à Maurice.</p>