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En Inde, des chanteurs dalits donnent de la voix

1 avril 2017, 21:11

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En Inde, des chanteurs dalits donnent de la voix

Ginni Mahi a grandi en entendant des histoires de famille sur les nombreux interdits qui frappaient sa communauté dalit au village. Devenue chanteuse, la jeune Indienne a choisi de défendre cette identité avec sa musique pop.

«Qu'y a-t-il à cacher ?», lance cette femme de 18 ans en recevant l'AFP dans son petit studio d'enregistrement, au fond d'une ruelle poussiéreuse de la banlieue de Jalandhar, dans l'État nord-indien du Pendjab.

«Je suis une Chamar et j'en suis fière», déclare-t-elle, en référence à ces dalits - anciennement appelés «intouchables» - chargés du ramassage et de l'équarrissage des animaux morts.

Cette communauté est considérée comme inférieure aux castes définies par les textes hindous. Les dalits sont historiquement marginalisés et cantonnés aux métiers ingrats, malgré l'interdiction faite par la Constitution indienne de discriminer quelqu'un en fonction de sa caste.

Dans ses chansons aux paroles rebelles sur fond de musique pop pendjabie, Ginni Mahi exalte la fierté de ses racines, son espoir en l'avenir et défend la lutte des siens contre l'oppression du système des castes. «Les Chamars sont plus dangereux que des armes», scande-t-elle dans l'un de ses clips les plus connus.

Ses chansons sont devenues virales l'an dernier en Inde, en réaction à plusieurs incidents de violences commises contre des dalits. Au Gujarat (ouest), quatre jeunes avaient été flagellés publiquement à coups de barre de fer, accusés à tort d'avoir tué une vache - animal sacré pour les hindous. Quelques semaines plus tard, une femme dalit enceinte était passée à tabac par des hommes armés de bâtons.

«Je veux être la voix de ces exploités», dit Ginni.

Fans à l'étranger

Sa prise de position a attiré l'attention sur toute une jeune génération de musiciens dalits qui utilisent leur talent et la technologie pour dénoncer l'oppression subie par leur communauté.

Pour Raj Dadral, un musicien dalit confirmé, les plateformes en ligne comme YouTube permettent à ces artistes de se faire plus facilement connaître. «Nous avons réussi à toucher de nouveaux marchés et audiences», explique à l'AFP le chanteur.

Il a reçu des dons de fans indiens habitant au Canada et s'est même produit en Europe et en Amérique.

«Dès le début, ma communauté m'a soutenu avec beaucoup de fierté. Mais des gens m'ont aussi menacé, ils m'ont dit qu'ils allaient me tuer parce que je chantais ces chansons», confie-t-il.

La prolifération de studios d'enregistrement bon marché à travers le Pendjab depuis une dizaine d'années a aussi permis à de nouveaux artistes de tenter leur chance, explique le journaliste Hartosh Singh Bal, rédacteur en chef d'un magazine à New Delhi et bon connaisseur de la région.

Mais «nous faisons une erreur» en considérant ces musiciens dalits comme des symboles de la lutte contre le système des castes: «beaucoup veulent seulement faire une carrière classique, devenir des chanteurs de Bollywood et avoir du succès», pondère-t-il.

Ginni Mahi a des rêves de grand écran et ses clips léchés, à grand renfort d'effets pyrotechniques et d'éphèbes musculeux, rejoignent l'esthétique de MTV. Prochaine étape, Bollywood ?

«Je vais travailler dur et j'espère un jour chanter pour Bollywood. Peut-être même jouer à Hollywood», confie-t-elle.