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Iqbal Sookhroo: «Des caméras de surveillance à l’intérieur de l’auditorium, ‘kot nou pé alé !’»

11 décembre 2016, 16:00

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Iqbal Sookhroo: «Des caméras de surveillance à l’intérieur de l’auditorium, ‘kot nou pé alé !’»

Non, le personnel non académique de l’université de Maurice (UoM) n’était pas au courant de l’installation de caméras de surveillance par la police dans l’auditorium Octave Wiehe. Il savait encore moins que c’est uniquement la police qui a accès aux séquences. Iqbal Sookhroo, le président de l’University Staff Union, affirme qu’il s’agit d’un cas sans précédent. Retour sur une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre…

Le personnel de l’UoM savait-il que l’installation des CCTV avait été faite par la police ?
Bien sûr que non ! C’est du jamais vu ! Tout le personnel était d’ailleurs surpris. C’est à travers la presse que nous l’avons appris. Nous avons organisé quelques séances de travail pour comprendre ce que cela implique pour nous tous. C’est une situation inédite. Pour la première fois dans l’histoire de l’UoM, nous sommes surveillés par la police.

Justement, qu’est-ce que cela implique?
L’auditorium est très sollicité par des gens de l’extérieur mais aussi par le personnel, pour des réunions, les Annual General Meetings (AGM), entre autres. Et tout ce qui est discuté au niveau de l’USU reste confidentiel. Par exemple, l’année dernière nous avons tenu une Special General Meeting lors de laquelle nous avons passé un Vote of No Confidence à l’encontre de la vice-chancelière (VC) Romeela Mohee. Cela s’est tenu dans l’auditorium. Si on devait faire ce même exercice aujourd’hui, je me demande si le personnel se prononcerait en sachant que la police a accès aux caméras. Vous imaginez ce que cela veut dire ? D’être sous la surveillance de la police ? En plus, nous avons appris que l’UoM a libéré une dedicated line pour qu’elle soit mise à la disposition de la police… C’est choquant !

La police a évoqué les menaces terroristes pour justifier l’installation de caméras dans l’auditorium… Qu’en pensez-vous ?
C’est l’explication qui a été fournie. Est-ce seulement l’auditorium qui peut être pris pour cible dans le cadre d’un attentat terroriste ? Pourquoi pas la cantine de l’UoM qui accueille des milliers d’étudiants chaque jour ? Va-t-on mettre tout le campus sous surveillance policière? L’installation de caméras dans ces endroitslà n’aurait-elle pas été plus utile ? Et pourquoi installer les CCTV à l’intérieur de l’auditorium? Kot nou pé alé ! Nous nous demandons quelle était la vraie motivation. Selon les articles de presse, la lettre du bureau du CP est arrivée le 11 février ; les travaux ont commencé le 12 et ont pris fin le 14. Cela a été fait avec une rapidité extraordinaire ! Si c’est ainsi, peut-être que le mieux serait d’octroyer tous les contrats de l’UoM à la police… Et puis, comment se fait-il que la police seule ait la mainmise sur les séquences ? Ce n’est pas normal.

La raison officielle vous laisse-t-elle sceptique ?
Tout à fait. Si on suit la chronologie des événements, on sait qu’il y a eu un congrès d’un parti politique dans l’auditorium à la fin du mois de février. C’est une perception qui existe, elle ne vient pas que de moi. Si vous allez interroger des gens sur le campus, vous verrez que la majorité parle de motifs politiques.

Quel est le «mood» des employés du campus en ce moment ?
Nou bien amerdé ! Nous ne nous sentons pas en sécurité. Nous avons l’impression de ne plus avoir cette liberté de mouvement et de parole que l’UoM est censée nous accorder. Est-ce légal ? Est-ce constitutionnel ? Et le pire c’est que nous n’étions même pas au courant ! Pendant tout ce temps, nous pensions que les images étaient contrôlées par l’UoM en interne.

Ce genre de décision doit-il d’abord être validé par le conseil d’administration de l’UoM ?
Laissez-moi établir un parallèle. Souvent, l’UoM reçoit des dons. Par exemple, nous recevons des équipements, entre autres. Et tout passe par le conseil d’administration. J’ai vu que Romeela Mohee a dit dans la presse que la décision d’installer les caméras date de 2011. Je ne faisais pas partie du conseil à ce moment-là ; peut-être que la décision de faire installer les caméras a été validée par toutes les instances mais je ne pense pas qu’on ait dit que ce serait la police qui le ferait. Cela me semble assez improbable, surtout le fait de donner l’accès à un third party. À l’époque, on voulait faire installer des caméras un peu partout pour la sécurité des étudiants et des employés.

Qui va louer l’auditorium pour des activités privées en sachant que l’on est observé ?

L’affaire des caméras installées par la police fait de la mauvaise pub à l’UoM alors qu’on sait que l’auditorium rapporte de l’argent…
Oui, c’est exact. L’image de l’UoM a pris un sale coup. La location de l’auditorium pour diverses fonctions fait entrer de l’argent dans les caisses. Je n’ai pas le chiffre exact en tête mais il me semble que ça nous rapporte entre Rs 2 millions et Rs 3 millions par an. Qui va louer l’auditorium pour des activités privées en sachant que l’on est observé ? Je pense que cette affaire va dissuader les gens de le louer. Les mouvements syndicaux, les fédérations, les partis politiques… ces groupes, je pense, hésiteront désormais à prendre l’auditorium.

L’UoM se trouve toujours dans une situation de crise ; nous terminons l’année avec un déficit budgétaire de Rs 80 millions d’un côté, et de l’autre côté nous avons un manque à gagner d’environ Rs 5 millions à Rs 6 millions. Et ce, par rapport à la location d’un étage du campus d’Ébène alloué à Eon Reality.

Depuis que ça se sait que c’est la police qui est derrière les caméras, les employés ont-ils tenté d’obtenir des explications de la direction ?
L’USU a envoyé une lettre à la direction. Nous avons demandé de faire enlever les caméras avec effet immédiat. Nous attendons une réponse. Si notre requête n’est pas prise en considération, nous prendrons des actions qui s’imposent.

Nous avons appris que l’uom a libéré une «dedicated line» pour qu’elle soit mise à la disposition de la police… C’est choquant !

La direction de l’UoM a également indiqué qu’elle n’était pas en position de refuser la demande d’installer les caméras étant donné qu’il s’agit de sécurité nationale…
Je suis d’accord mais pourquoi seulement dans l’auditorium ? Nous avons des ingénieurs qualifiés et compétents pour s’occuper de tout le volet informatique. Je le maintiens, les caméras de la police dans l’auditorium feront beaucoup de mal à la crédibilité de l’UoM.

Sinon, la vice-chancelière Romeela Mohee poursuit l’UoM et le président du conseil d’administration Preeaduth Cheetamun…
En effet, j’ai appris pour la mise en demeure à travers la presse. Encore une fois, il s’agit d’une situation inédite ! C’est la première fois dans l’histoire de l’UoM qu’un VC toujours en poste entame des poursuites contre le président du conseil d’administration. Et ce, bien qu’elle ait signé un contrat en bonne et due forme pour une période de trois ans débutant le 16 décembre 2013. Et qu’aucune mention n’a été faite en ce qui concerne la possibilité d’extension. Le contrat expire le 15 décembre. Étant donné que l’UoM a tout récemment approuvé une Equal Opportunity Policy, il est normal que le poste de VC soit re-advertised. D’ailleurs cela a été le cas pour le poste de Chief of Facilities and Services (CFS).

Que souhaitez-vous pour l’UoM ?
Je pense qu’il nous faut du sang neuf. Outre ce mauvais coup de pub, l’UoM fait face à d’autres défis notamment le déficit budgétaire, un taux d’admission en baisse ou encore un manque de visibilité sur le plan international. Le classement de l’université au niveau mondial laisse également à désirer. Avec le Higher Education Bill qui vient bientôt, il est urgent de combler les lacunes pour mener l’UoM à bon port.