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Ils ont du métier- Ajay Mittoo: le marchand de billots se coupe en deux

29 octobre 2016, 15:18

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Ils ont du métier- Ajay Mittoo: le marchand de billots se coupe en deux

Pour gagner sa vie, il se met en quatre. Travaille pratiquement sept jours sur sept pour subvenir aux besoins de ses deux enfants. Il a un rêve qu’il aimerait bien réaliser. Confidences de «billot man»…

Le bruit de sa tronçonneuse massacre les oreilles. En ce mardi matin, Ajay a bon pied bon oeil. Son gros engin à la main, il découpe un arbre en rondelles. Pour en faire des billots. Rencontre avec cet homme qui fait feu de tout bois.

«Pa ti pé gagn boulo. Lerla monn koumans travay dibwa, vann lapousier pou met dan kazot poul tousala. Apré monn koumans vann biyo.» Cela fait 16 ans qu’il sillonne les routes de Gand-Baie, Port-Louis et Pailles, à bicyclette, pour vendre ses «zoli bout dibwa solid». Même s’il a un emplacement, à Arsenal, son village natal, où il expose sa marchandise.

Est-ce que ça coûte un bras ? Non, affirme Ajay. Ses billots se monnayent à Rs 125 pour les plus petits et Rs 175 pour les plus grands. Il en écoule entre zéro et cinq en période creuse. Bien plus en période de fêtes. Parmi ses plus fidèles clients : les bouchers. Et puis, «mo ousi fer latab, pofler tousala».Son métier, il l’a appris sur le tas de bois. «Mo pa konn lir ek ékrir mé mo konpran dibwa.»

Dans sa cour, jonchant le sol, des bidons d’huile, des copeaux de tamarinier, de longanier. «Mo ousi servi katiamani ek zamblon pou travay.» SOS écologistes en détresse. Qu’ils se rassurent. Ajay n’est pas du genre à participer à la déforestation. «Mo respekté la natir, pa koup pié brit. Mo al rodé dan lakour dimounn mwa.»

Sa matière première, il l’achète à Rs 1 500 ou Rs 2 000 en général, dépendant de la taille de l’arbre. Qui ne doit en aucun cas être creux à l’intérieur. Mais ça, pas moyen de le savoir avant de l’avoir coupé.


 

«Papa, donn mwa enn gato»

Quand il ne l’est pas, Ajay touche du bois. Chaque tronc lui permet de fabriquer environ 85 billots. Il engrange entre Rs 12 000 et Rs 15 000 de profits par mois. De quoi faire vivre sa petite famille. «Ma fille a sept ans, mon fils en a cinq.» C’est le moment que choisit ce dernier pour ramener sa mesquine frimousse. «Papa, donn mwa enn gato…»

Deux bonbons et trois bisous plus tard, un coup de gueule. «Mo anvi agrandi mo biznes mé labank pa donn loan kan péna payslip.» Alors Ajay met quelques roupies de côté, quand il le peut. Pour l’aider à accomplir ses rêves, le chef de famille peut compter sur son chêne : sa femme. Qui lui donne un coup de main pour «préparer» ses billots.

Ah ? «Bé wi.» Explications, démonstration, gesticulations. Le tronc d’arbre doit être enduit de gros sel, arrosé à l’eau de mer. Il séchera pendant deux mois avant que l’on puisse en faire des billots. Ces derniers doivent également prendre une douche salée.

Conseil d’utilisation : «Enduisez le bois d’un peu d’huile chaude, histoire de créer un film protecteur pour empêcher que l’eau ne pénètre dans les nervures.» Et puis, une fois que poulet, viande et poisson y seront passés, il faut le laver tout de suite et le mettre à sécher «dan pozition dibout. Pa met li dormi sinon li gagn mwazi». Le vernis ? Hors de question. «Ou lé ampwazoné ?»

Évitons de mettre la tête sur le billot.