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Gregory de Clerk, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice : «Le tourisme a besoin d'un plan stratégique sur le long terme»

29 juin 2015, 09:28

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Gregory de Clerk, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice : «Le tourisme a besoin d'un plan stratégique sur le long terme»

Avec l’annonce du ministre Xavier Duval visant à faire de Maurice une destination toutes saisons, le secteur devra prendre des mesures pour s’adapter à cette nouvelle vision. Gregory de Clerk, président de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), parle des mesures à venir…

 

L’AHRIM a tenu son assemblée générale la semaine dernière. Rétrospectivement, quels ont été les grands moments de cette association durant l’année écoulée ?

Le plus grand moment a été certainement la transition gouvernementale. Établir le contact avec les nouvelles autorités et les divers ministères qui ont leur rôle à jouer dans le secteur est toujours un challenge. Aussi, il nous a fallu fédérer et accentuer l’approche de collaboration entre le privé et le public, car l’objectif principal est le même.

 

Quels sont ces objectifs ?

Nous visons à attirer le maximum de touristes qui viennent visiter la destination et souhaitons qu’ils aient une excellente prestation de service à tous les niveaux. L’objectif final a toujours été commun, même si la manière de voir les choses et de procéder a quelquefois différé, mais pour le Budget Paper, nous avons pu trouver un terrain d’entente sur les priorités.

 

Nous avons trouvé un accord sur les priorités du secteur privé et celles du ministère. L’avantage est que nous travaillons maintenant en fonction d’un agenda et d’un calendrier. Nous voulons encourager le développement, donc si nous nous mettons mutuellement des obstacles sur la route, le secteur va stagner.

 

Concrètement, quels ont été les accords principaux ?

L’encouragement des investissements nécessaires dans le secteur pour rénover les hôtels ou les remettre à neuf, par exemple. Ou encore mettre en place et trouver les fonds nécessaires pour développer un plan de marketing et une stratégie commerciale pour la destination et les entreprises. Nous avons aussi parlé de la discrimination qui perdure au niveau des salaires dans le secteur.

 

Les salaires sont régulés de manière différente. Par exemple, un serveur qui travaille dans une petite structure aura une grille salariale inférieure à celle d’un serveur travaillant dans un grand hôtel, même si le métier reste foncièrement le même. Cela, en effet, revient à travailler avec des gens pour des gens. Il y a actuellement des discussions en cours, et nous cherchons une porte de sortie commune.

 

À quel stade en sont les négociations ?

Il n’y a pas de négociations à proprement parler. Ce sont des discussions pour essayer d’arriver à éradiquer cette disparité et pour travailler sur ce qui doit être fait pour aligner les salaires. Mais le plus difficile sera de faire face à une législation dépassée. Comment expliquer cela à des personnes qui ont toujours connu une manière de travailler et comment leur demander soudainement de changer leur méthode de travail ? Il y a tous ces facteurs à prendre en considération.

 

Venons-en à une des mesures phares annoncées par le ministre Xavier Duval en ce qui concerne le tourisme toutes saisons. Quelles sont les mesures proposées par l’AHRIM pour arriver à éliminer la basse saison ?

Le succès de la destination repose sur la stratégie commerciale. Il faut que tous les acteurs du domaine arrivent à se convaincre que le pays à beaucoup à offrir. Ce n’est qu’avec un effort commun que nous arriverons à optimiser l’arrivée des touristes en basse saison et c’est l’industrie qui se portera mieux. Cela va créer un meilleur taux de remplissage, qui mènera vers un chiffre d’affaires plus important.

 

De plus, des emplois seront créés. Actuellement, beaucoup d’hôteliers ne remplacent pas leur personnel après les vacances de Pâques, et recrutent en septembre pour la haute saison. Entre les deux, il existe un vide de six mois. Cela affecte grandement la qualité et la motivation du personnel. Les employés ne seront pas motivés s’ils savent qu’ils sont là que pour quelques mois.

 

Il faut aussi qu’on arrive à se diversifier. Si nous ne sortons pas du modèle «Sea & Sun», il sera impossible d’arriver au remplissage toute l’année. Les stations de ski en Europe, par exemple, se sont converties en villages touristiques pour accueillir des visiteurs et leur proposer des activités tout le long de l’année et non seulement quatre mois par an. Il est impérieux que nous arrivions à en faire de même. Avec la mondialisation du tourisme, nous avons constaté que pendant la basse saison, c’est la communauté anglophone qui vient à Maurice. On a un vivier à exploiter du côté des touristes chinois et indiens, et ce n’est que le début. Il faut arriver à créer une demande ainsi que l’engouement pour les attirer encore davantage.

 

La première initiative qui a été prise a été le Family and Fun Adventure. Cette initiative va évoluer et il faut que cela dure. J’insiste sur le fait qu’il faut avoir un plan stratégique sur le long terme, avec un calendrier, une communication efficace et un timeline détaillé. La diversification ne va pas se faire en un jour.

 

La collaboration entre les acteurs de l’industrie sera primordiale. Prenez l’exemple du tournoi de golf qui vient d’avoir lieu. Cela a été possible grâce à un partenariat entre deux concurrents, Anahita et Bel-Ombre. La collaboration s’est faite pour l’intérêt national.

 

Selon ce plan, quelles sont les autres pistes qui sont à développer dans le secteur ?

Il y a l’écotourisme, par exemple. Maurice compte des pistes de randonnée qui sont totalement sous-exploitées. Pourquoi pas un Island Trekking Tour de renommée internationale, par exemple ? Ou sinon, il y a le sport. Quatre à cinq activités phares qui soient en accord avec le climat seront suffisantes pour développer le tourisme sportif. Dans le monde du football, par exemple. À la fin des championnats, il y a toujours des entraînements ou des petits tournois, un peu comme l’Asian Football Tour. Les équipes de sports peuvent venir pour des petits tournois ou même un entraînement. Il y a le golf aussi. Le tournoi de golf qui a eu lieu ici doit pouvoir continuer. Roland Garros existe depuis 50 ans. Il nous faut des tournois similaires.

 

Pour en revenir à l’écotourisme, ne trouvez-vous pas paradoxal d’en parler alors que la construction sauvage se poursuit ?

Les autorités ont commencé à faire le ménage. Il faut que cela se poursuive. Il ne faut absolument pas que les activités qui sont entamées dans ce secteur continuent. La propreté et l’entretien des plages doivent continuer à vie. Il faut des plans pour les protéger et mettre un terme à leur défiguration. Mais cela ne se limite pas aux plages. Il faudrait un plan pour la préservation et l’entretien des forêts aussi. L’installation de bancs, d’aires de repos et de toilettes doit faire partie de ce plan de développement.

 

Un des problèmes du secteur est que les arrivées augmentent mais que les touristes dépensent moins. Comment expliquez-vous cela ?

La destination a évolué. Auparavant, Maurice était une destination de luxe, avec des hôtels de 4 et 5 étoiles. Aujourd’hui, il y a une diversification de l’offre. On part du Bed & Breakfast tout simple pour arriver au grand luxe. Avec l’hébergement moins cher, nous avons attiré une autre catégorie de touristes dont les dépenses en matière de logement sont difficilement comptabilisées. Il y a les appartements, les bungalows, un circuit d’hébergement non hôtelier. De ce fait, il est difficile de se fier aux chiffres. Il existe aujourd’hui 30 % d’offres non hôtelières qui ne sont pas comptabilisées dans les dépenses des touristes. Et les dépenses qui sont faites sur la plage, avec les beach hawkers, par exemple, sont énormes mais pas comptabilisées non plus.

 

Comptabilisées ou pas, est-il possible de booster les dépenses ?

De 2006 à 2014, il n’y a eu que 2,3 % d’augmentation en nombre de chambres d’hôtel. C’est négligeable. Il y a eu peu d’hôtels, mais les hôtels existants ont été rénovés. Rien qu’en 2014, 30 % des hôtels existants ont fait l’objet de travaux de rénovation.

 

Ces chiffres sont encourageants, cela démontre une volonté d’offrir un meilleur service aux touristes. Puis, chaque saison, on constate des offres très variées et variables. Les prix sont élastiques, donc tout le monde s’y retrouve.

 

Puis, nous travaillons aussi à l’élaboration d’une charte de qualité. Nous travaillons sur la classification des hôtels. Les hôteliers pourront opter pour une classification. Cela va rassurer les clients. Cette démarche ne sera pas obligatoire pour son lancement, mais nous pensons que tous les acteurs souhaiteront se soumettre à cette classification. Ce sera un gage de qualité, et la qualité attire les clients. Dans le même ordre d’idée, nous pensons mettre en place des gages de qualité destinés à tous les autres domaines hors hébergement.

 

Puis, nous préconisons que les touristes sortent des hôtels. Il faut arriver à valoriser les sites culturels, tout en gardant en tête que le prix des excursions doit rester abordable. Il faut s’adapter à la nouvelle clientèle.

 

Parlant d’excursions, il y a de plus en plus d’arnaques. Cela n’avantage pas l’image du pays…

Vous touchez du doigt encore une autre activité pas comptabilisée dans les dépenses des touristes. Il y a un marché gris d’excursions qu’il est difficile de retracer. Quant aux arnaques, nous avons communiqué nos préoccupations aux autorités et nous envisageons un plan pour y mettre bon ordre.

 

Nous avons proposé de travailler sur une grille tarifaire des taxis, par exemple. La régularisation des prix et des commissions remises aux vendeurs ou rabatteurs pour les excursions doit aussi se faire pour éviter toute surprise pour les clients.

 

Quant aux arnaqueurs professionnels, c’est là un autre débat. Ces gens vendent des excursions fictives aux touristes à la veille de leur départ. Ces excursions n’ont jamais lieu, et le touriste n’a pas le temps de porter plainte. J’ai proposé un cahier de réclamations officiel qui puisse être communiqué à la Tourism Authority. L’ambassade de Chine a conçu un dépliant pour prévenir ses ressortissants de ce genre de problème. Les autorités locales devraient prendre des mesures préventives similaires.