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Fleurs locales: l’exportation entre les épines

8 mai 2019, 17:29

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Fleurs locales: l’exportation entre les épines

 

Bien que les efforts soient décuplés pour hausser la production, l’exportation des fleurs locales bourgeonne tant bien que mal. Pourtant, deux nouvelles variétés locales d’Anthurium viennent d’être lancées et seront multipliées par les autorités. Pourquoi l’exportation piétine ? Quels pays nous font une fleur avec cette commercialisation ?

À Wooton, une serre moderne est parsemée de fleurs, enracinées dans la terre ou en pots. On en voit de toutes les couleurs. Du rose pastel ou du vert clair adoucit l’atmosphère par-ci alors que le violet, l’orange et le marron haussent le ton par-là. Il s’agit de nouvelles variétés d’Anthurium importées qui viennent d’atterrir sur notre sol, confie Hiranee Gowreesunkur, Research Scientist au Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI).

«Depuis 2018, on a importé de Hollande une vingtaine de variétés de plantules de 5 à 6 cm pouvant produire des fleurs après six mois» note Hiranee Gowreesunkur. «En termes d’exportation, ce sont principalement les fleurs et feuilles d’Anthurium et des plantes exotiques comme l’Oiseau du paradis, des pinces de crabe, des roses porcelaines et l’Alpinia.» Selon elle, Maurice a pendant longtemps été le second pays exportateur le plus sollicité pour ses fleurs après la Hollande. En effet, après un long embargo appliqué depuis 1991 puis retiré vers 2001 et d’autres contraintes sur le ter- rain, l’île serait en train «de remonter la pente», estime-t-elle. Les prévisions de production pour l’Anthurium seraient à la hausse pour 2019.

D’autant que depuis octobre 2018, la Starlight et la Twilight, deux nouveaux types d’Anthurium, ont été développés à partir de croisements. Ils ont d’abord été soumis à une évaluation de quatre à cinq ans à Réduit. «Il y a pas mal de demandes pour ces plantes-là. Nous sommes en train de les multiplier et nous enregistrons les commandes pour la vente qui se fera au FAREI. Cela ne saurait tarder.» D’ailleurs, Hiranee Gowreesunkur estime que la production a été intensifiée. Elle est marquée par une concentration d’activités par quelques exportateurs et cultivateurs pour l’approvisionnement du marché local.

Ce constat est-il pour autant optimiste chez les opérateurs ? Gérard Martin, directeur de World Tropicals Ltd, exporte environ 2,5 millions de tiges de fleurs annuellement. Ce volume inclut l’Anthurium, l’Heliconia et l’Alpinia, entre autres. Où vont donc nos fleurs locales ? Vers l’Asie, l’Europe, le Moyen-Orient, l’Australie et l’Amérique du Nord, déclare-t-il.

Néanmoins, il observe un «intérêt décroissant» pour cette activité. Pourquoi ? «Cela est principalement dû à un choix plus élargi et la venue de nouvelles origines sur nos marchés», affirme-t-il. Et d’ajouter une baisse d’exportation liée à divers facteurs dont la hausse du coût de production, la logistique onéreuse et pas toujours fiable ou encore le taux de change défavorable.

Un ancien exportateur abonde dans ce sens: «J’étais dans ce domaine depuis plus de 25 ans. Nous avions surtout investi dans l’Anthurium pour l’exportation vers les États-Unis et l’Europe. Même s’il s’agit d’un produit périssable, il fallait prendre diverses précautions et les exporter par avion. Ces fleurs peuvent tenir jusqu’à trois semaines. Mais il y a un gros travail de contrôle qualité.» Et en dépit d’une forte demande pour ces fleurs, les coûts de production ont pris l’ascenseur, en particulier le fret, l’emballage et la main d’œuvre. «D’autres pays comme la Chine et le Vietnam sont très compétitifs, ayant à la fois l’es- pace pour la culture, les finances et les ouvriers. Cela coûte si cher à Maurice qu’on ne peut même pas importer du personnel. En agriculture, les exportateurs de fleurs sont les enfants oubliés de l’économie», ajoute-t-il.

Gérard de Fontenay, de l’Association professionnelle des producteurs-exportateurs de produits horticoles de Maurice, souligne que l’exportation des fleurs a connu un véritable boom dans les années 1990 grâce aux prix d’alors. «Mais si quelqu’un veut se lancer dedans de nos jours, il faut lutter. En sus de l’Europe et de la Hollande, les pays comme l’Inde et l’Afrique du Sud nous font aussi une rude concurrence.»

Un autre aspect décourage les exportateurs : l’importation. En effet, diverses variétés de rose, chrysanthèmes et d’œillets entre autres proviennent d’Afrique et d’Europe, car elles peinent à être cultivées localement.

Et après de glorieuses décennies, une autre exportatrice s’apprête, elle aussi, à jeter l’éponge. Face au manque de relève et à la concurrence, elle compte fermer boutique. «On continuera un peu à produire pour le marché local», avoue-t-elle. Et ce segment est non négligeable.

D’après l’ancien opérateur, la production locale de fleurs alimente essentiellement les hôtels haut de gamme. D’autant que le FAREI a pour objectif de redynamiser l’horticulture. «Notre vision est d’augmenter la production des fleurs locales et encourager les entrepreneurs. Il faut également identifier de nouveaux marchés pour l’exportation», conclut Hiranee Gowreesunkur.

En chiffres

<p>Selon le FAREI, le volume de plantes exportées était de 84 762 kilos en 2018. Comparativement, il était de 98 330 kilos en 2017 et de 110 040 kilos en 2016. Globalement, les revenus de 2018 s&rsquo;élèvent à Rs 36,6 millions. Quant aux importations de fleurs, un des gros fournisseurs demeure l&rsquo;Afrique, notamment le Kenya. D&rsquo;après le Bureau national des statistiques du Kenya, les frais d&rsquo;importations de fleurs étaient de Rs 2 006 595 en 2018 et de Rs 3 869 511 en 2017. Ce pays possède 127 fermes de fleurs. D&rsquo;ailleurs, la 500 000 personnes. En 2016, ce secteur générait floriculture emploie directement Rs 24 milliards à travers une exportation de 133 000 tonnes de fleurs coupées. Et en 2018, le montant d&rsquo;exportation de fleurs par le Kenya avoisinait les Rs 40,5 milliards.</p>