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Droits humains
Le combat d’un homme malade injustement incarcéré à Maurice
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Droits humains
Le combat d’un homme malade injustement incarcéré à Maurice

■ Naushad et son épouse, Meenakshi, sont soulagés après le calvaire qu’ils ont vécu.
Arrestation arbitraire, séparation familiale et traitements inhumains. C’est l’histoire d’un père de famille, malade chronique, venu passer quelques mois dans son pays natal pour fuir l’hiver rigoureux canadien, et qui s’est retrouvé plongé dans un cauchemar judiciaire et carcéral.
Naushad Mandary, 46 ans, un habitant de Rose-Hill et résident canadien depuis 2009, est arrêté le 30 novembre 2022, dès sa descente d’avion à Plaisance. Des agents de la Special Striking Team (SST) l’attendaient. En sa possession : des médicaments prescrits pour traiter ses douleurs chroniques sévères, notamment du Suboxone, Naloxone, et du Tramadol. Malgré ses prescriptions officielles canadiennes, il est immédiatement soupçonné d’importation de drogue et les limiers évaluent ses médicaments à Rs 1 636 650. Le lendemain, il est traduit en justice et provisoirement inculpé d’importation de substances psychotropes. Pendant cinq mois, il sera incarcéré, d’abord au centre de détention d’Alcatraz, puis transféré à la prison centrale de Beau-Bassin. Le tout, sans accès régulier à ses traitements médicaux et dans des conditions que sa famille qualifie d’inhumaines. Il souffre de fibromyalgie, d’encéphalomyélite myalgique et d’autres douleurs chroniques reconnues, pour lesquelles il bénéficiait d’un protocole médical strict au Canada.
Selon sa famille, Naushad était en règle. Ses ordonnances canadiennes portaient le nom de son médecin, son adresse, ainsi qu’un numéro d’identification médicale. Il avait également une lettre explicative signée du médecin traitant. Pourtant, les agents de la SST, lors de leur fouille, ont déchiré ces documents et déclaré qu’ils étaient «faux», refusant de vérifier l’authenticité des papiers auprès des autorités canadiennes. L’interpellation est suivie d’une fouille musclée à son domicile familial à Rose-Hill. Des véhicules de l’ADSU sont déjà sur place. Une perquisition est menée en présence de sa mère âgée, souffrante, laissée seule face aux agents. Aucun produit illégal n’est retrouvé. Par la suite, Naushad a été conduit à l’hôpital, son état de santé s’étant rapidement détérioré faute de traitement, avant d’être placé en détention.
Pendant ce temps, Meenakshi Mandary, son épouse, restée seule au Canada avec leurs cinq enfants, n’aura appris la nouvelle que par un post Facebook anonyme accusant son mari d’être un trafiquant de drogue. Sous le choc, elle se lance dans une course contre la montre pour envoyer du Canada toutes les pièces médicales légalisées, notariées et validées par le gouvernement canadien. Elle a dû affronter l’hiver rigoureux, pleurer dans la neige, courir d’institution en institution, pour rassembler les documents exigés par les autorités mauriciennes – puis rejetés sans explication. Découragée mais déterminée, elle finit par venir à Maurice avec ses trois plus jeunes enfants (un, deux et quatre ans), pour comprendre ce qui est arrivé à son époux. Ce dernier, complètement affaibli, traumatisé, la supplie de changer d’avocat. Ce fut un tournant. Grâce au nouveau conseil légal, la famille finir par obtenir la liberté sous caution de Naushad.
Le véritable grief retenu contre Naushad Mandary était l’absence d’autorisation officielle du gouvernement mauricien pour l’importation de ses médicaments. Il s’en est sorti avec une amende d’environ Rs 30 000. Une formalité administrative ignorée, mais qui a eu des conséquences terribles : une détention préventive prolongée, une séparation familiale douloureuse, des atteintes graves à la santé mentale et physique, et une stigmatisation publique insoutenable. Tout au long de cette épreuve, Meenakshi Mandary et ses proches se sont heurtés à l’indifférence de nombreux compatriotes. «On nous regardait comme si nous étions des criminels. Certains m’ont même dit de laisser mon mari mourir en prison», témoigne-telle, la voix brisée par l’émotion.
Elle remercie cependant sa mère et ses beaux-parents, très âgés mais présents à chaque étape. Aujourd’hui, Naushad est libre, mais profondément marqué. Sa famille aussi. Il a pu rentrer au Canada, après avoir acheté son billet le lendemain même de sa libération, en mars 2025. Ce qu’il a vécu, selon sa femme, n’est rien de moins qu’une détention arbitraire doublée d’un traitement dégradant, orchestré par un système qui a jugé avant d’enquêter. L’ambassade canadienne, qui a suivi l’affaire de près, a dépêché des représentants consulaires pour s’assurer des conditions de détention. Pour Meenakshi, ce soutien a été crucial. «Nous avons tout perdu dans cette affaire. Notre dignité, notre santé, notre paix. Mais pas notre voix. Aujourd’hui, nous parlons, pour que d’autres familles n’aient pas à traverser cet enfer.»
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