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En vérité…Calèche économique bancale ?

27 mai 2013, 12:54

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En vérité…Calèche économique bancale ?

Le rapport Manraj qui va coûter au contribuable quelques Rs 5,6 milliards de plus tous les ans permet d’enregistrer plusieurs messages. Parmi ceux-ci, le désir du gouvernement de privilégier certains corps de métier (professeurs, surtout du primaire et infirmiers, un peu moins les policiers et les médecins, pas du tout les ingénieurs apparemment) et un objectif apparemment devenu clair de réduire l’écart des salaires ; alors même que le principe inverse avait été noté avec le rapport d’origine Aujayebde Rs 4,6 milliards, il y a seulement quelques mois ! On souhaitait alors souligner l’importance d’attirer et de retenir, en priorité, les décisionnaires et autres grands commis…

Quoi conclure ?

Que le travail de départ qui avait identifié la nécessité d’attirer et de retenir les professionnels de haut calibre et des décisionnaires de qualité n’est plus aussi urgent quelques mois plus tard ? Ce serait faux de le dire, puisque les hauts salaires recommandés par le premier rapport n’ont pas été du tout réduits. Pourquoi donc la grogne de certains ? Un peu simplement, on pourrait parler du syndrome du «maintien des différentiels». Ainsi, les profs du secondaire, fortement rejoints, financièrement, par ceux du primaire, voient désormais fondre le différentiel de salaire qui illustrait ce qui semble leur importer du point de vue de la perception ; soit leur «supériorité» de statut ou la sophistication relative de leur métier ! Pour le coup, se disant «rejoint» par leurs collègues du primaire, ils demandent, eux-mêmes, à être rehaussés vers le niveau de leurs collègues de… l’enseignement supérieur ! C’est ce que Mr Tengur, dans un Billet dans l’express du 22 mai appelle, parmi d’autres douces incohérences, un «nivellement par le bas»…

Par ailleurs, rehausser les salaires au bas de la pyramide jusqu’à un niveau «décent» est un souci humainement compréhensible, même si sans doute partiellement électoraliste dans ce cas, mais c’est là où cela pourrait vraiment se corser.

La logique qui mène à payer des salaires sensiblement similaires pour apparemment le même type de métier, si elle s’applique à travers toutes les activités gouvernementales, ne doit-elle pas s’appliquer à tout le pays ? Apparaîtraient alors les notions de productivité, d’équilibre financier et d’équité qui peuvent mener à penser que ces augmentations PRB ne sont peut-être pas toujours soutenables.

En effet, un petit tableau de comparaison, publié par l’express du même mercredi 22 mai laisse voir des échelles recommandées de salaires comparatives public versus privé qui devraient grandement faire sourciller. En effet, le chauffeur du public a-t-il un travail plus de deux fois plus ardu ou compliqué que son collègue du privé (échelle recommandée de Rs 11 175-20 675 versus Rs 6 885-7 994 respectivement), le jardinier du public fait-il plus de deux fois mieux le travail de son collègue du privé (Rs 10 425 – Rs 17 675 versus Rs 6 758 – 7 100), le journaliste du public (MaBC, attaché de presse ?) mérite-t-il vraiment, à ce point, trois fois plus que son collègue du privé ?

Deux constats s’imposent.

Le premier : alors que pour le gouvernement, une augmentation salariale peut se payer simplement à partir d’un budget où l’on fait appel au déficit budgétaire et aux emprunts qui vont avec, c’est-à-dire aux contribuables du futur ; le privé, lui, doit pouvoir, s’il ne veut pas subir un recul de rentabilité, tôt ou tard, «passer ses coûts» au consommateur de ses produits/services qui, contrairement au contribuable mauricien a, lui, le choix d’aller ailleurs. Ce transfert de coûts n’est donc pas toujours réalisable !

Le deuxième : si les métiers qui se pratiquent sont les mêmes, le privé peut-il seulement (ne devrait-il pas) rejoindre les pratiques salariales affichées par le public ? La réponse, dûment ancrée dans les bilans qui se publient régulièrement dans la presse, suggère que ce n’est pas possible et qu’avec ces échelles de salaires la**, ce sont des emplois qui vont potentiellement disparaître. L’avenir du pays est-il donc promis à proportionnellement plus d’emplois dans le service public que dans le privé ?  Qui va donc alors créer la richesse nécessaire pour alimenter le budget gouvernemental ? Le secteur public n’invite-t-il pas à vivre «au-dessus de nos moyens» surtout à un moment où l’investissement privé (qui dépend, crucialement, de la possibilité de faire des profits) est en berne, miné par une productivité faiblarde, une Europe en difficulté et une roupie encore trop forte ? Qui croit, comme Mr Tengur, que les augmentations salariales PRB vont automatiquement améliorer la productivité nationale «à tous les niveaux» ?

 


 

De quoi sera donc fait demain ? D’un service civil pléthorique, conséquence d’une offre d’emploi comparativement attirante pour réceptionnistes, «office attendants» et journalistes ou d’un service civil de la même taille (ou dégraissée selon la recommandation de Mr Manraj) mais privilégiée, jalousée et démarquée par des grilles salariales probablement insoutenables dans le privé qui a, lui, besoin de rentabilité et de retour sur capitaux investis ?

La calèche de l’économie nationale a besoin d’équilibre. Or, les roues du privé et du public ne semblent plus être synchronisées au moins pour certains métiers a priori comparables.

 

** Une partie du secteur privé paie déjà plus (parfois bien plus) que les échelles salariales recommandées par les Remuneration Orders. Les emplois y seront, a priori, moins menacés par une harmonisation d’échelles salariales. Par contre, tous les secteurs qui en sont au strict respect (ou presque) des R.Os ne pourront certainement pas avaler des salaires lissés aux normes gouvernementales… Est-ce que ce n’est pas une indication ferme que le service public vit au-dessus de «nos» moyens, comme le disait d’ailleurs «l’Express Dimanche» hier dans un éditorial ironique ?