Publicité

Tartufferies*

25 mai 2023, 11:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Mardi au Parlement, Steven Obeegadoo, revenant de voyage et surmontant le décalage horaire, a essayé tant bien que mal de reprendre le dessus sur le dossier des terres reprises aux associations socioculturelles au Triangle de Réduit. Mais en vain malgré ses envolées tantôt dans la langue de Shakespeare, tantôt dans celle de Molière. Mais la forme ne suffit pas, dans le fond il s’est planté. Ses risibles tentatives de noyer le poisson (en répétant des réponses déjà fournies il y a quinze jours) face aux questions précises et aiguisées du leader de l’opposition avaient manifestement pour but de protéger le business d’Avinash Gopee. La posture du numéro deux du gouvernement mérite que l’on s’y attarde.

Au-delà de la question épidermique des terres – dont il a la charge comme Minister of Housing and Land Use Planning – il y va des liens affairistes entre les membres du gouvernement et ceux qui tournent dans le giron du pouvoir en faisant du business fort lucratif avec l’argent et le patrimoine des Mauriciens. Pour ne pas froisser l’Hindi Speaking Union, l’Indo-Mauritian Catholic Association, le Mauritius Tamil Cultural Center Trust et l’Urdu Speaking Union, Obeegadoo a fait toutes sortes de contorsions, mais il a fui devant l’essentiel.

Comme Maneesh Gobin, qui a cultivé des liens incestueux avec la clique de Franklin, en tant qu’Attorney General – commission rogatoire, ou expulsion des condamnés Celerine (Franklin) et Décidé (ou Nono pour les intimes) et ministre de l’Agro-industrie (terrains de chasse près de Grand-Bassin ou ailleurs)–, Obeegadoo joue maladroitement sur deux tableaux : d’une main, il reprend des terres des associations socioculturelles – tout en essayant de les caresser – et de l’autre, il protège celui qui est à la tête du conseil d’administration de la Tourism Authority (qui opère sous l’égide du ministère du Tourisme du même Obeegadoo) qui n’est nul autre que… Avinash Gopee. Quelle coïncidence alors de parler de «Silver Economy» ! Autre coïncidence sur laquelle Obeegadoo – qui est écarté par les associations socioculturelles en raison de son poids plume politique et de ses réponses forcément évasives – ne s’étale pas : son Special Advisor, le gentil et toujours courtois Donald Payen, devenu discrètement Chairman de la Mauritius Tourism Promotion Authority (heureusement qu’il n’est pas fan de Liverpool FC), donne un coup de main aux affaires de la société Luxury Retirement qui appartient aux Gopee, famille proche de Lakwizinn. En portant deux casquettes, comme Gobin et Obeegadoo, les ministres doivent-ils, en retour, protéger les mignons du pouvoir en jonglant sur deux tableaux et en cultivant un flou artistique ?

La rencontre in extremis entre Pravind Jugnauth et les associations socioculturelles, avant la Private Notice Question de Xavier-Luc Duval, tandis qu’Obeegadoo était entre ciel et terre, illustre l’importance des lobbies socioculturels dans la stratégie électorale.

Alors qu’Obeegadoo (qui doit veiller sur les intérêts de Gopee en mettant ses deux ministères à contribution) traite, en direct du Parlement, ceux qui ne veulent pas quitter Réduit pour La Vigie de «fauteurs de troubles», son Premier ministre lui calme le jeu, les invite dans l’antre feutré du PMO et leur propose des alternatives à La Vigie en leur ouvrant (sésame ouvre-toi !) les portes de... Côte d’Or ! Dans le dos d’Obeegadoo, qui a dû ravaler son crachat sur les «fauteurs de troubles». Car ces «fauteurs de troubles» sont, hélas, les pions essentiels sur l’échiquier ethno-politique, sur lequel Obeegadoo n’a pas de réel ancrage, mais qui seront incontournables pour une réélection en 2024 ou 2025.

*«L’action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante, car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartufferie.» – Antonin Artaud / Le théâtre et son double

***

On a souvent dit, ici même, que la police ne peut pas arrêter les opposants au pouvoir sans passer par le bureau du DPP car les policiers ne savent pas interpréter les nuances du code criminel. Les délits de diffamation criminelle, de complot, ou de «perverting the course of justice» sont souvent au-dessus de leur compréhension. En exécutant les ordres venus d’en haut, pour arrêter journalistes et opposants politiques, ils abusent des charges provisoires et s’exposent à des poursuites eux-mêmes. Le DPP Rashid Ahmine a eu raison de rappeler la police de Dip à l’ordre. Nous ne sommes pas un État policier, mais un État de droit sur papier.