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Le bal des frustrés

8 février 2023, 14:09

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Dissensions, retours au bercail, accalmies. À mesure que l’on s’approchera de l’échéance électorale, la bataille, avant tout personnelle et psychologique, du politicien pour l’obtention d’un ticket, surtout quand on est en fin de course, va provoquer des remous tant au sein du pouvoir qu’au sein de l’opposition – qui n’a pas encore arrêté sa formule magique, ayant sans doute compris que cela allait davantage les diviser que les rassembler. 

Si l’on se place sur le plan du réalisme plutôt que de celui de la morale, l’on pourrait mieux cerner la frustration des Yatin Varma, Satish Faugoo, voire d’un Cader Sayed-Hossen, face à la seule possibilité qu’ils ne soient plus «ticketable» parce que le leader aurait décidé qu’il leur faudra laisser la place à d’éventuels nouveaux. Qu’il leur faudra surtout laisser la chance aux autres d’être ministres, si tant, évidemment, que l’alliance de l’opposition, menée par les Rouges, remporte les prochaines législatives. Mais déjà cette frustration, qui monte et qui prend la forme d’interviews de presse, illustre le jusqu’au-boutisme de plus d’un de finir leur carrière, bien ancrés dans le pouvoir, car, selon eux, ils ont suffisamment bravé la sécheresse aride du désert. 

Les «anciens», qui sont dénoncés par Ramgoolam (lui-même à la tête du parti depuis trois décennies), comme étant des «Judas», intéressent clairement le MSM, qui veut casser la dynamique de l’opposition. À ce jeu, le Sun Trust et ses courtiers s’occupent principalement des frustrés du MSM – et du PTr – alors qu’Obeegadoo et Ganoo ont eu pour mission de rassembler les militants qui seraient déçus soit par une alliance avec les travaillistes et le PMSD, soit par les velléités du leader historique de confier les rênes du parti à sa propre fille, au détriment des valeurs militantes du temps jadis, qui condamnaient sans détour le népotisme et qui prônent ouvertement la méritocratie. 

Lors du BP et du comité exécutif hier, Ramgoolam n’a pas caché que le plus difficile, à ce stade, pour son vieux parti, est de se serrer les coudes face au pouvoir de l’argent et de l’appareil d’État dont dispose le MSM pour rester au pouvoir. 

Le fait demeure : ce sont les propriétaires des principaux partis, nommément Ramgoolam, Jugnauth, Duval et Bérenger, et non pas une assemblée des délégués, un comité central ou exécutif, un bureau politique, qui favorisent le jeu malsain des politiciens-caméléons aux convictions peu profondes. Dont le père spirituel pourrait être Suresh Moorba, élu sous les couleurs du MMM en 1976, avant d’être ministre de l’Information de 1980 à 1982 sous SSR. 

Les descendants de Moorba n’ont pour morale politique que la sauvegarde d’un ticket – perçu comme un véritable sésame, ouvrant les portes aux contrats publics et aux commissions, sans parler des per diem, voitures duty-free, et de la protection policière et d’autres institutions comme l’ICAC et l’IRSA. 

Les leaders aussi ont leurs torts. Ils ne vont jamais renoncer au pouvoir unique qu’ils possèdent (et qui font d’eux des surhommes aux yeux des demandeurs) : celui d’accorder ou de refuser un ticket électoral. C’est leur arme absolue, outre celle de nommer des Special Advisors et des ambassadeurs. Ils savent très bien qu’ils ne pourront pas plaire à tout le monde, surtout s’ils contractent des alliances. Donc, pas question de démocratiser le fonctionnement du parti. Ils n’ont pas besoin de retenir qui que ce soit au sein de leur écurie : les frustrés vont s’en aller par eux-mêmes, de nouveaux autres vont les remplacer. C’est le seul rajeunissement que nous connaissons. Ainsi va la vie des partis mauriciens. 

*** 

L’arrestation vraiment tardive du dénommé Franklin, hier après-midi par l’ICAC, ne doit pas occulter les autres questions : qui se cache derrière Franklin ? Que font l’ADSU et la Special Striking Team ? Et aussi pourquoi le PMO et l’Attorney General sont restés tranquilles et n’ont pas collaboré avec la commission rogatoire et les autorités réunionnaises ? Pourtant, on avait agi avec précipitation dans les cas Mike Brasse et Peter Uricek… Dans le cas de Franklin, agit-on parce que tout le monde aura compris qu’il est un protégé d’un pouvoir qui dit vouloir casser les reins des trafiquants ? Saluons aussi la déclaration, tout aussi tardive, du leader de l’opposition, hier aprèsmidi, sur cette grave affaire. Mieux vaut tard que jamais !