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La chute des dictateurs

3 janvier 2023, 10:30

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En 2023, les démocraties ne seront plus les seules à subir, à craindre pour leur stabilité. Ce XXIe siècle regorge d’affrontements ultimes entre les empires autocratiques archaïques et la liberté politique qui revêt de nouvelles formes technologiques. Quelques régimes traditionnellement autoritaires, comme la Chine et l’Iran, font déjà face à de plus en plus de vagues de contestation. En Russie, des centaines de milliers de jeunes tentent de fuir une guerre en laquelle ils ne croient pas et un dictateur qu’ils abhorrent. Au Brésil, le retour de Lula et la sonnante défaite électorale du populiste Jair Bolsonaro (qui s’est exilé aux États-Unis) réconfortent un peuple qui a perdu son roi Pelé. En Arabie saoudite, où Ronaldo a été attiré, Xi Jinping a été accueilli plus chaleureusement que Joe Biden.

Si la pression démocratique va augmenter afin de faire reculer l’oppression autocratique, il devient intéressant alors de se poser la question centrale : comment finissent les dictateurs dans différents pays ? Le magazine français Le Point, dans sa dernière édition de 2022, a consacré un dossier sur Le crépuscule des tyrans, soit sur Hitler, Staline, Bokassa, Ceausescu, Saddam Hussein, Mao, Poutine, entre autres : «Dieux autoproclamés, ils ont voulu faire croire à leur invincibilité. Leur chute dévoile leur faiblesse. Elle désacralise leur pouvoir, mais laisse, pour longtemps, l’empreinte traumatisante du mal.»

Il est souvent périlleux de dresser des parallèles, entre disons la dérive autocratique au Sri Lanka et celle, moins sanglante, en cours à Maurice, car les contextes et les degrés de folie diffèrent, mais tous les régimes et dictateurs, inexorablement, en raison de la mortalité humaine, finissent, inter alia, par être renversés, supprimés, enfermés, jugés, «quand ils ne choisissent pas le suicide ou n’étaient pas chassés». Franck Dikötter, historien néerlandais, souligne dans Comment devenir dictateur que «toute dictature oblige tout le monde à mentir pour que l’on ne sache plus qui ment». Or, la fin d’un dictateur, c’est le contraire : la vérité éclate, «des bouches affranchies du bâillon, des voix qui s’émancipent d’une idéologie». Exemples : le sort des armes en 1945, la chute du mur en 1989, les printemps arabes en 2011.

La chute d’un dictateur est annonciatrice d’un lendemain qui chante mais elle laisse pour longtemps encore le goût amer et l’empreinte traumatisante du mal fait au pays et à son peuple. Dans L’Automne du patriarche, l’auteur colombien Garcia Marquez imagine le monologue halluciné du crépuscule d’un général-tyran : «La ville se réveilla d’une léthargie de plusieurs siècles sous une brise tiède et tendre de grand cadavre et de grandeur pourrie…»

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Dictateurs historiques. Le Point rappelle le sort des dictateurs dans leur chute quand «on les découvre pitoyables, isolés, hagards…» Suicidaire : le 30 avril 1945, à 15 h 30, retranché dans le bunker creusé sous sa chancellerie, Hitler annonce à son majordome : «Je vais me tuer maintenant.» Eva Braun est aussi sur le canapé. Tragi-comédie. En 1945 toujours, la fuite de Mussolini devient un film macabre. Il écrit quelques notes rapides sur la route : «Pour moi, les seules portes qui s’ouvriront sont celles de la mort. Je travaille, en sachant que tout est une farce.» Il sera pris par les Anglo-Américains. De manière sinistre, son corps et celui de ses proches collaborateurs et de sa maîtresse Clara Petacci sont exposés au public à Milan. «Pour les plus intransigeants des communistes, il fallait fournir la preuve que Mussolini était bien mort à ceux qu’il avait terrorisés, montrer que les dictateurs ne sont en fait que des pauvres mortels qui ont peur pour leur vie, et, enfin, détruire la sacralité du tyran.» Dans Les derniers jours de Staline, de Joshua Rubenstein, on cite la fille du dictateur : «Le manque d’oxygène est devenu aigu. Son visage avait changé. Ces dernières heures n’ont été qu’une lente strangulation. L’agonie était terrible. Il étouffait littéralement à mort, sous nos yeux. À ce qui m’a semblé être son tout dernier instant, il a subitement ouvert les yeux et jeté un regard sur tous ceux qui étaient dans la pièce. C’était un regard terrible, dément, ou peut-être courroucé, et plein de la peur de la mort (…) Il a soudain levé la main gauche comme s’il désignait quelque chose au-dessus de lui.» Et puis, il y a les exilés, comme le dernier Shah d’Iran qui a laissé une demeure abandonnée chez nous, Amin Dada, Bokassa, Bébé Doc. Le général ougandais a pu, lui, vivre des jours paisibles aux frais du royaume saoudien, à l’abri de la justice internationale.