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Radios Ga-Ga (II)

16 décembre 2022, 09:03

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Ayant réalisé que le fait de boycotter certains journaux (dont principalement l’express) et radios libres lui fait davantage de tort au sein de l’opinion, le gouvernement tente de changer les règles du jeu médiatique, tout en pratiquant une politique de la chaise vide. Alors que les lois régissant la presse sont déjà abusivement musclées (surtout celle sur la diffamation criminelle), et que la police est régulièrement utilisée pour tenter d’intimider les journalistes, le régime tente désormais d’utiliser une Independent Broadcasting Authority, peuplée d’activistes politiques, pour émettre de nouveaux règlements pour tenter de contrer deux radios libres (Radio-Plus et Top FM). 

C’est une insulte à l’intelligence collective que de cibler les journalistes de ces deux radios tout en cautionnant le travail de propagandiste auquel se livre la MBC, qui viole tous les jours la MBC Act, et qui gaspille l’argent public. C’est aussi et surtout une farce que de confier aux activistes-colleurs d’affiche la mission de réguler l’impartialité des journalistes, alors qu’ils ne connaissent rien de la notion d’impartialité, encore moins des rouages du journalisme. 

À défaut d’avoir, comme promis, pu instituer une Freedom of Information Act, à défaut d’avoir pu contrôler (encore plus) les réseaux sociaux qui ne caressent pas le pouvoir dans le sens du poil, ce gouvernement, qui a enclenché un processus d’autocratisation depuis ces dernières années, ambitionne maintenant de porter atteinte à la liberté éditoriale des émissions radio en direct, surtout celles qui parlent de politique et de scandales. Pourtant le droit à l’information est sacré – c’est le socle sur lequel pousse toute démocratie. 

*** 

Mais qui sont les journalistes qu’on attaque sans cesse ? Ah bon ! Il faut contrôler l’information ? Et qui, quoi et comment contrôler ? 

De par notre expérience de journaliste, on estime qu’il est difficile de faire croire à un citoyen qui a du bon sens qu’un journal ou une radio, qui ne peut survivre que grâce à sa crédibilité, invente des fausses nouvelles ou commentaires dans le but délibéré de faire du tort à X ou à Y. Ce serait, à l’évidence, une politique suicidaire. 

Notre code de déontologie nous déconseille de nous fier qu’à une seule et unique source ; le journaliste doit contrôler l’information qu’il a reçue, il doit confronter les parties concernées et adverses, il doit douter des détails et des perceptions, il doit prévenir tout sujet concerné qu’une information le concerne ; et, pour agir il faut trouver des gens souvent indisponibles qui occupent des postes-clés dans l’administration publique. 

Entre le briefing matinal et le deadline éditorial, il est demandé au journaliste de procéder à une étude, à une enquête en profondeur du genre de celles qui prennent jusqu’à des années aux experts, au judiciaire et aux commissions d’enquête et à la police (ne parlons pas de l’ICAC) ! 

En Europe, des ministres de la Justice ont déjà avalisé, il y a plusieurs mois, de nouvelles règles pour favoriser précisément les prises de parole dans l’espace public. «Personne ne devrait risquer sa réputation ou son emploi pour avoir dénoncé des comportements illégaux ou immoraux», a récemment reconnu la ministre finlandaise de la Justice, Anna-Maja Henriksson. Chez nous, nos ministres sont des fossoyeurs de la liberté et veulent garder les ondes et les journalistes sous leur contrôle. 

Sommes-nous une société où l’on peut ouvrir des débats de manière correcte, entendre les différentes versions, voir s’échanger les valeurs, les opinions, les intérêts ou doit-on contrôler les dérapages souvent maladifs et verrouiller le système à cause de certains esprits immatures ou de tentatives liberticides de partis totalitaires ? Qui doit décider au final, un journal ou une radio qui ne rend des comptes qu’à ses lecteurs ou auditeurs, un gouvernement dictatorial ou un parti politique cherchant à reconquérir le pouvoir, coûte que coûte...