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Les «crapo» de la police et de la politique

29 novembre 2022, 10:30

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Attention, ce ne sont plus des sketches. Nous n’avons plus des flics en délire qui nous faisaient rire comme auparavant. Certains sont devenus dangereux, de véritables dangers publics. Ceux-ci ne respectent plus la loi, mais la prennent entre leurs mains sales, parce qu’ils sont au service de forces occultes, mafieuses.

La circulation de vidéos montrant des raids policiers, après celles des scènes de torture avec des tasers illégaux, ne cesse de ternir davantage l’image écornée de ceux censés faire respecter l’ordre et la paix publics. Les Casernes centrales restent largement silencieuses. Alors dans l’opinion, ils sont devenus les méchants, les polico crapo qu’il faudrait mettre hors d’état de nuire.

Sur les ondes des radios, des citoyens se rebellent, des avocats aussi, mais ceux-ci, pour des raisons tactiques, finissent par nuancer ces écarts policiers. On dit, sur ces entrefaites, que la majorité des policiers font quand même bien leur travail, mais qu’il y a des brebis galeuses comme dans n’importe quelle profession. Mais cette justification n’est plus acceptable vu l’accumulation des preuves contre la police.

Dès lors, il faut prendre le taureau par les cornes et comprendre les causes de ces déviances policières. Dans une large mesure, tous ces policiers qui font bien leur travail restent trop silencieux et ne dénoncent pas ceux qui bafouent les règles du métier. En se taisant, les bons policiers permettent aux mauvais de pourrir toute la profession.

Dans les années 1990, un policier en service avait proposé à l’un de nos journalistes d’acheter des casseroles... dans un poste de police. Ce n’était que l’arbre qui cachait la forêt des frustrations salariales qui ne datent pas d’hier. Nous avions mené l’enquête qui avait révélé qu’au moins la moitié de notre force était engagée dans d’autres activités mercantiles afin d’arrondir les fins de mois. C’était devenu normal. Plusieurs policiers enfilaient leur uniforme mais étaient en fait des agents marketing pour produits et services divers.

Au fil des ans, avec l’inflation et la hausse des carburants, la situation sur le plan financier a empiré pour nombre de nos policiers. Alors que beaucoup tentent de joindre les deux bouts en faisant un business à côté, d’autres – pourcentage à être défini – se laissent tenter par l’argent facile de la puissante économie parallèle, souterraine.

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Alors qui devrait surveiller nos policiers ? Nous savons tous que l’Independent Police Complaints Commission n’est qu’un gentil bouledogue sans dents et sans personnel, que les policiers ne craignent pas.

La Commission des droits humains ? Elle aussi a démontré ses limites dans plusieurs cas de dérapage des forces de l’ordre.

Pourtant une éventuelle police des polices, qui existe ailleurs, serait un outil pour une veille citoyenne du «law and order».

L’Espagne, la Suède et le Japon demeurent, à bien des égards, des cas d’école. Ces pays sont dotés d’une police ayant le respect du public. Les forces de l’ordre y connaissent une immense popularité sur «Twitter», avec des millions de «followers». Chaque jour, elles diffusent des messages qui s’adressent directement aux citoyens, en commentant aussi bien les opérations exceptionnelles que les actions plus anecdotiques, souvent avec détails. Elles n’hésitent pas à publier des messages humoristiques, à commenter ce que publient les internautes ou à retweeter les messages du public. Un véritable échange !

Nous devons à la police mauricienne de mener une introspection collective, d’autant que nos dirigeants politiques, dont le ministre de l’Intérieur, peuvent, malgré eux, donner l’air d’être davantage préoccupés par leur survie personnelle et les intérêts de leur parti que par la sécurité des citoyens qui constitue un bien public.

Toute organisation, comme la police, qui travaille pour protéger le public, réprimer le crime et faire respecter l’ordre devrait être en mesure de fonctionner en toute «intégrité», indépendamment des interventions politiciennes, et dans la sérénité. Or, ces trois conditions sont loin d’être réunies chez nous.

Les fréquentes doléances de policiers qui nous contactent par rapport à leurs horaires de travail illustrent le malaise qui s’est durablement installé. La conséquence directe de la démotivation des policiers de l’État : la sécurité se privatise de plus en plus (y compris pour les ministres).

À quelques mois des prochaines législatives, le MSM va-t-il nommer une plate-forme citoyenne et apolitique, hors des Casernes centrales, pour enquêter sur les infractions commises par des policiers ? Au risque d’ouvrir une boîte de Pandore ? Va-t-il modifier la loi pour enfin faire encadrer les enquêteurs de la police par un juge d’instruction... ou va-t-il user la police pour tenter de rester au pouvoir ?

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À entendre les élucubrations de l’un ou l’autre leader politique, c’est à se demander si ce sont les politiciens qui font vivre la presse, ou si c’est plutôt l’inverse. En tout cas, certains leaders de partis pensent pouvoir atteindre notre journal, soit (quand ils sont au pouvoir) en nous sevrant de l’argent public détourné sous forme de publicité gouvernementale vers des colonnes plus complaisantes, soit (quand ils sont dans l’opposition) en critiquant l’angle de chaque article politique qui ne soit pas à leur gloire (pouvoir et opposition confondus). Le contre-pouvoir que nous sommes – et entendons demeurer – est devenu, malgré nous, l’adversaire politique de certains propriétaires de partis, qui nous perçoivent comme une menace. Tant mieux, c’est la démocratie qui en sortira gagnante.