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Le cas Sunak et Maurice

29 octobre 2022, 09:07

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Rishi Sunak, Premier ministre de la Grande-Bretagne. So what? Maurice réalisait déjà en 2003 un exploit à dimension éminemment internationale. C’était l’accession aux fonctions de Premier ministre de Paul Bérenger, quelqu’un issu d’une minorité qui ne represente même pas les 2 % de la population. Qui plus est, cette minorité était associée à la pratique de l’esclavage et d’un système d’engagement de coolies dont avaient été victimes les ancêtres de la très grosse majorité de la population. 

Le cas Paul Bérenger, qui fait exception à la règle que le poste de Premier ministre est toujours occupé par quelqu’un issu d’une ‘caste’ hindoue particulière, est encore plus remarquable que celui de Sunak en Grande-Bretagne. Car bien que Paul Bérenger soit devenu Premier ministre après le retrait de sir Anerood Jugnauth, son éventuelle nomination comme chef du gouvernement avait été systématiquement vendue lors de la campagne électorale de 2000 et donc largement plébiscitée par la population. Car si la grande majorité des Mauriciens s’étaient opposés à l’idée même que Paul Bérenger ne devienne Premier ministre, ils auraient voté contre cette proposition. Comme ils l’avaient fait en 1983 et plus tard encore en 2005, 2010 et 2014. 

Contrairement à Sunak, qui a été désigné chef du gouvernement par une majorité de députés conservateurs, Paul Bérenger a, lui, bénéficié de larges soutiens dans la population sans toutefois obtenir un vote déterminant dans le système first-past-the-post. On s’interroge toujours sur ce qui aurait été le verdict si en 1982, au lieu de présenter pas un, mais deux Vaishs comme les deux premiers chefs du futur gouvernement, le MMM, disposant d’une force de frappe électorale foudroyante, aurait choisi plutôt de jouer la carte Paul Bérenger comme éventuel Premier ministre. 

Toutes proportions gardées, l’exploit mauricien dans le rejet des préjugés raciaux dépasse de loin le choix des parlementaires britanniques de se donner un Premier ministre hindou. Comme événement mondial et historique toutefois, le cas Sunak a eu un impact considérable car qui se soucie de la culture politique particulaire d’une petite île perdue dans un océan ? 

Les Mauriciens suivent de près le cheminement de ce fils d’immigrants devenu chef de gouvernement dans l’une des grandes puissances économiques et militaires du monde. 

En raison de la dimension diaspora indienne, le cas Sunak devient encore plus intéressant pour les Mauriciens. 

Seraient bien naïfs toutefois ceux qui croiraient que dans un élan de jati-bhai (frères de communauté), Sunak inviterait Pravind Kumar Jugnauth à le rencontrer à Diego Garcia et y organiser une cérémonie de remise d’instruments de souveraineté des Chagos à Maurice. 

Ni encore qu’à l’invitation du gouvernement mauricien et fort de sa fortune estimée à £ 730 millions, soit Rs 37 milliards, Sunak décide de lancer une offre publique d’achat sur Omnicane, Ciel, Terra et Médine. Et d’autres entités encore s’il bénéficie de l’aide de son beau-père, le milliardaire Narayana Murthy, grand patron du géant Infosys. 

Néanmoins, le gouvernement mauricien devrait mettre en place une stratégie particulière visant à tirer avantage de la nomination de Sunak à Londres. Mais aussi d’une autre personnalité marquante du gouvernement britannique. Il s’agit de Suella Braverman, ministre de l’Intérieur dont la maman est une Mauricienne. 

Incroyable mais vrai, les Pakistanais entendent eux aussi exploiter le filon Sunak. En effet, si le tout nouveau Premier ministre compte entreprendre un pèlerinage dans le pays de ses ancêtres comme Paul Bérenger l’avait fait à Marseille, ce n’est pas en Inde qu’il devrait se rendre mais plutôt au Pakistan. En effet, son grand-père, Ramdas Sunak, avait quitté la ville de Gujranwala, au Pendjab, en 1935 pour aller travailler au Kenya. Au moment de l’indépendance de l’Inde en 1947, le Pendjab fut scindé en deux, la partie occidentale allant au Pakistan. Et Gujranwala fait, depuis, partie du Pendjab pakistanais.