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Perception is all there is!

22 octobre 2022, 08:46

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(Tom Peters, gourou de management américain)

La réaction gouvernementale à l’énorme émotion suscitée par la publication du rapport sur la mort de Soopramanien Kistnen est absolument extraordinaire d’arrogance, de légèreté et d’amateurisme.

Rarement jusqu’ici dans l’histoire politique récente du pays, a-t-on observé, de la part d’un gouvernement acculé, une défense aussi faible, aussi bâclée, aussi affolée et aussi inefficace que le galimatias que nous servent depuis quelques jours les porte-parole du gouvernement, le dernier en date mercredi, Ivan Collendavelloo, choquant de suffisance face à un Nawaz Noorbux s’étranglant de colère et d’indignation. Le régime, clairement, perd son sang-froid et dit n’importe quoi !

Il faut, dans cette sordide affaire, revenir en permanence à l’essentiel : un homme, chef-agent électoral dans la circonscription du Premier ministre, est mort, froidement assassiné, avec de surcroît une odieuse tentative de maquiller le crime en suicide. Rien, humainement et légalement, n’est plus grave qu’un assassinat. Depuis deux ans (une éternité !), la police enquête sans résultat probant, alors que les crimes dans la petite île Maurice sont, en général, rapidement élucidés. Personne, jusqu’ici, malgré 98 témoignages en cour, n’a vu l’intérieur d’une cellule. Aucune accusation, même provisoire, n’a été formulée. Les Mauriciens, assistant estomaqués à ces événements, ne s’encombrent pas, eux, comme Ivan Collendavelloo, de finesse de langage ou de technicalités légales : bottom line, ce que l’opinion publique veut savoir (et c’est à quoi il faut répondre), c’est : Qui ? Pourquoi ? Comment ? Où ? Et, enfin, combien de temps encore pour boucler cette interminable enquête ? Il n’y a même pas, à ces interrogations, un début de réponse !

Le rapport sur la mort de Kistnen évoque «the incompetent and abysmal manner in which the enquiry was carried out by the police», qualifie la conduite de celle-ci de «abhorrent» et de «so below what can be considered reasonable that it marks a new level of incompetence». Il donne plusieurs pistes à explorer. Il y est notamment question que «the death could be related to contract allocations», que Kistnen pourrait possiblement avoir été liquidé parce qu’il faisait du chantage («blackmailing»), et que finalement «the possibility that the death is related to the revelations contained in the Kistnen papers cannot be discarded», notamment «the registration of foreign nationals as voters against financial payments to secure votes». Les implications de tout cela sont terribles.

Confronté au trouble généralisé que suscitent ces commentaires, le régime change constamment de stratégie défensive. Tantôt il met en doute l’authenticité du document «parce qu’il n’est ni signé, si estampillé», une parade qui pourrait aisément être démolie si le DPP publie le rapport, comme il serait souhaitable ; tantôt le gouvernement se montre plus intéressé à connaître l’auteur de la «fuite» plutôt que l’identité des assassins ; tantôt il est dans le déni comme s’il ne s’était rien passé ; tantôt il agite la thèse du complot de l’opposition ; tantôt il se croit obligé de défendre bec et ongles tous les noms mentionnés au lieu de les laisser se défendre eux-mêmes. Il n’y a, dans cet éparpillement et cette multiplicité de parades, aucune cohésion, aucune ligne centrale convaincante, sinon de dire comme toujours qu’il faut «laisser les institutions faire leur travail», alors que ce sont ces mêmes institutions qui sont sur la sellette.

Ces fréquents changements de cap ne font que soulever d’autres doutes, d’autres interrogations. C’est, pour le régime MSM, un de ces PR disasters dont on ne revient pas intact, comme hier la controverse sur le sniffing à MT ! Le régime se rend-il bien compte du degré d’exaspération du pays dans cette affaire ?

Il faut le dire avec la plus grande gravité : nous vivons aujourd’hui, à Maurice, une très dangereuse crise de confiance. Assommés, abrutis par des scandales et traumatismes à répétition, les Mauriciens semblent être au bord de ne plus croire en rien. Ni dans ses politiciens devenus des artistes du mensonge et de la manipulation. Ni dans un gouvernement arrogant, hégémonique, protégeant et favorisant en toutes circonstances les siens, ni dans une opposition décevante et incapable d’offrir une vraie perspective d’avenir, ni dans des institutions vitales pour la bonne santé de la démocratie, ni en la parole de ses nouvelles élites, ni dans les grands principes qui assurent le difficile équilibre du pays.

Il y a, aujourd’hui, avec la remise en question de tout et de tous, de moins en moins de repères moraux, de codes d’éthique encadrant le débat public, de moins en moins de modèles, et de plus en plus de cynisme, de scepticisme, de désespoir, voire de désespérance.

Pour mettre un peu d’ordre dans tout ce désordre de l’esprit, trois choses sont essentielles : (1) une déclaration officielle du DPP, M. A. Boolell, disant catégoriquement au pays si, oui ou non, le document brandi par TéléPlus est bien celui de la magistrate ; (2) une déclaration officielle du commissaire électoral, M. Irfan Rahman, disant une fois pour toutes combien de Bangladeshis sont enregistrés sur nos listes électorales et dans quelles circonscriptions ; et (3) une grande conférence de presse officielle du commissaire de police, M. Dip, sur les critiques formulées contre la police et le statut de l’enquête sur la mort de Kistnen.

Que le gouvernement ne s’y trompe pas : les perceptions actuelles sont, pour lui, catastrophiques. Or, comme le dit le gourou de management américain de renom, Tom Peters : «There is no reality. Perception! Perception is all there is!»