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Désendettement

28 septembre 2022, 09:02

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Face à la menace d’un écroulement de l’économie mondiale lors du grand confinement, les banques centrales s’étaient mobilisées pour s’engager dans des programmes d’assouplissement monétaire dans une tentative désespérée de permettre aux agents économiques de naviguer dans les eaux tumultueuses de la crise. Deux ans et demi plus tard, même si la pandémie est pratiquement derrière nous, comme l’a d’ailleurs reconnu l’Organisation mondiale de la santé, l’on ressent toujours les effets délétères de la crise. Néanmoins, la guerre en Ukraine est venue accentuer les disruptions des chaînes d’approvisionnement, provoquant une escalade des prix de l’alimentaire et de l’énergie.

Que ce soit du côté de la Réserve fédérale (Fed) ou de la Banque centrale européenne (BCE), l’on a compris qu’on s’était fourvoyé et que l’inflation est loin d’être un phénomène transitoire. Pour endiguer cette inflation persistante, la Fed a choisi la voie de la désinflation en relevant une nouvelle fois ses taux directeurs de 75 points de base, les portant entre 3 % et 3,25 %. Depuis le mois de mars, c’est la cinquième fois que l’institution revoit à la hausse les FED Funds qui, à l’époque, étaient dans la fourchette de 0 % - 0,25 %. Il est attendu que les taux d’intérêt américains grimpent jusqu’à 4,5 % en 2023. Cette politique de resserrement monétaire agressive ne sera pas sans conséquence sur la croissance américaine qui devrait dégringoler à 0,2 % cette année.

Plutôt colombe jusqu’ici, la BCE a également changé de posture. Il y a trois semaines, elle a relevé ses taux d’intérêt de 75 points dans le but d’empêcher l’inflation, qui a atteint un niveau record de 9,1 % dans la zone euro en août dernier, de s’incruster et de devenir systémique. D’ailleurs, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a reconnu que la problématique du prix de l’énergie constitue un changement structurel. Elle craint un lourd impact sur la production industrielle en Europe. La priorité de la BCE est d’accélérer le processus de normalisation des taux en vue de ramener l’inflation autour de 2 % à moyen terme.

Le prix à payer pour casser l’inflation, c’est malheureusement la récession. Les Américains comme les Européens sont résolus à ralentir la demande pour faire baisser les prix. Ainsi, consécutivement à l’offensive de la Fed pour augmenter les taux d’intérêt, les crédits immobiliers ont grimpé jusqu’à 6 %. C’est une première depuis 2008.

Cette politique de désinflation ne manque pas, non plus, de provoquer une vraie pagaille sur les marchés financiers et les marchés des changes. Aux États-Unis, le cours du Dow Jones est depuis la semaine dernière en plein repli en raison des perspectives d’une récession et de l’impact de la hausse des taux sur la performance des sociétés cotées. Idem pour le Standard & Poor’s 500 et le Nasdaq qui sont ces jours-ci fortement volatils. De même, le relèvement du rendement à 3,5 % sur les bons du Trésor américains fait s’éloigner les investisseurs du marché des actions.

Concernant les marchés des changes, l’on assiste au renforcement du dollar face aux principales devises, notamment l’euro et la livre sterling. En début de semaine, le dollar s’échangeait contre 1,03 euro. Quant à la livre sterling, elle continue à s’effondrer malgré la décision de la Bank of England de rehausser ses taux d’un demi-point la semaine dernière. Lundi, la monnaie britannique a plongé à 1,03 dollar, un niveau inédit. Les analystes de Bloomberg sont d’avis que la perspective d’une parité entre le dollar et la livre sterling est tout à fait plausible car les investisseurs anticipent une dégradation des finances publiques britanniques.

«Il est primordial que les entreprises s’engagent d’ores et déjà dans une stratégie progressive de désendettement pour ne pas être asphyxiées financièrement»

C’est dans ce contexte de forte morosité économique à l’international marquée par la stagflation et la volatilité sur les marchés des changes que le comité de politique monétaire est appelé à se pencher sur le taux repo ce mercredi 28 septembre. De l’avis des analystes, la Banque de Maurice est très en retard sur le processus de normalisation des taux d’intérêt. Ils recommandent un relèvement d’un demi-point du taux directeur. L’objectif est double : casser la spirale inflationniste (l’inflation en glissement annuel était calculée à 11,5 % en août dernier) et stabiliser la roupie.

Il est difficile d’anticiper sur la posture de la Banque centrale. Étant donné que sur ces quatre dernières semaines, la roupie s’est appréciée face au dollar (+2,14 %), de l’euro (+6,47 %) et de la livre sterling (+13,3 %), le comité de politique monétaire pourrait bien trancher en faveur du statu quo ou d’une hausse marginale de son taux de référence. Mais ce serait faire abstraction des pressions inflationnistes dans le futur.

Pour les entreprises, le maintien du taux directeur fait sens. Comme on l’a vu dans le cas de l’exemple américain, le relèvement des taux n’est pas indolore pour l’économie. Dans l’immédiat, il risque d’alourdir la charge financière de nos entreprises. Les statistiques officielles pour la période se terminant à fin juillet 2022 montrent que la dette du secteur corporatif s’élevait à Rs 279,7 milliards. Parmi les secteurs les plus endettés, l’on retrouve l’hébergement et la restauration (Rs 50,7 milliards), le commerce de gros et de détail, incluant la réparation de véhicules et de deux-roues (Rs 24,9 milliards), l’immobilier (Rs 20,5 milliards) et l’industrie manufacturière (Rs 19,3 milliards).

Vu sous cet angle, il serait plus sage d’adopter, dans l’immédiat du moins, une approche plus conservatiste eu égard à la politique monétaire. Or, il faut bien comprendre que tôt ou tard, la Banque de Maurice devra suivre la même voie que les autres banques centrales. Car le monde sort de ce cycle où l’argent est accessible à un faible taux. Il est primordial que les entreprises prennent pleinement conscience de cette réalité et s’engagent d’ores et déjà dans une stratégie progressive de désendettement pour ne pas être asphyxiées financièrement.

Les derniers résultats des sociétés cotées en Bourse donnent une indication claire que certaines d’entre elles sont dans cette logique de désendettement. Ainsi, la direction d’Ascencia indique qu’elle a achevé avec succès la restructuration de ses dettes bancaires existantes d’un montant de Rs 4,76 milliards. Au niveau de Lux Island Resorts, l’on continue d’améliorer la trésorerie générée par les activités, le rééchelonnement de la dette ainsi que les obligations émises envers la Mauritius Investment Corporation. Au 30 juin 2022, le groupe avait Rs 1,1 milliard en banque contre des emprunts évalués à Rs 5,1 milliards. Selon la direction, l’endettement du groupe demeure sain avec un taux en baisse de 16 % en l’espace d’une année.

Quant à Medine Limited, elle indique que son endettement a baissé de Rs 2,2 milliards pour être ramené à Rs 5,6 milliards. Le groupe devrait payer moins d’intérêts à l’avenir. Cette tendance devrait se maintenir du fait qu’il a remboursé ses obligations pesant Rs 1,4 milliard avant maturité et a levé Rs 1 milliard par le biais d’une émission de bons à cinq ans.