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Diplomatie mauricienne, post-2014

25 juin 2022, 09:00

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La participation personnelle de notre Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth, au sommet du Commonwealth au Rwanda, a permis de rehausser son profil sur le plan international. Suivant les élections de 2014, la diplomatie mauricienne n’aura pas connu son rayonnement d’antan bien que la victoire du pays dans les instances judiciaires internationales et aux Nations unies (ONU) sur le dossier Chagos a été un événement marquant de notre histoire. 

Nous avons donc acquis un gros os sous la forme des Chagos mais cela nous empêche de manger à tous les râteliers, une approche typiquement mauricienne qui a été jadis très payante. Ainsi, Maurice se distinguait dans le monde par son cachet unique. Nous étions la seule démocratie parlementaire de l’Afrique ; seul pays membre du Commonwealth et de la Francophonie ; modèle unique de parfaite cohabitation multiethnique et multiculturelle. 

Nous avons su comment gagner sur tous les plans. Ainsi, au plus fort moment des accointances de nos dirigeants, sir Seewoosagur Ramgoolam et sir Gaëtan Duval, avec les impérialistes français et britanniques, notre représentant à l’ONU Radha Ramphul était devenu la coqueluche du corps diplomatique africain représentant des pays révolutionnaires et antiimpérialistes. Quand Ramphul faisait voter des résolutions contre l’Afrique du Sud, nous étions des partenaires économiques très proches du régime d’apartheid, aidant même ce dernier à contourner les sanctions internationales. Au point où nous donnions un passeport mauricien à des pilotes sud-africains interdits d’accès dans certains pays, dont l’Inde. 

Gauche et droite, Européens, Américains, Africains, Indiens, Chinois, Pakistanais, Palestiniens, Israéliens, Commonwealth, Francophonie, nation non-alignée – bref, on mangeait à tous les râteliers. Depuis 2014, on nous sert le «disque rayé» Diégo- GOPIO, GOPIO-Diégo. Mais la symphonie diplomatique du passé avec plusieurs instruments mis en concours à la fois, a bien fait ses preuves, alors pourquoi l’abandonner ? Nous avons quand même des intérêts permanents à défendre. 

Bien sûr, depuis 2014, si le dossier Chagos a été géré de main de maitre par les Jugnauth, père et fils, l’absence d’éclat de la diplomatie mauricienne a été si évidente que les Mauriciens ont oublié que Vishnu Lutchmeenaraidoo a été à un moment donné le chef de notre diplomatie. Nando Bodha y a été nommé pour la simple raison qu’on voulait le priver du contrôle sur les Infrastructures publiques, une véritable mine d’or. Quant à Alan Ganoo, l’actuel ministre des Affaires étrangères, il est aussi ministre du Transport et du tramway, un secteur qui brasse des milliards. Il n’est pas difficile de parier que Ganoo consacre davantage d’énergie au transport et au tramway, un secteur qui pourrait entraîner des milliards d’investissements additionnels si on étend le réseau à d’autres localités du pays. 

Il n’est pas réconfortant de constater qu’avec le style post-2014, c’est fini le temps des grands ministres des Affaires étrangères comme sir Gaëtan Duval, sir Harold Walter et Jean-Claude de L’Estrac. De fortes personnalités capables d’assurer des échanges productifs avec des décideurs à l’étranger et faire bouger les dossiers les plus complexes. C’était la diplomatie au service de l’économie du pays. De plus, les liens privilégiés et personnels des dirigeants politiques mauriciens avec des personnalités d’avantplan à l’étranger aidaient à attirer d’appréciables investissements à long terme sur le plan économique. 

Le monde a changé et de nouveaux enjeux et acteurs sont entrés en scène. Pour cette raison, en sus de sa capacité à pouvoir manger à tous les râteliers, le pays devrait dénicher des talents en relations internationales, pas nécessairement de la trempe des Sattar Hajee Abdoula, Harvesh Seegolam et autres Azim Currimjee et Anoop Nilamber. On chercherait plutôt des clones d’Usha Dwarka-Canabady, Vijay Makhan ou encore Jagdish Koonjul. Il y a tout un monde à conquérir. On saura bientôt combien positive aura été la double présence PKJ-Ganoo au sommet du Commonwealth à Kigali, au Rwanda.Voilà une communauté de 54 nations, une population de 2,5 milliards, soit le tiers de l’humanité. En raison de ses particularités, Maurice y a joui d’un grand prestige. 

De ce fait, au sein du Commonwealth même, Maurice aurait pu jouer depuis plusieurs mois déjà un rôle de premier plan pour assurer l’élection de Kamina Johnson, la ministre des Affaires étrangères de la Jamaïque, aux fonctions de secrétaire-générale de cette instance. Alan Ganoo l’a rencontrée au Rwanda. Maurice a acquis de l’expérience dans le lobbying des nations insulaires et des pays africains et cela aurait pu être mis à contribution en faveur de la Jamaïque. Maurice et cette île des Caraïbes partagent des traits communs, notamment une interaction avec les Français avant la conquête britannique, l’exploitation du sucre, le goût du rhum et la joie de vivre des îliens, exprimée en particulier par des artistes. Maurice entend gagner par l’élection de Kamina Johnson. 

Puisque le gouvernement est particulièrement actif dans ses relations avec l’Inde et la diaspora indienne, notre diplomatie a-t-elle conçu une stratégie particulière pour exploiter le riche potentiel de cette communauté supranationale repartie dans le monde entier ? Il est vrai que Maurice s’est laissé avoir par quelques escrocs de la diaspora qui ont réussi surtout à dévaliser la State Bank, évidemment avec des complicités internes. 

Il reste néanmoins tout le potentiel économique, professionnel et touristique de cette diaspora à exploiter. L’attrait touristique de Maurice serait un produit unique très vendable à ce niveau. Ce n’est pas la toute dernière Miss England qui dira le contraire. Cette reine de beauté appelée Pratisha Raut a visité Maurice en février 2022 après son sacre à Londres et bien qu’attaquée par des méduses, elle aura adoré son séjour chez nous. 

Il est clair qu’on ne pourrait se contenter de business as usual en diplomatie. La récente visite de notre Premier ministre en Inde lui aura valu un accueil jamais reçu auparavant par un chef mauricien. Souhaitons qu’au sommet de Kigali, Maurice se repositionne comme ami de tous pour pouvoir exploiter de façon optimale toutes les ressources disponibles à l’étranger. C’est bien un tel positionnement stratégique qui permit à Maurice de décoller économiquement en 1983.