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En savoir un peu plus sur les prix à payer

9 mars 2022, 08:28

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Le Tableau I ci-dessous compare simplement les prix de produits identiques dans un même supermarché, entre les dates de décembre 2019 et de février 2022.

Cette comparaison n’a pas la prétention de choisir les items en fonction de leur poids relatif dans le panier d’achat de la ménagère, comme le fait le Consumer Price Index (CPI) local. En fait, la liste des produits identiques couverts par les deux listes est assez faible et se situe à environ 7 % des 505 produits de consommation courante répertoriés dans deux pamphlets représentatifs de vente.

Mais il faut d’abord rappeler que la méthodologie utilisée pour calculer le CPI reste, de son côté, encore assez secrète. Selon une étude faite à la Banque centrale en 2006 (je n’ai rien trouvé de plus récent), le bureau des statistiques récolte le prix de 824 items différents consommés par le public mauricien, ces 824 items étant les plus achetés dans le pays, selon le dernier Household Survey en date. Ce Household Survey est lui-même réactualisé tous les 5 ans. Le dernier questionnaire en date, soit celui de 2017, est très probablement typique et demande à un échantillon de 7 000 familles sélectionnées de lister TOUTES les dépenses de consommation courante faites pendant une semaine, en détail. L’exercice, colossal, dure un an. On peut raisonnablement supposer que les effets saisonniers et de ‘fin de mois’ sont tenus en ligne de compte. D’autres questionnaires ont pour objectif d’établir les biens durables des familles ainsi que leurs autres dépenses telles que les frais financiers, le loyer ou le transport. En fait, ces 824 items sont tenus secrets par le CSO pour que leurs prix ne soient pas «artificiellement modifiés», nous dit-on, et se retrouvent sous les 12 catégories suivantes, aucune de ces catégories ne représentant plus de 6 % du panier total, sauf pour la nourriture (24,8 %), le transport (14,7 %), l’alcool et le tabac (11,0 %) et les frais de la maison – item 4 (11,2 %).

1. Nourriture et boissons non alcoolisées (24,8 %)
2. Boissons alcoolisées et tabac (11,0 %)
3. Vêtements et chaussures (4,6 %)
4. Logement, eau, électricité, gaz, autres sources d’énergie (11,2 %)
5. Ameublement, équipement et entretien de routine (5,9 %)
6. Santé (3,8 %)
7. Transport (14,7 %)
8. Communications (4,4 %)
9. Récréation et culture (4,2 %)
10. Éducation (5,0 %)
11. Restaurants et hôtels (5,4 %)
12. Divers biens et services (5,0 %)

À l’intérieur de la section nourriture, le panier identifie 11 catégories allant du pain/céréales aux fruits et aux légumes et 50 sous-catégories couvrant le lait en poudre (poids final de 1,35 %), les boissons gazeuses (0,6 %), les légumes frais (3,7 %), le poulet (2,1 %), le pain (1,4 %) ou le riz (1,6 %) (*). De nombreux items représentent des prix contrôlés. On ne sait pas quels riz ou quels laits en poudre sont, en particulier, suivis chaque mois. Il faut peut-être noter que de toutes les souscatégories répertoriées par Statistics Mauritius, celles qui affichent les poids les plus forts sont la bière (3,0 %), le rhum (1,2 %), les cigarettes (4,9 %), les vêtements (3,5 %), les intérêts sur les prêts maison (3,1 %), l’électricité (3,7 %), l’essence (4,6 %), les remboursements véhicules (5,0 %), les billets d’avion (1,8 %), les services téléphoniques (3,9 %), l’enseignement supérieur (3,4 %) et les mets préparés (2,8 %). Je n’y ai pas trouvé un item pour… le jeu («gambling»).

Le dernier Household Survey, publié en mars 2019, indique d’autres faits intéressants, au-delà des prix. Par exemple, il note que 22 % des foyers étaient dirigés par une femme seule, que le coefficient de Gini s’était amélioré de 0,414 en 2012 à 0,400 et que les revenus disponibles à un foyer moyen étaient de Rs 36 803, soit 10,4 % de plus qu’en 2012, ayant dûment «ajusté pour les augmentations de prix» (comment ?). De plus, si en moyenne 25 % des dépenses étaient pour la nourriture, ce pourcentage passe à 43 % pour les 20 % de la population les moins fortunés. Finalement, 40 % des familles étaient endettées en 2017 (vs 45 % en 2012), dont 57 % pour se construire un logement ; les super- et hypermarchés représentaient désormais 91 % des achats citoyens, contre 82 % en 2012 et même si la santé nationale est gratuite, 68 % des familles avaient au moins eu recours au privé en 2017, comme en 2012.

Si l’on se concentre sur le pouvoir d’achat et les prix du panier de la ménagère, il faut souligner que le pourcentage de familles disposant de plus de Rs 20 000 par mois avait progressé de 55,7 % du total à 68,5 % du total en 5 ans. Crucialement, entre juin 2012 et juin 2017, le dollar avait aussi progressé de Rs 30,50 à Rs 35,64 (+17 %). Ce progrès en roupies avait été réalisé avant l’augmentation électoraliste des pensions à Rs 9 000, avant la pandémie de Covid et ses séquelles, avant le PRB et avant la dépréciation accélérée de la roupie des deux dernières années (+20 %). Les effets combinés de tous ces facteurs vont sans doute rendre le Household Survey de 2022 passionnant à lire !

Depuis le Household Survey de 2017, nous n’avons que le CPI comme point de référence. En 2018 +3,2 %, en 2019 +0,5 %, en 2020 +2,5 %, en 2021 +4,0 %, ce qui n’est pas a priori inquiétant, mais la population qui n’a, il est vrai, qu’une vue un peu impressionniste, voire anecdotique de l’évolution du pouvoir d’achat local, grince de plus en plus en allant faire ses commissions. Le tableau ci-après, en est une explication partielle, au-delà du CPI, du prix des légumes et de l’essence.

Les commentaires suivants sont pertinents. D’abord cette photographie de l’évolution des prix de marchandises connues est sur 14 mois, pas sur 12. Ensuite, les prix que l’on retrouve dans ce tableau sont, pour la plupart, des prix affichés comme étant de nature «promotionnelle». De plus, il est probablement vrai que ces 35 produits ont plus de chance de se retrouver dans un panier de la classe moyenne – mais rappelons à cet effet que la classe «moyenne» s’est apparemment élargie de beaucoup entre 2012 et 2017. Cependant, l’évolution des commodités depuis la pandémie de Covid, doublé de l’augmentation du fret et de l’érosion plus récente de la roupie, semble avoir particulièrement affecté les achats de ces classes moyennes au point que l’on a souvent évoqué la glissade de leur pouvoir d’achat «vers des classes inférieures». Sans être une indication de ce que certains ont, de manière sans doute un peu exagérée, décrit comme étant la «paupérisation des classes moyennes», il est probable que si l’on pouvait comparer les prix affichés, non CPI, de TOUS les items se retrouvant sur les étagères des supermarchés depuis décembre 2019, l’on retrouverait sensiblement les mêmes tendances d’augmentation de prix qu’au tableau. Ce qui est bien au-delà de 10 %…

Notons finalement que les prix n’ont probablement pas fini d’augmenter. Encore plus maintenant, après la guerre déclarée par Poutine à l’Ukraine, cette guerre venant sans doute perturber encore plus que nécessaire la logistique et les chaînes d’approvisionnement, d’autant plus que ces deux pays pèsent lourd dans les marchés du pétrole, du gaz, du blé (25 % des exportations mondiales à eux deux), du maïs (l’Ukraine est le 1er fournisseur de la Chine et ce grain alimente tous les élevages), l’huile de tournesol (l’Ukraine fournit 50 % de toutes les exportations mondiales), le nickel, le cuivre, le fer, le titane (où la Russie domine). Les fertilisants seront touchés aussi. De plus, 90 % de la production mondiale de néon, gaz utilisé dans la lithographie des puces électroniques par laser, est russe, 60 % étant purifiée à Odessa… Finalement, le platine, le palladium sont aussi critiques pour la production de puces électroniques, où des retards de production existent déjà. N’évoquons pas une guerre mondiale de déstabilisation cyber, à ce stade… Ou pire que cela !

On remerciera pour ces anxiétés M. Poutine et son rêve restaurationniste !

Tous ensemble, maintenant : Merci M. Poutine !

(*) https://statsmauritius.govmu.org/Pages/Statistics/By_Subject/CPI/SB_CPI.aspx (voir Data/Historical series)