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Surmortalité

13 avril 2021, 07:25

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«Le virus tue moins cette fois-ci.» 

C’est ce que nous disait le gouvernement alors que la seconde vague commençait tout juste à déferler en mars 2021. Une phrase lancée par le psychiatre Jagutpal pour soi-disant rassurer, mais qui, hélas, ne reposait pas sur des données scientifiques, encore moins prenait-elle en compte la condition générale de nos centres de santé. 

Ces jours-ci, l’angoissante surmortalité que l’on constate, de manière impuissante, chez les patients dialysés – neuf décès (sept positifs et deux négatifs en quarantaine) en 13 jours ! – ne peut qu’être une combinaison de mauvaises pratiques et de politiques sanitaires, au-delà du virus lui-même et de la qualité de notre personnel de santé. 

Si le Covid-19 est l’un des plusieurs facteurs et comorbidités que considère le médecin qui signe l’acte de décès d’un dialysé, le coronavirus est, sans doute, l’élément catalyseur de cette véritable hécatombe à l’hôpital de Souillac. Sinon, comment expliquer que tous ces patients dialysés tombent comme des mouches malgré toutes les tentatives d’explications du Dr Jagutpal, selon lesquelles il n’y aurait pas de faille au niveau du ministère de la Santé et des hôpitaux publics ? 

La pilule est trop grosse, la potion trop amère, Docteur. Il vous faut revoir votre copie au plus vite, afin de sauver les autres dialysés qui sont en traitement et qui sont aujourd’hui terrorisés. Oubliez vos protocoles, écoutez les patients, svp. 

Certes, on l’a déjà entendu, la mort s’observe surtout chez les personnes âgées et diminuées, mais la valeur d’une vie varie-t-elle en fonction de facteurs comme l’âge, le handicap ou, ici, la dialyse ou l’insuffisance rénale ? Peut-on discriminer certaines personnes sur ces bases-là ? La présence de comorbidités vient-elle banaliser la mort ou vient-elle justifier le discours politique, selon lequel le virus tuerait moins... 

Mais, tuerait-il vraiment moins ? Ou deviendrait-il encore plus mortel en raison de l’insalubrité de nos hôpitaux et de l’irresponsabilité, couplée à la suffisance, de ceux qui sont à leur tête ? 

*** 

Autre point dérangeant de la gestion de la crise sanitaire, c’est le traitement inhumain infligé aux dialysés. À discuter avec leurs proches révoltés, plusieurs des victimes savaient qu’elles n’allaient pas pouvoir tenir le coup, entre autres, parce qu’elles recevaient une mauvaise dialyse (souvent insuffisante et à des heures impossibles), enfermées comme des prisonniers, sans possibilité de marcher une heure ou deux, livrées à elles-mêmes et aux corvées ménagères, nourries avec une nourriture néfaste pour leur santé, sans compter la pression psychologique de ne pas pouvoir voir et compter sur leurs épouses, époux, frères, soeurs, enfants… C’était une recette pour les achever, eux qui ne voulaient pourtant pas être euthanasiés. Et alors que le ministre de la Santé faisait le beau à la télé, nos patients dialysés mouraient un par un, comme dans des centres de concentration pour dialysés qui ne disent pas leur nom. 

Chaque soir, la mine faussement satisfaite, le ministre nous communique des chiffres relatifs au Covid-19. Face au public, il doit démontrer qu’il a le contrôle de la situation et, bien évidemment, qu’il mérite son salaire, comme le Premier ministre et ses conseillers – tous payés, grassement, par vous et moi, même ceux qui se disent «bénévoles» mais qui obtiennent toutes sortes de permis et de contrats. Pourtant dans des centres de santé, il manque des bras de professionnels. Ceux qui viennent épauler le Dr Jagutpal sur le plan de la communication seraient plus utiles dans les tranchées qu’au PMO avec des cravates noires. 

Car vu le nombre de morts chez les dialysés, quelque chose dans le protocole du ministère de la Santé ne tourne manifestement pas rond. Et ce climat délétère vient fragiliser l’ensemble de la société, qui devient solidairement impuissante…