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La hantise du «lockdown»

10 mars 2021, 10:09

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La hantise du «lockdown»

Après une longue et fébrile attente, le Premier ministre, le visage renfrogné, a annoncé, hier, après 21h15, que Maurice sera à nouveau en confinement, cette fois-ci pour une durée de 15 jours, à partir de ce matin. Le ton sur la MBC était bien différent de celui, jubilatoire, entendu, il y a quelque temps, sur la BBC, puis sur TV 5 monde, quand Maurice «Covid-free» ou «Covid-safe» était devenu un slogan de marketing politique.

Même si l’on a intériorisé le fait que le coronavirus s’attaque davantage à l’économie (mondialisée) qu’à l’humain, la hantise du confinement ou d’un manque de ravitaillement règne dans les esprits. Et au «panic buying» de mars 2020, vient s’ajouter, cette année, la «panic vaccination». Si les autorités parlent d’engouement vers les centres de vaccination, après l’exemple quelque peu tardif des membres du gouvernement (malgré l’avis contraire du Dr Musango de l’OMS), les > scènes de longues files d’attente évoquent davantage une pagaille au sein de la population. Dans la psyché collective, ces mesures d’exception, comme le lockdown, la fermeture des écoles ou la mise en quarantaine des petits de 2-3 ans, sont craintes, parce qu’elles viennent chambouler nos habitudes et, partant, notre société elle-même.

En mars 2020, l’express notait que les rayons de supermarché vides et l’absence remarquée de véhicules sur nos routes, hormis ceux des services essentiels, plantaient le décor du changement qui s’annonçait. «On ne sort presque plus de chez nous, on communique par portables uniquement. On travaille de chez nous (pour ceux qui le peuvent), sans nos masques (...) les enfants suivent des cours sur Skype et sur Zoom – c’est une révolution à bien des égards – mais ne peuvent plus jouer ensemble. Les travaux de construction sont suspendus. Les hôtels, dévidés, sont devenus des centres de quarantaine...»

Le scénario catastrophe qu’on anticipait alors fait désormais partie intégrante de notre subconscient, et, à nouveau, à partir d’aujourd’hui, de notre quotidien. Le «lockdown» national, qui était du jamais-vu dans notre histoire commune avant mars 2020, s’est révélé, pour nos aînés, plus drastique que le couvre-feu instauré par les Britanniques durant les émeutes de sinistre mémoire qui ont précédé la naissance de Maurice indépendante, qui était jadis en proie à de sérieuses secousses dites raciales, mais en fait davantage ethno-politiques – raison pour laquelle nous avons pris le pari de nous battre continuellement contre les dérives sectaires et le communalisme scientifique des uns et des autres, 53 ans après notre indépendance.

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L’enfermement collectif des Mauriciens a, forcément, entraîné dans son sillage des changements d’habitude et de comportements. Pas d’école, de travail, de mariages, de rassemblements culturels, sportifs, religieux pendant de longs mois, cela laisse forcément des séquelles. Beaucoup ont eu à repenser leur gestion du temps, afin de conserver un semblant de rythme quotidien dynamique.

À l’express, nous poussions, dès les premières menaces du coronavirus, pour une Whole-of-society Approach, soit un engagement citoyen de tout un chacun afin de resserrer les rangs et de réfléchir ensemble sur les challenges liés au coronavirus et aux voies et moyens pour sortir de cette impasse sanitaire et de cette crise économique.

L’heure n’était pas vraiment indiquée pour savoir si, constitutionnellement, Pravind Jugnauth avait le droit de nous priver de notre liberté de mouvement, sans passer par le Parlement. Le confinement de par le monde s’est en effet révélé la meilleure façon de contenir la pandémie galopante.

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Le coronavirus est venu surtout nous rappeler que «no man or country is an island». Le recul relatif des biens intermédiaires dans le commerce mondial est un fait notable. Cela pourrait attester d’un moindre recours à la sous-traitance étrangère. Ce qui résulterait en une baisse du prix relatif des biens semi-transformés. Les effets prix viennent renforcer notre perception de démondialisation.

Mais d’autres ne sont pas d’accord et voient dans le remue-ménage international qui s’opère sous nos yeux une mutation accélérée de la mondialisation, et pas une démondialisation per se. Déjà, avec le digital, la Big Data est devenue le nouveau terrain où s’opère l’intégration du monde qui change. Comment alors évoquer la «démondialisation» quand l’ensemble des données que nous produisons à tout point du globe deviennent la ressource première de géants planétaires – notamment des GAFA. Dans cet espace, de nouvelles rivalités émergent. L’Australie est de ces pays qui pensent que le multilatéralisme (qui sous-tend la mondialisation) est plus pertinent que jamais : «Are the US and the UK at the forefront of a push against the world of multilateralism – or managed globalization – that they created in the mid-twentieth century? How realistic is the prospect of deglobalization as a consequence of trade wars, and restrictions on movement of people and capital?»

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Au-delà de la crise sanitaire, il y a la donne économique et le contexte social à prendre en compte. Chez nous, cohabitent ceux qui poussent pour une reprise des affaires qui passe nécessairement par la réouverture des frontières (car il faudra apprendre à vivre avec le virus qui ne nous quittera peut-être jamais) et ceux qui pensent que la vie des citoyens est plus importante que le PIB.

Alors comment prendre en considération tous les intérêts de notre petit pays, tout en sachant qu’un nouvel ordre social s’est déjà installé dans l’imaginaire collectif...