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Tyrolienne : signe d’un pays qui glisse dangereusement

17 février 2021, 08:16

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En optant pour une traversée en tyrolienne au Domaine de Chazal, et en payant un prix fort pour cela, Akhilesh Gopalsing n’avait qu’un souhait : que sa fiancée et lui passent un moment inoubliable autour de la St-Valentin dans un cadre de rêve du Sud sauvage ; comme un moment gravé dans la pierre de la mémoire. Avant de se mettre la corde au cou, son rêve était de voler, l’espace de quelques dizaines de secondes, le long d’un câble – en compagnie de l’élue de son cœur – au-dessus des champs de cannes, comme des tourtereaux dans la nature. Afin de prendre tous deux de la hauteur par rapport au quotidien pas toujours évident, et de regarder le sol d’une autre perspective. Et ce, en plongeant dans le vide, en quête de frissons…

Pour rassurer sa dulcinée que la tyrolienne n’est pas forcément une activité dangereuse – quand elle est bien réglementée et surveillée –, Akhilesh s’est élancé, en premier, de la plateforme de départ. Il sait qu’on peut contrôler la vitesse en serrant le câble le long duquel se déplace une poulie à laquelle on est suspendu. Il se jette donc dans le vide, le cœur léger, les yeux ouverts. Mais l’impensable, l’irréparable se produit. Le câble, rougeâtre, se déchire, il est projeté dans un ravin, chute lourdement, sur des pierres. La tête en premier. Il meurt sur le coup, sous les yeux dévastés de sa fiancée. Dont le monde s’écroule, à cause d’un câble et à cause d’une négligence collective qui gagne du terrain et qui caractérise de plus en plus Maurice.

Quelles sont les conditions de sécurité pour la pratique de la tyrolienne au Domaine de Chazal et ailleurs dans le pays ? La pratique de la tyrolienne étaitelle encadrée par des professionnels, qui prennent le soin de tester la solidité du câble, et du harnais au cas où le câble se casse ? A-t-on pris le temps de former comme il se doit les amateurs et de juger de leur capacité à s’élancer dans le vide ? Leur propose-t-on un casque de sécu- rité ? À quand remonte le dernier audit de sécurité des différentes tyroliennes à travers l’île et à Rodrigues, où le Premier ministre avait risqué sa vie, dans une tenue non appropriée ? Les vérifications ne sont-elles pas obligatoires…

Deux jours suivant le drame de Chamouny, la direction du Domaine de Chazal, après avoir d’abord refusé de répondre aux questions de la presse, annonce une «fermeture temporaire», le temps «que l’enquête soit aboutie». N’était-ce pas le rôle des autorités d’annoncer la fermeture du site et de sus- pendre les autres activités similaires le temps de revoir les failles du protocole de sécurité (si tant qu’il en existe un – d’autant que ce n’est pas la première fois que nous avons des accidents de tyrolienne ?

***

Les deux récents drames humains lors de deux compétitions de triathlon viennent conforter cette impression que nous ne prenons pas les choses suffisamment au sérieux ou, si vous voulez, que nous avons encore pas mal à faire pour sécuriser nos sportifs, nos citoyens et nos visiteurs. Sinon comment expliquer que personne n’avait remarqué que Jayraising Hazareesing se trouvait en difficulté en mer ? Où étaient ceux qui étaient censés assurer la sécurité des triathlètes le 17 janvier au Morne ? Et le 7 février comment accepter la présence d’un autobus sur le parcours, toujours au Morne, devant Hughes Rivet ?

On aura tort de considérer ces accidents de tyrolienne et de triathlon, qui ont brisé et anéanti plusieurs familles, comme des faits divers. Ils sont le reflet d’une société et d’un pays qui cultivent l’à-peu-près au lieu de miser sur des normes internationales de sécurité, du sérieux, du professionnalisme.

Alors que nous ouvrons de plus en plus nos infrastructures de loisirs aux Mauriciens, en attendant un éventuel retour des touristes, il nous faut remettre en question nos protocoles de sécurité. Il y va de la sécurité de nos concitoyens et de nos touristes. Il y va aussi, au-delà du PIB, de notre accession aux rangs des pays développés. Où les passe-droits, le népotisme, l’amateurisme sont des exceptions, pas les règles du jeu…

PS : Prions par ailleurs qu’un proche du pouvoir n’obtienne pas un permis pour un projet de saut à l’élastique au Pont-Colville…