Publicité

Réponse de l’AHRIM : L’hôtellerie n’a pas été «sauvée» par la quarantaine

11 novembre 2020, 08:16

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Cher Nad,

Je me réfère à l’article paru dans l’édition du lundi 9 novembre de l’express, intitulé «Les hôteliers n’ont pas à se plaindre, dit-on au GM». Je me permets d’exprimer, au nom de l’AHRIM (NdlR, Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice), notre profonde déception devant les propos de votre interlocuteur, des propos qui dénotent une totale méconnaissance de la réalité des hôteliers.

Non seulement ce qu’avance le haut responsable d’un service gouvernemental cité dans votre article est inexact, mais ses propos vont à l’encontre du message même du Premier ministre adjoint et ministre du Tourisme, tel que rapporté dans l’encadré de votre article et répété avec force jeudi dernier, lors du cocktail marquant la 47e assemblée générale de l’AHRIM. Un message d’appel à un dialogue renforcé entre le public et le privé.

Je vous prierais, par conséquent, de bien vouloir porter à la connaissance de vos lecteurs les faits suivants.

1. L’hôtellerie ne se porte pas «bien» et n’a pas été «sauvée» par la quarantaine

Il faut savoir que les hôtels du pays opèrent selon un des trois modes possibles en ce moment : 21 hôtels assurent le service de quarantaine en réponse à une invitation des autorités, 60 ont choisi de proposer des offres spéciales aux Mauriciens et le reste, les 30 autres, de rester fermés, quelques-uns seulement ayant initié des travaux de rénovation.

Parmi les hôtels en quarantaine, il y a les 3 et 4-étoiles, qui ont signé un accord de tarif avec le gouvernement (full board avec service en chambre) et les 5-étoiles, dont les tarifs sont libéralisés. Avec la privatisation de ces hôtels pour la quarantaine, le revenu total mensuel perçu par ces hôtels représente entre 30 et 35 % de leur revenu habituel. C’est une entrée d’argent certes appréciable qui permet de couvrir une grosse part des frais fixes. Mais nous sommes loin du chiffre d’affaires qu’il faudrait à nos entreprises pour «se porter bien».

Les 60 hôtels qui ont proposé des offres promotionnelles aux Mauriciens sont effectivement remplis, pour certains d’entre eux, à plus de 75 % parfois, ce qui est une très bonne chose. Nous apprécions l’enthousiasme des clients locaux qui ont profité de ces offres. Et nos hôteliers n’ont pas lésiné sur les efforts pour rendre ces séjours exceptionnels. Mais ces réservations ne se faisant que les week-ends ou en vacances scolaires et à des prix promotionnels, elles ne représentent au mieux que 11 % des revenus habituels de ces établissements.

Contrairement à ce qu’insinue votre interlocuteur, l’hôtellerie n’est donc pas sauvée grâce à la quarantaine ou aux réservations du public mauricien. Les hôteliers n’arrivent pas, avec ces revenus, à couvrir leurs coûts.

2. Le service offert dans les hôtels en quarantaine est imposé par le gouvernement

Il faut savoir que la quarantaine fait l’objet d’un accord qui a été passé entre les hôteliers et le gouvernement, au moment où celui-ci a décidé en octobre de la maintenir et de la rendre payante. Jusqu’à septembre, c’est le gouvernent qui payait ces chambres. Depuis octobre, c’est le client qui paie. Les prix sont restés pratiquement les mêmes.

En vertu de ce contrat, un cahier des charges très clair portant sur le nettoyage, les repas, et le service a été imposé par les autorités. C’est ce cahier des charges précis qui dicte les règles à suivre : repas livrés en chambre, aucune intervention des équipes de l’hôtel pour le nettoyage, pas de loisirs ni de divertissement, la connexion Wifi si nécessaire. Les coûts supplémentaires d’isolement de leurs frontliners sont à la charge des hôteliers.

Vous comprendrez que les reproches de «service minimal» adressés aux hôteliers n’ont pas lieu d’être. Si le «client» n’est pas satisfait du service, il est libre de le faire savoir aux autorités, qui veilleront à s’enquérir, auprès de l’établissement en question, des raisons pour lesquelles le contrat n’a pas été respecté. C’est un reproche d’autant plus déplacé que dans la majorité des cas, les hôtels (bien que peu équipés pour la livraison de repas en chambre tous les jours et trois fois par jour) vont bien au-delà de ce contrat pour essayer de rendre le séjour du résident le moins pénible possible.

Il est utile de souligner que cet accord de quarantaine passé avec le gouvernement n’a jamais été motivé par une intention commerciale. Ce n’est pas «un business lucratif», comme publié dans l’article. Il visait à répondre à un besoin national. Il permet certes de soulager financièrement les hôtels, mais il a été une réponse à une urgence sanitaire. En outre, il nous a permis de garder les équipes connectées à leurs métiers, ce qui est essentiel pour maintenir la qualité du service et le moral des troupes en ces temps de crise.

3. Les hôteliers ne réclament pas que l’on ouvre «grand les frontières»

Les représentants de l’hôtellerie n’ont jamais demandé à ouvrir «grand» les frontières sans considération des questions de santé publique et de protection de nos équipes. Au cours des nombreuses discussions avec les autorités à ce sujet, l’AHRIM a toujours mis en avant des propositions sur :

- Les protocoles assurant un bouclier sanitaire entre visiteurs et population locale

- La durée de la quarantaine évolutive selon les expériences acquises

- Les conditions de quarantaine qui permettent un certain nombre d’activités dans l’hôtel (et non un confinement strict dans la chambre)

Ce que les hôteliers ont toujours «réclamé» en revanche, et ce depuis plusieurs mois, c’est l’annonce d’une date de réouverture. Nous en avons maintes fois expliqué l’importance, dans la presse et sur les ondes. Pour que les campagnes de vente dans les pays sources soient effectives, il faut compter un délai de 6 à 8 semaines entre la date de l’annonce et la date annoncée. Par exemple, pour espérer avoir des réservations pour fin décembre, il aurait fallu annoncer la date d’ouverture début septembre. Nous comprenons que cela n’a pas été possible, et l’est encore moins aujourd’hui, vu les circonstances. Et nous n’insistons pas dans l’immédiat pour obtenir à tout prix cette date de réouverture.

4. La MIC ne «comble pas les pertes des 7 mois».

La MIC (NdlR, Mauritius Investment Corporation) est un soutien à la trésorerie. Elle n’a pas pour objectif de combler les pertes ni d’effacer l’ardoise. Les pertes sont bel et bien réelles, puisque les revenus ne s’améliorent guère et les coûts restent intacts. Et l’endettement également. En réalité, il s’aggrave car cette aide doit être remboursée à terme : les hôteliers s’endettent pour couvrir leurs pertes. En outre, non seulement, la MIC a pour seul but d’aider les compagnies à se restructurer financièrement mais elle n’investit que dans des compagnies viables. Ce n’est pas une œuvre charitable.

Je me permets d’attirer votre attention sur ce que nous considérons être, nous, le débat urgent qui mérite d’être mené aujourd’hui. Nous estimons urgents de débattre avec le gouvernement d’un Plan de relance pour le tourisme, qui remplacera le Plan de soutien à l’emploi, pas viable dans le temps. Je vous rappelle que l’État a versé, sur les six derniers mois, plus de Rs 3 milliards pour payer les salaires, et les opérateurs ont déboursé, Rs 9 milliards. Ce modèle ne peut pas être maintenu plus de six mois encore sans revenus. C’est pour nous une urgence économique de revoir l’organisation de l’emploi, à côté des priorités qui restent l’amélioration continue de l’offre Maurice, face au défi de visibilité plus rude que jamais, et une ouverture des frontières dans des conditions attirantes pour le visiteur.

L’appel au partenariat, fondamental pour sortir de la crise, a été très bien reçu par le premier ministre adjoint et ministre du Tourisme, qui tient un langage similaire. C’est l’esprit de collaboration qui prévaut entre le public et le privé. Je suis convaincu que l’express peut contribuer à l’instauration d’un tel dialogue de qualité.

Très cordialement,
Jean Michel PITOT
Président, AHRIM