Publicité

MV Wakashio : Le respect, réciproque… le mépris aussi

25 août 2020, 08:37

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

MV Wakashio : Le respect, réciproque… le mépris aussi
Ces volontaires n’ont pas considéré s’ils étaient des patrons ou des cadres, ils n’ont pas considéré la couleur de leur peau ou encore leur appartenance religieuse, fait ressortir l’auteur.

À force d’entendre le Premier ministre et les membres du gouvernement parler d’experts – selon la presse, il y en aurait eu jusqu’à 107 venant de l’étranger –, j’étais dans l’attente d’un expert parmi mes compatriotes qui se- rait venu expliquer à la population comment les choses se présentaient. Nous aurons eu droit à l’assurance du Director of Shipping que le navire n’allait pas se disloquer, mais c’est bien ce qui a fini par se produire. Nous aurons eu droit aux initiatives des ONG et des volontaires qui, en l’absence de toute expertise, ont néanmoins développé des méthodes de défense efficaces. Mais nous aurons eu droit aussi à une expertise très inattendue : celle de l’expression de la condescendance et du mépris envers une population exemplaire dans sa mobilisation, généreuse dans l’effort et résolue à défendre le bien commun.

«Ces volontaires considèrent comme des «nuisances» ces députés et conseillers tout endimanchés qu’ils ont vu débarquer dans la zone sinistrée.»

Combien de temps le Wakashio aurait-il pu rester coincé sur les récifs sans que les vagues n’abîment sa structure ? Comme beaucoup de mes compatriotes, je ne suis pas expert et c’est bien pour cela que je me suis posé la question. La réponse a été fournie par les faits désastreux de la marée noire s’échappant du vraquier. Avec ces nombreux compatriotes, je me suis donc rendu sur un des sites où l’on confectionnait, de manière artisanale, des boudins pour retenir la marée noire.

Je ne suis pas expert dans la confection de boudins et, comme moi, je pense que ceux qui se sont précipités pour se rendre utiles n’avaient aucune expertise en la matière. Ainsi, en repensant à toute cette paille que j’ai placée dans les boudins improvisés, je me suis demandé pourquoi du côté du gouvernement on faisait tout un foin de cette question d’expertise.

J’ai des égards envers celles et ceux qui occupent certaines fonctions au niveau de l’État. J’éprouve beaucoup d’admiration pour les entrepreneurs qui assument leurs responsabilités sachant qu’ils ont non seulement des obligations de résultats financiers mais qu’ils ont à charge de pérenniser des emplois. Je fais montre de politesse et j’avoue mon respect plus spontané envers ceux qui assument les tâches les plus humbles et qui sont essentiels pour notre hygiène, notre santé, notre sécurité et notre accès à toutes les commodités qui rendent notre vie agréable et confortable. Cette fois, je me suis retrouvé parmi tous ceux qui se sont reconnus le devoir de participer à des tâches humbles comme celle d’entasser tout simplement de la paille afin de contribuer concrètement à la protection de nos côtes et de notre environnement.

C’est de cette position d’humilité que j’ai pu réaliser la portée véritable de ces propos venant du côté du gouvernement à l’égard des volontaires. J’ai pu constater et je ne peux ignorer ces attitudes qui ont bouleversé et heurté tous ceux qui avaient mis la main à la pâte. Trouver des volontaires «nuisibles» résume la vision que les conseillers de ce gouvernement entretiennent d’une population capable de se mobiliser spontanément pour dé- fendre ses ressources, pour se solidariser avec tous les riverains que cette catastrophe écologique affecte et pour se mettre au chevet de tous ces organismes qui participent à la biodiversité de notre pays.

Ces individus n’ont pas considéré s’ils étaient des patrons et des cadres qui allaient se retrouver avec les employés plus humbles de leurs entreprises ; ils n’ont pas considéré la couleur de leur peau ; ils n’ont pas considéré leur appartenance religieuse ; pas considéré s’ils avaient voté pour ce gouvernement ou pour ceux qui ont pour tâche d’animer l’opposition. Et c’est au moment où ils sont exemplaires qu’on ose manquer de considérations pour ces Mauriciens, estimant qu’ils seraient «nuisibles» !

Dans ma vie personnelle et professionnelle, comme aujourd’hui en qualité d’homme politique, j’ai pu me rendre compte comment une attitude respectueuse invite ceux qui nous côtoient à se montrer respectueux aussi. C’est la réciprocité qui donne cette dynamique à nos relations. Tout comme le respect, le mépris est aussi réciproque. De la même manière que l’on peut provoquer le respect, le mépris est une réponse à une provocation méprisante. Je comprends donc qu’à leur tour, ces volontaires considèrent comme des «nuisances» ces députés et conseillers tout endimanchés qu’ils ont vu débarquer dans la zone sinistrée.

Le Premier ministre demandait qu’on lui indique où est-ce qu’il aurait pu avoir fauté et qu’il présenterait ses excuses. Je n’aurais jamais pensé avoir à lui indiquer qu’il s’agissait là, venant de ses rangs, d’une faute. Elle était pourtant grossière. Le Premier ministre sachant ce qu’il devrait faire si on lui indiquait sa faute, je n’ai pas davantage d’indications à lui fournir pour la suite qu’il devrait désormais donner à cet outrage.