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Quand les 3-COM l’emportent sur l’efficacité

15 août 2020, 13:41

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Des caméras de surveillance dans le cadre du projet Safe City coûtant finalement quelque Rs 19 milliards ont aidé les autorités policières à engager des poursuites dans 101 cas de délit. Seulement 101 cas d’août 2019 à 10 août 2020 contre des investissements de plusieurs milliards ? 

C’est le Premier ministre et ministre de l’Intérieur lui-même qui a révélé ces chiffres suite à une question parlementaire own-goal d’une députée du MSM. C’est reconnaître que ces investissements à coups de milliards ne produisent pas des résultats, qu’il y a absence d’efficacité quelque part. Le PM a mis ce fiasco sur le compte de l’absence d’un logiciel de reconnaissance faciale dans le système. Donc, on peut investir des milliards dans des équipements mais pas quelques centaines de milliers de roupies dans le software

Mais qui se soucie du facteur efficacité si trois autres conditions sont réunies ? En fait, tout le système de gouvernement à Maurice est basé sur trois COM, à savoir les COMités des ministres, des conseillers et des fonctionnaires, la COMmunication du bureau du Premier ministre assurée grandement par la MBC et enfin le jeu des COMmissions. 

Les fameux comités officiels sont devenus une structure fondamentale dans l’administration publique à Maurice. Tout un modus operandi s’est développé depuis des décennies autour de ces fameux comités. Plus les comités sont nombreux, plus cela arrange les membres qui en font partie. Ils sont récompensés d’ailleurs pour leur attendance. C’est une grande occasion de détente qui permet au ministre et aux fonctionnaires de bouger, d’être véhiculés. Surtout, cela sert de prétexte pour une absence physique du bureau. On pourrait bien aller s’amuser dans un lodge quelque part mais officiellement la secrétaire dira que le boss assiste à un comité. 

Le comité accuse toujours un retard en attendant les délibérations. Temps pour les attendants zélés de placer tasse et soucoupe devant chaque membre, en commençant par le Chairman évidemment. Puis de petits plats pour les biscuits ou friandises. Ensuite les attendants se retirent. Maintenant, on commence par le premier item, l’approbation des ‘minutes’ de la réunion précédente. C’est l’occasion rêvée pour des membres qui aiment se faire remarquer. Donc, des propositions sont faites pour amender telle et telle phrase des ‘minutes’. Quelqu’un dira qu’il a été mal cité dans ses propos. Correction. Enfin on se met au travail. Lorsqu’on bute sur une difficulté, le Chairman demandera de revenir sur la question après qu’il aura recherché une policy guideline, c’est-à-dire consulter le ministre concerné et si c’est un ministre qui préside, il en discutera avec le Premier ministre. Les comités consomment une bonne part du temps que tout le monde consacre au service du peuple. Rarement sont des décisions prises. C’est toute une culture de dilly-dallying. Ainsi, puisque la catastrophe Wakashio domine l’actualité, il y a sûrement un comité du gouvernement concerné par la question. Eh bien, pas un comité mais quatre instances, comme l’a fait ressortir Philippe Forget dans un éditorial publié le 12 août 2020.

Ces quatre comités et plans d’action sont le National Oil Spill Contingency Plan, le National Disaster Risk Reduction and Management Centre, le National Emergency Operations Command et le National Crisis Committee. Résultat de l’action de ces quatre instances pendant le moment le plus fort du drame Wakashio ? Ce sont des volontaires qui se sont mis en action dans le Sud bien avant les membres des comités. 

Le gouvernement ne se fie pas seulement aux comités pour diriger. C’est là que vient le second pilier, la COMmunication à travers la MBC et mais aussi d’autres médias complaisants et une armée d’internautes qui sévit sur les réseaux sociaux ainsi que sur les sites des médias mauriciens. Le gouvernement veut contrôler et manipuler l’information. Ainsi dans la soirée du jeudi 13 août, quand la BBC décide d’interviewer Navin Ramgoolam, on débranche tout simplement ce média britannique du système de distribution par MyT à Maurice. Une fois l’interview de Ramgoolam passée, la BBC revient. Cette grossière manoeuvre a fini par convaincre tout le monde que l’interview du leader travailliste était beaucoup plus percutante que la prestation du Premier ministre aux mains d’une journaliste de la BBC la veille. 

Enfin, le troisième pilier, c’est le jeu des COMmissions. Ce qui explique les investissements massifs dans des méga projets comme le projet non rentable qui a pris le nom grandiose de Metro Express. On parlerait dans la même dimension du London-Glasgow Express qui part de la gare d’Euston. Les cinq milliards du stade de Côte d’Or témoin maintenant d’une culture de brède martin et de menthe. Les 19 milliards de Safe City. Les centaines de millions à des quincailleries et autres protégés dans l’octroi des contrats Covid-19. Si on expliquait le système mauricien à l’Américain James Carville, ancien conseiller de Bill Clinton, il aurait conclu sans la moindre hésitation, «it’s the commission, stupid !»