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Retour à quelques fondamentaux

22 juillet 2020, 07:31

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Retour à quelques fondamentaux

Quand on revoit ce qui s’écrit sur l’économie depuis bientôt six mois, on réalise que d’une manière ou d’une autre, on a largement dévié de l’ordinaire et du fondamental. 

À l’ombre du coronavirus, on a ainsi beaucoup barboté dans des discours de monétarisation de la dette et on s’est même fait plaisir en s’envolant en hélicoptère. Grâce à ces nouveaux «outils» et contre toute attente, le dernier Budget nous a été présenté comme étant en équilibre parfait, ne présentant aucun déficit pour la première fois depuis des décades ! Il n’aura fallu, pour cela, que quelques signatures pour que Rs 60 milliards fassent la route de la Banque centrale au Trésor public, dans une opération certifiée «one off». Le pays a aussi flirté avec le démoniaque : la taxe sur le chiffre d’affaires ; caressé, à coeur défendant, un Solidarity Levy de circonstance et été, jusqu’ici, peu émoustillé par les phéromones et le frou-frou promis par la CSG, estimant que l’organdi de contributions réduites et le parfum des promesses de 2023 masquaient de réelles insuffisances «cardiaques» – le coeur ne pouvant, selon toute probabilité, livrer autant d’oxygène qu’il en a été promis… En attendant toujours les explications détaillées ! 

Dès lors que cette folle valse de milliards faciles a peut-être engendré le sentiment que la donne a fondamentalement changé et que la lune pour tous, c’est du domaine du possible, il faut tout de même constater que l’indécrottable demeure (gaspillages, nominations népotiques, inefficiences, surfacturations, etc.) et que l’on occulterait les fondamentaux à ses risques et périls. Car il faudra bien redescendre sur terre éventuellement. 

Par exemple, nous vivons toujours dans un pays dont le déficit de la balance commerciale est insupportable et grandissant. Si la Banque centrale, on ne sait pour quelles raisons, ne publie plus de Quarterly Economic Reports depuis septembre 2019 ou de Financial Stability Reports depuis octobre 2019, son Monthly Statistical Bulletin de mai 2020, quant à lui, confirme l’énormité : alors que les importations progressent de Rs 172 milliards en 2014 à Rs 199 milliards en 2019 (+ Rs 27 Mds), nos exportations, elles, prenaient le chemin inverse, passant de Rs 95 milliards à Rs 79 milliards (- Rs 16 Mds). Qui croit que ce sera mieux cette année ? Le taux de couverture de nos importations passait donc, en cinq ans, de 55 % à 40 % seulement ! Jusqu’ici, ce «trou» était bon an, mal an, amorti, au moins en partie, par les gains «invisibles», principalement par les recettes touristiques, mais celles-ci seront réduites à l’épaisseur d’un «farata» en 2020 et cela étonnerait beaucoup que l’on retrouve les Rs 63 milliards de recettes brutes de 2019 avant 2023… D’autant que le secteur hôtelier affichait déjà Rs 34 milliards d’endettement fin 2019. Qui en parle ? Comment fait-on ? 

Deux vecteurs positifs aideront peut-être à nous rassurer ? D’abord, la balance des paiements, incluant les mouvements de capitaux, y compris ceux générés par l’offshore, a été très positive jusqu’en 2019 (+Rs 32,8 milliards cette année-là). Cependant, les véritables conséquences de notre présence sur la liste grise de la FATF et sur celle, franchement noire, de l’UE ne se feront voir qu’à partir de 2020… Ensuite, à la faveur de la débandade économique causée par le Covid-19, de nombreux prix de commodités, dont ceux du gaz et du pétrole, et de beaucoup de produits manufacturés sont en baisse, à la recherche de clientèle, refroidie ou grippée… Cela va, certes, être utile pour amortir les effets inflationnistes de l’érosion de la roupie face au dollar et à l’euro. Du moins pour quelque temps encore. 

Ne parlons pas de déficit budgétaire : il n’y en a plus pour l’heure ! Ni d’endettement : il n’y en aura pas plus pour le moment et on réduira même le volet de la dette en devises grâce aux Rs 18 milliards pompées du Special Reserve Fund en décembre ! Mais évoquons tout de même la productivité nationale sur la base des chiffres disponibles de 2019, puisqu’elle reste faible et inquiétante. En effet, si la progression de la productivité de la main-d’oeuvre a été de 2,5 % en moyenne entre 2009 et 2019, elle a chuté à 1,8 % l’an dernier. Pour la productivité du capital, c’est bien pire avec 0,1 % de progrès moyen entre 2009 et 2019 et une régression de 0,3 % l’an dernier. En conséquence, la productivité multifactorielle progresse mollement de 1 % l’an entre 2009 et 2019 et de 0,4 % seulement en 2019. Alors que la compensation salariale progressait, par contre, de 4,8 % et 2,5 % sur les périodes comparatives… 

Jusqu’à quand va-t-il être possible de défier la gravité ? Ou avons-nous aussi trouvé comment contrer nos pesanteurs, elles-mêmes ?

 

L'édito paru cette semaine dans Business Magazine