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Quand la politique a peur de la rue

19 juillet 2020, 09:57

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On se croirait au lendemain d’un meeting du 1er Mai ou encore en ces soirs de campagne électorale. On se croirait devant l’un de ces JT de la MBC qui, pour respecter son rôle servile, choisit des images manipulées des meetings de l’opposition ; l’objectif étant de favoriser le pouvoir. Quel Mauricien adulte n’a pas connu l’expérience de ces rendez-vous de 19h30 où la démocratie, l’honnêteté et l’intérêt public ne sont alors que des vains mots ? Tous les gouvernements ont fait de ces pratiques une réalité dégoûtante.

Samedi dernier, il ne s’agissait ni de meeting, ni de parti de l’opposition, ni de rassemblement politique, mais d’une marche pacifique de protestation citoyenne. Et pourtant ! Ne voilà-t-il pas que ce mouvement a reçu le même traitement qu’un parti d’opposition ? Au-delà de l’instrumentalisation qui est faite de la MBC, au-delà de ces images tripotées et faussées grossièrement sur ce mouvement citoyen salutaire descendu dans la rue pour faire entendre sa voix, au-delà de la tentative de réduire l’intensité de ce rassemblement populaire, l’on retient le signal envoyé : la politique a peur de la rue. Ainsi donc, le gouvernement du jour veut minimiser la force, l’énergie collective, voire l’influence des marcheurs du 11 juillet. Quel était le message du journal télévisé ce soir-là ? Que «le grand public n’était pas au rendez-vous», «qu’il n’y avait pas de foule monstre», faisait comprendre une voix off qui s’est prêtée sans honte à ce jeu malhonnête. Peut-on tomber plus bas ?

Heureusement que ceux qui y étaient ou les autres qui ont suivi ce rassemblement au travers des réseaux sociaux et sur les plateformes des médias indépendants savent que le compte-rendu de la MBC n’était qu’une manoeuvre indécente pour escamoter la vérité.

S’il est vrai que, souvent, ce genre d’appel à la manif ne traverse pas l’enthousiasme affiché par des internautes plus confortables à protester derrière l’écran d’un téléphone ou d’un ordinateur, cette fois, n’en déplaise au pouvoir, les citoyens sont sortis de chez eux et ont répondu présents. Qu’on le veuille ou non, il s’agissait bien, le samedi 11 juillet, de la démonstration d’une rue qui gronde, d’une conscience collective réveillée, d’un sursaut de quelques milliers de Mauriciens qui, ensemble, ont uni leurs voix plurielles en une seule. Dont l’écho est de dire non à une succession de décisions d’un gouvernement qui gagnerait à reconnaître ses dérives, ses scandales, ses nominations les unes plus écoeurantes que les autres. Entre la dernière choquante affaire qu’est celle de l’achat de médicaments, impliquant des proches du pouvoir, et l’incroyable nomination de l’ancienne députée Sandhya Boygah au poste de directrice du Mauritius Standard Bureau, le copinage rase tout sur son passage et ne laisse rien aux règles de la compétence et de la méritocratie.

Devrait-on s’étonner ? Oui, même si nous avons fini par nous habituer ! Devrait-on s’indigner ? Oui, et plus que jamais en ces moments où le gouvernement confond son rôle avec celui de propriétaire du pays, refusant de nous rendre des comptes devant nos interrogations légitimes sur l’utilisation de l’argent public et le principe de la bonne gouvernance. D’ou l’importance de tous les mouvements citoyens, que ce soit celui du 11 juillet organisé par le Kolektif Konversasyon Solider ou la rencontre prévue ce dimanche 19 juillet à Beau-Bassin par les responsables du groupe Affirmative Action avec, comme message, le besoin de respirer.

Dans un pays où l’on se dirige progressivement vers une politque de répression, quand le partage d’un mème du Premier ministre ne conduit pas en cellule, dans un pays où une PNQ est refusée pour des raisons absurdes, où des lois sont votées de manière inexplicable, dans un pays où les terrains à bail sont distribués aux amis tandis qu’on bulldoze les squats des malheureux, il n’y a que des voix citoyennes qui peuvent se constituer en mouvement et s’élever pour dénoncer des injustices. Le gouvernement a désormais un parti redoutable en face de lui : celui du peuple. Et qu’importe les manipulations d’images de la MBC, les faits sont là, réels, têtus. Et un mouvement solidaire est en marche…