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Comprendre comment décrocher la lune !

15 juillet 2020, 07:22

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Gentiment, jusqu’ici, le ministre des Finances a été prié, tant par l’association des actuaires que par plusieurs commentateurs passablement tracassés, y compris le soussigné, de partager son modèle de la CSG, ainsi que les chiffres qu’il a bien dû extrapoler dans la durée. Car, dans un environnement difficile, où nous utilisons ces jours-ci nos dernières cartouches budgétaires, il est crucial de pouvoir rassurer les contribuables, les compagnies du privé, les investisseurs, les bénéficiaires éventuels ainsi que le grand public de la justesse et de la fiabilité à long terme de son modèle.

Cette demande n’est pas saugrenue ! Elle relève du souci légitime, en démocratie, de COMPRENDRE ce qui nous est proposé et que l’on devra payer au cours des décades à venir, une fois la machine enclenchée. Et de comprendre pourquoi le secteur privé seul doit payer. Si le modèle tient la route, nous serons tous à même d’applaudir une idée géniale ainsi que son géniteur. Se taire, en la circonstance, prêterait à penser, soit, que le ministre, du haut de sa suffisance, ne considère pas qu’il doive des explications au public, pour convaincre, soit encore, qu’il n’est plus lui-même convaincu de son projet.

M. Padayachy ne doit pas faire fausse route : il a le devoir de nous convaincre, faute de quoi il saborde sa propre crédibilité et, partant, encore plus celle du gouvernement qui endosse tous ses plans.

Il profite ces jours-ci d’une accalmie relative alors que l’attention du public se tourne sur les achats improbables et donc douteux du ministère de la Santé pendant le confinement, l’affaire St Louis et les détails de ce qui s’est passé pour assurer le retour de Mme Kobita Jugnauth avant que Plaisance ne ferme ses portes. Mais il faudra bien qu’il s’explique en fin de compte, d’autant que la toile de fond des attentes de ce pays se fragilise de plus en plus.

Car il faut se faire une raison : nous sommes dans une spirale dangereuse de surenchère économique. Les promesses démagogiques, cela finit généralement par se faire payer. Cash. Mais un public à qui on promet la lune et à qui on donne la lune de temps en temps, sans ticket de caisse, finira par demander la lune, d’elle-même ! Le raisonnement est simple : si c’est tellement facile pour le gouvernement, il n’y a qu’à demander encore plus !

Si les Rs 500 d’augmentation de la pension, promis lors du dernier budget de Pravind Jugnauth en 2019 ont pu se transformer, le temps d’une élection six mois plus tard, en… Rs 3 200 de plus, sans casse aucune ; si c’est aussi facile de bénéficier de dons de la Banque centrale, entre autres, pour payer cette démagogie (à noter que la pension augmentée était immédiatement endossée, de manière très légère, par tous les adversaires politiques aux dernières élections) ; si l’on peut faire des dépôts avec des rendements mirifiques et invraisemblables à la BAI et être remboursé quand le château de cartes s’écroule ; si l’on peut promettre Rs 4 500 de pension de plus en 2023 et que tous ceux qui touchent moins de Rs 50 000 paieront moins qu’actuellement pour y accéder ; si l’on peut investir dans des projets qui coûtent des milliards sans se soucier des pertes engendrées (Safe City, Métro, Côte d’Or) ; si l’on peut ‘surgir du néant’ pour vendre au ministère des masques contre la Covid-19 valant Rs 90 à plus de 12 fois ce prix; si l’on peut payer Rs 476 millions d’avance à une compagnie espagnole qui n’a jamais publié de comptes depuis 2013 ; si le déficit budgétaire peut disparaître «comme ça» grâce à Rs 60 milliards de la Banque centrale et que ça ne coûte rien à personne, comment trouver drôle, ensuite, que «la rue» réclame un toit pour chaque famille (nombre ?, coût ?) ; une allocation chômage de Rs 12 500…, ce qui est plus élevé que même le salaire minimum de Rs 10 200 ; le gel des dividendes dans le secteur privé ; la garantie des emplois, des salaires et de la retraite (à 60 ans, s’entend ?) ; l’exemption du paiement de l’eau, du téléphone et de l’électricité pour six mois, quand on devient chômeur (et après six mois, ça deviendra plus facile ?).

On a vendu du rêve et on rêve aujourd’hui les yeux grands ouverts ! Pour les syndicats, la poire de circonstance doit être le secteur privé et Ashok Subron se base toujours, pour ce faire, sur un tableau produit par le ministère des Finances (voir Éditorial du 10 juin 2020, La Valse des Milliards et l’Euphorie de la Relance) qui indiquait, sans discernement aucun, sur les quatre années à juin 2019, des dividendes de Rs 130 milliards – dont Rs 110 milliards pour 2015/16 et 2016/17. Or, ces chiffres sont, nous l’avons déjà souligné, techniquement et légalement impossibles, puisque largement supérieurs aux profits de ces deux années, qui étaient de Rs 42 milliards seulement et même aux réserves de profits, soit environ Rs 45 milliards – qui augmentaient pourtant (c’est embêtant !) de Rs 10 milliards l’année suivante ! Le gouvernement, quant à lui, a cru trouver une solution en faisant payer un ‘solidarity levy’ aux 3 000 personnes touchant plus de Rs 3,0 millions par an, mais a dû reculer en partie en voyant les dégâts en résultant, comme il a déjà reculé sur son projet de taxe inique sur le chiffre d’affaires, sachant que Rs 25-30 milliards de profits annuels, c’était maigre (pour des actifs nets de Rs 1 300 milliards) pour être ponctionné sans casse additionnelle, en pleine crise post-Covid.

Demeure la CSG qui, jusqu’à preuve du contraire, ne tiendrait pas la route. Pour être crédible, il faudra bien expliquer, monsieur le ministre, et il faudra que ceux qui sont concernés comprennent. Est-ce trop demander ? Si ce l’était, il faudrait alors craindre le pire et continuer d’autant plus, à réclamer, vigoureusement et continuellement, la transparence requise en la circonstance !

C’est le minimum syndical.