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Après le coup C’velloo, pourquoi pas un spectaculaire lobbying en Europe ?

27 juin 2020, 10:09

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Après l’immense coup politique et stratégique réalisé par le Premier ministre en révoquant le puissant Ivan Collendavelloo, pourquoi ne pas monter une spectaculaire opération de lobbying international pour refaire l’image de Maurice dans le sillage de la décision de l’Union européenne (UE) de placer le pays sur la liste noire des centres de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme ?

En limogeant C’Velloo, Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) envoie un signal haut et fort et sans équivoque aux Mauriciens comme  à l’étranger qu’il n’est pas prêt à tolérer même un soupçon de maldonne de la part de ses ministres en attendant qu’une enquête puisse finalement incriminer ou disculper les responsables qui font face à des allégations de corruption. A l’UE, on va sans doute prendre bonne note de la décision du Premier ministre de révoquer son nº 2. Aussi étrange que cela puisse paraitre, on croirait que le Premier ministre et Ivan C’velloo se sont ligués pour tromper tout le monde. Car entre une simple démission de C’velloo et son fracassant limogeage, c’est PKJ qui en sort comme l’homme d’action ‘who means business, and no nonsense’.

Après l’épisode C’Velloo, avec les Rs 80 milliards déjà disponibles, Maurice ne manque pas de moyens financiers pour monter une opération de charme qui devrait cibler trois catégories de personnes en Europe. Tout d’abord, les 705 membres du Parlement européen. Puis les 3200 membres du secrétariat de  l’UE, avec bien sûr le secrétaire général et les sept directeurs généraux. La troisième catégorie comprend ceux qui façonnent l’opinion publique en Europe, à savoir les médias, les ONG et les célébrités.

L’opération devrait être menée tant en Europe qu’à Maurice même. En effet, le gouvernement mauricien, avec le concours des hôtels de luxe, des agences de voyage et des boîtes de communication, pourrait dans une première étape organiser des tournées d’information pour les 705 membres, le SG et les directeurs généraux. Ensuite, les fonctionnaires de Bruxelles. Parallèlement, les principaux médias tant  écrits qu’électroniques en Europe pourraient eux aussi faire l’objet de l’hospitalité légendaire de Maurice.

On peut comprendre la réticence de ceux opposés à l’idée de dépenser de l’argent sur des Européens car ils préfèreraient débloquer des fonds publics sur des contracteurs de grands travaux avec de généreuses ponctions de frais et de commissions.  Une telle opération de relations publiques, à première vue, ne semble pas tellement génératrice de récompenses directes. Il faudrait dans ce cas prendre en considération deux facteurs. Tout d’abord, en gagnant l’Europe à sa cause, Maurice entend récolter énormément dans les années à venir alors que la liste noire pourrait bien assombrir l’horizon et s’avérer fatale éventuellement. 

Ensuite, une vaste opération de communication avec des milliards mis à contribution génère elle aussi un spin-off très rentable. On l’a d’ailleurs constaté avec le Film Rebate Scheme. Par exemple, suivant un appel d’offres, une compagnie hôtelière pourrait remporter le contrat pour l’hébergement fastueux des Européens des trois catégories visées. Une agence de voyages (même une toute nouvelle montée par un Zanfan LaKwizinn) pourrait bénéficier du contrat de  déplacement de ces Européens. Une agence de communication ou divertissement pourrait être chargée de rendre le séjour des Européens aussi fastueux que possible, allant de l’accueil à la salle des VIP au départ du même endroit plus tard après un séjour mémorable.  

Le climat de ‘jalsa’ (fête) mauricien est capable de pousser à l’extase tout visiteur reçu,  tous frais payés par le gouvernement. Les étrangers sont vite séduits par la joie de vivre mauricienne. Rares sont ceux comme ce ministre des Caraïbes, ex-professeur d’université,  qui s’exclama ‘don’t you have rhum and coke in this bloody island ?’ quand son guide local (escort officer) lui offrit  un choix de champagne,  scotch, vin et bière dans la salle des VIP à Plaisance. Des officiels ont aussi constaté le désarroi d’un invité,  qui en voyant des femmes fonctionnaires légèrement voilées,  demanda à son escort officer en marchant vers la salle des VIP si Maurice était un Etat islamique. Il avait momentanément craint d’avoir à affronter un séjour totalement  ‘dry’ dans Paradise Island. 

Maurice a acquis une vaste expérience dans l’accueil grandiose des invités étrangers. Cela a commencé avec la mémorable conférence de l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM) en 1973. Depuis, tous les séjours organisés par le gouvernement ont été gracieusement apprécies par les invités de marque, surtout d’Europe et d’Afrique. Le programme comprendrait des visites, des rencontres et un copieux et bien arrosé déjeuner dans la première partie de la journée et dîner officiel le soir. Evidemment, des spectacles de sega  accompagneraient les dîners. Les Européens seront invités individuellement à monter sur piste pour être initiés à la belle danse qui fait partie de l’ADN des Mauriciens.  

 Il faudrait après le déjeuner prévoir beaucoup d’heures libres pour les visiteurs pour qu’ils apprécient les bienfaits d’une bonne sieste ou goûter aux attraits paradisiaques de l’île ou encore s’adonner aux sports nautiques dont la plongée ou la marche sous-marine.  Chaque délégué serait accompagné de son escort officer et d’une hôtesse.   

Une visite au Parlement devrait constituer un moment fort de la visite des Européens. Le Speaker éviterait évidemment de se comporter en bouncer enhardi par un régime de chopine-six. Trouvera-t-on quelqu’un pour lui conseiller de boutonner  sa veste comme tout homme cultivé ? Le coté bouncer temporairement caché, le speaker éviterait d’expulser quelqu’un de l’opposition. Mais le gouvernement se retrouverait gagnant même s’il  y ait  bagarre durant la présence des Européens. En effet, tout incident verbal serait vendu par le gouvernement comme signe de la vivacité de la démocratie parlementaire. Et si tout le monde se comporte en bon enfant, on dirait aux Européens que la démocratie parlementaire a atteint la maturité à Maurice.     

Dans la première partie du programme des Européens, on s’arrangerait pour que les responsables des institutions financières, des organes de supervision et des agences de répression de la fraude les rencontrent pour leur expliquer avec des données techniques comment Maurice a été victime d’un malentendu. 

En Europe même, Maurice, après le coup du Lord Desai,  doit pouvoir embrigader des personnalités de marque comme Amal Clooney  à qui on donnerait le contrat légal pour répondre aux soucis de l’UE. Aussi, des vedettes sportives et des célébrités du monde du spectacle pour chanter la gloire de Maurice dans des clips publicitaires diffusés sur des médias d’Europe. Le  script pourrait être sous-contracté à des génies de la communication qui soutiennent le gouvernement. Tel ce jeune homme (que sir Anerood Jugnauth prend pour une fille) qui avait presque réussi à vendre le message que le Père Laval avait béni Pravind Jugnauth dans le cadre de son procès devant le Privy Council à Londres. 

Le message central destiné aux Européens serait que Maurice, un pays noir, a été victime d’un malentendu de la part de l’UE. Dans un environnement dramatique dominé par le phénomène Black Lives Matter et la démolition des statues en Europe, la campagne pro-île Maurice-noire serait couronnée de succès. 

Une telle opération visant à redorer l’image internationale de Maurice  couterait  énormément mais notre pays dispose de moyens considérables. L’île a bien pu se payer des caméras pour le Safe City et cela en dépensant pas moins de Rs 19 milliards.  Des caméras qui hélas! sont plus que ‘voleurs-friendly’ à en juger rien que par les vols généralisés de légumes partout dans le pays. Pourquoi alors faire des économies de bouts de chandelle ? Surtout quand la réputation de l’Etoile et la Clé de l’océan Indien est en jeu à cause des méchants européens et que nous risquons maintenant de se voir coller le vilain label de Zimbabwe-sur-Mer ?