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Allègement et déconfinement

17 avril 2020, 07:02

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Le monde serait-il en train de retrouver le sens du mot «solidarité» ? En tout cas, il y a des signes prometteurs tandis que l’économie mondiale est en arrêt-maladie, et que le nombre de contaminés à travers le monde a dépassé la barre des deux millions (ce nombre ne reflète, cependant, qu’un pourcentage du nombre réel de contaminations puisque la plupart des pays, y compris Maurice, ne testent que les cas nécessitant une prise en charge hospitalière ou indiqués par le «contact tracing»). Pour panser les maux économiques associés au virus, les ministres des Finances du G20 sont tombés d’accord, mercredi, sur une suspension partielle du service de la dette de 77 États à bas revenus, à hauteur de 14 milliards de dollars, sur un total de 32 milliards de dollars ; Maurice, qui n’est pas concerné, en raison de son PIB relativement supérieur, fait, en revanche, appel à d’autres plans d’assistance financière (FMI, Banque mondiale, AFD, Inde et Chine). Cette entraide, bienfaisante, est une avancée formidable en termes de diplomatie économique. Qui va impacter sur les moyens de subsistance – et de survie – de centaines de millions de personnes les plus vulnérables.

Sentant la pression intenable générée par les inégalités criardes du modèle capitaliste, les deux institutions de Bretton Woods poussaient, depuis plusieurs semaines, pour un moratoire sur les remboursements de la dette pour 25 pays, la plupart situés en Afrique. Afin précisément de laisser aux pays vulnérables quelques marges de manoeuvre financières pour investir dans la protection sanitaire de leurs populations.

Au début de la semaine, le FMI avait revu les chiffres de croissance à la baisse : notamment une récession mondiale de 3 % cette année – et une contraction de 6,8 % pour l’économie mauricienne. C’est gravissime ! Ces prévisions ont été élaborées sur la base d’un retour à la normale d’ici fin juin, avec un déconfinement total au second semestre de 2020. Il est utile de noter que, dans son rapport sur les perspectives mondiales qui demeurent encore incertaines, le FMI table sur trois évolutions alternatives à ce scénario de référence. 1) La première hypothèse évoque une pandémie non jugulée d’ici fin juin, qui obligerait les pays à maintenir le confinement, un trafic aérien et maritime réduit, et la fermeture des commerces non essentiels. Dans un tel scénario, le PIB mondial se contracterait de 6 % au lieu de 3 % ! 2) Le deuxième scénario envisage une seconde épidémie survenant en 2021, mais moins importante que la pandémie de cette année. La reprise économique mondiale serait alors d’environ 0,8 %, contre les 5,8 % prévus. 3) Troisième scénario : un mix des deux premiers scénarios : c’est-à-dire une extension de la paralysie de l’activité et du confinement au second semestre suivie d’une seconde épidémie survenant en 2021. Au lieu d’avoir un rebond en 2021, la récession se poursuivrait, avec une contraction d’environ -2,2 %. «Les trois scénarios contiennent quatre éléments communs», a précisé le FMI, «impact direct des mesures visant à contenir la propagation du virus ; le resserrement des conditions financières ; des mesures politiques pour soutenir les revenus et assouplir les conditions financières ; et les cicatrices laissées par la dislocation économique que les mesures politiques ne sont pas en mesure de compenser complètement». 

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En attendant que le pic de la pandémie passe, chez nous comme à l’international, nombre d’intellectuels sont plus convaincus que jamais que le modèle actuel, fondé sur la croissance économique et le libre-échange globalisé, s’effondre – d’où les actes de solidarité déclenchés par les institutions qui incarnent le système depuis la fin de la deuxième Guerre Mondiale. Sur les interrogations relatives à la sortie du confinement se greffent des questions capitales sur le fonctionnement de nos économies et de nos sociétés. Le Covid-19 va-t-il refonder le modèle économique en générant des mesures jusqu’alors impensables, impensées ? Le chamboulement de nos certitudes, schémas et valeurs est-il annonciateur du fait que les prémisses d’un monde nouveau, ou d’un mirage passager, sont déjà là ? Si de plus en plus de discours, au niveau stratégique, insistent sur l’«économie inclusive», la feuille de route pour un maillage véritable demeure floue, voire incertaine, pour l’heure.

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Alors que l’on pensait que le gouvernement mauricien avait mieux à faire, en attendant le rappel du Parlement et l’amendement des textes législatifs post-Covid-19 (comme l’a fort bien expliqué Maneesh Gobin à la télé, hier), ne voilà-t-il pas que la police trouve le moyen d’arrêter une citoyenne qui a fait circuler un post humoristique. Se prévalant de la loi que nous a léguée l’ex-vice-président Barlen Vyapoory pour contrôler les réseaux sociaux, la police n’arrive manifestement pas à faire le distinguo entre l’humour (du post de Rachna Seenauth, proche de l’ancienne présidente Ameenah Gurib-Fakim) et les «fake news». Bien évidemment que personne n’avait cru que Donald Trump et Boris Johnson allaient appeler Pravind Jugnauth pour lui demander conseil sur comment guérir du Covid-19, comme le président de Madagascar l’aurait fait. En tout cas, après l’IBA qui a tenté un règlement de comptes politique contre Top FM, voilà l’ICTA qui donne un autre exemple d’une institution, supposément indépendante, financée par nos sous, qui se comporte comme un agent politique, à la solde de ceux qui l’ont nommés. Heureusement qu’il y a encore la Cour suprême comme rempart. À ce propos, saluons le courageux jugement du chef juge, Eddy Balancy, et de la juge Seetohul-Toolsee qui ont, grâce à la visioconférence, pu trancher durant cette période de confinement en faveur de la liberté de la presse. De quoi inspirer nos parlementaires pour un retour à la normalité, grâce aux nouvelles technologies, afin que la démocratie soit déconfinée….