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Coopération: l’AFD organise une Journée biodiversité à Maurice

21 février 2020, 10:27

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Coopération: l’AFD organise une Journée biodiversité à Maurice

L’Agence Française de développement (AFD) nous en dit plus sur les projets menés à Maurice pour la sauvegarde de nos ressources naturelles. À Maurice, l’AFD est d’abord intervenue sous forme d’aides budgétaires, globales puis sectorielles, avant de financer de grands projets d’infrastructures. Aujourd’hui, ses interventions s’inscrivent dans le cadre de son mandat de croissance verte et solidaire et de l’agenda climat pour respecter son engagement d’être 100 % compatible avec l’accord de Paris sur le climat. Elle y intervient essentiellement sous forme de prêts, accompagnés en subventions d’études, d’expertise technique et de renforcement de capacités. Maurice reste ainsi éligible à plusieurs instruments en subvention et l’AFD apporte également son soutien technique et son expertise interne. Afin de poursuivre ses actions sur la biodiversité à Maurice, l’AFD lance une première initiative avec l’organisation d’une journée de réflexion et d’échanges sur la biodiversité terrestre et marine, le 27 février, à laquelle tous les acteurs mauriciens qui œuvrent pour la biodiversité ont été conviés

La France, à travers l’AFD, a accompagné le pays sur les dernières années dans son ambition de devenir une île durable. Grâce à l’accréditation obtenue auprès du Fonds vert pour le climat en 2015, l’AFD s’est engagée à financer la lutte contre le changement climatique sur le long terme. De ce fait, depuis 2015, l’AFD a pour objectif d’accompagner Maurice vers un modèle de développement plus inclusif, plus respectueux de l’environnement et plus résilient aux chocs externes et aux effets du changement climatique.

La stratégie d’intervention à Maurice se décline en trois objectifs opérationnels et un objectif transversal. Il s’agit donc : i. d’améliorer la qualité des infrastructures et des services publics marchands, ii. d’accompagner les acteurs économiques vers un développement plus respectueux de l’environnement et sobre en carbone, iii. de renforcer la résilience de Maurice aux effets du changement climatique et iv. de renforcer l’intégration et la coopération régionales.

Au-delà de cette stratégie locale, les îles de l’océan Indien partagent des richesses et sont liées par des enjeux communs de développement plus inclusif et respectueux de l’environnement naturel. Parce que l’accélération des mutations du monde impose d’agir au niveau régional, où chaque territoire trouve intérêt à collaborer, le groupe AFD renforce ses capacités d’appuis dans l’océan Indien en créant une direction régionale. Lancée en septembre 2018, la direction régionale océan Indien couvre à partir de La Réunion, les agences locales de l’AFD installées à Port-Louis, Moroni, Mamoudzou, Antananarivo et Saint-Denis.

Grâce à ses agents répartis sur cinq territoires où ils sont pleinement investis dans leur mission de développement, la direction régionale est au cœur des partenariats locaux et régionaux qu’elle suscite ou accompagne pour accentuer les dynamiques de coopération régionale. Le Groupe AFD, avec ses filiales Proparco et prochainement Expertise France, se donne les objectifs suivants : 1. Encourager le développement durable des filières de l’économie bleue, verte, circulaire par une approche écologiquement responsable. 2. Construire des sociétés inclusives au service des populations. 3. Favoriser un cadre de gouvernance publique plus protecteur. 4. Faciliter l’intégration des îles françaises de la zone dans leur bassin.

Suivant ces lignes directrices, l’AFD Maurice a ainsi offert son soutien financier à différents projets ayant comme finalité la sauvegarde de notre biodiversité ainsi que la lutte contre le changement climatique. Parmi les projets en cours, l’AFD finance notamment le secteur privé, au travers d’une ligne de crédit verte de 75 M€, communément appelée SUNREF 3. Ce projet destiné aux banques mauriciennes, dont la MCB et la SBM, a pour vocation d’octroyer des prêts aux entreprises du secteur privé ayant des projets verts ainsi que ceux favorisant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en subventionnant partiellement les investissements correspondants.

L’AFD apporte également son soutien au secteur de l’énergie et finance en partie la modernisation du réseau électrique du Central Electricity Board (CEB) pour 16,5 M€. Ce réseau pourra ainsi faire face plus efficacement aux contraintes liées à l’intermittence des énergies renouvelables solaires et éoliennes en cours d’installation. La Facilité Adapt’Action bénéficie à deux organisations régionales (dont la Commission de l’Océan Indien) et 13 pays dont des États insulaires en développement, telle que l’île Maurice. Cette facilité est financée par l’AFD pour un montant total en subvention de 30 M€ (2 M€ environ bénéficiant directement à la République de Maurice). Cette Facilité vise à accompagner la République de Maurice dans la mise en œuvre des engagements climat qu’elle a pris dans le cadre de sa contribution déterminée au niveau national (CDN ou «NDC» en anglais), notamment sur la thématique de l’adaptation.

Les appuis sont déployés selon différents axes d’intervention en vue de renforcer la gouvernance climat, intégrer les enjeux d’adaptation au changement climatique dans les politiques publiques sectorielles et appuyer la préparation de projets structurants (notamment liés à la réduction du risque de catastrophes et à la lutte contre les inondations). La 2ème phase de l’appui en cours (baptisé «Enhancing Resilience to Climate Change in Mauritius») a notamment pour objectif d’accompagner la «Land Drainage Authority» dans l’élaboration de son schéma directeur de drainage (ou «Land Drainage Master Plan»).

En lien avec la biodiversité, l’AFD a financé entre 2014-2018, un projet régional porté par la Commission de l’océan Indien (COI). Le projet gestion durable et appui à la conservation du milieu marin avait pour objectif de consolider, capitaliser et diffuser des démarches de terrain dans les domaines de la gestion intégrée des zones côtières (GICZ) et de la protection de la biodiversité marine et côtière. Il a permis de développer des bonnes pratiques de GICZ sur 3 sites pilotes homogènes, les îles de Mohéli (Comores), Rodrigues (Maurice) et Sainte-Marie (Madagascar).

Toujours sur le plan régional, un nouveau projet, Résilience des écosystèmes côtiers, porté par la COI à hauteur de 10 M€ (Fonds français pour l'environnement mondial pour 1,5 M€ et AFD pour 8,5 M€) est en cours de lancement. Il a pour but de soutenir une dynamique régionale de mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national dans les pays de la COI. Il contribuera à la mise en œuvre d’actions prioritaires en matière d’adaptation au changement climatique, y compris des solutions fondées sur la nature, en déployant des ressources financières et des compétences techniques et scientifiques à même de promouvoir la résilience des écosystèmes côtiers et l’adaptation des populations aux effets des changements climatiques.

La plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), au travers de son rapport publié en mai 2019, confirme le déclin de la nature avec un taux élevé d’espèces disparues et une accélération dans le processus d’extinction. Ce rapport alarmant n’épargne pas Maurice qui se trouve au cœur d’un point chaud (hot spot) de la biodiversité avec un taux d’endémisme élevé. En effet, sa biodiversité indigène est menacée par les espèces envahissantes et le surdéveloppement. Avec moins de 4 % de la forêt indigène présente et moins de 25 % des coraux vivants, il est impératif de se mobiliser pour protéger la biodiversité à Maurice, conserver et restaurer ses écosystèmes.

Dans ce contexte, la journée de réflexion du 27 février a pour objectif de : - faire porter le sujet de la biodiversité en haut de l’agenda mauricien suite aux élections législatives à Maurice et dans le cadre du Congrès mondial de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN), à Marseille, en juin 2020 et de la COP15 Biodiversité à Beijing en octobre 2020, - faire parler du sujet biodiversité (acteurs publics, acteurs privés, étudiants, chercheurs, etc.), - rassembler les acteurs de la biodiversité pour permettre des rencontres et échanges d’informations et de bonnes pratiques, - illustrer des actions exemplaires déjà mises en place par les acteurs locaux. - permettre aux acteurs mauriciens de s’engager en faveur de la biodiversité et de lancer de nouvelles actions pour sa sauvegarde.

À l’issue de cette journée, une feuille de route reprenant les conclusions et recommandations de la journée sera proposée et elle permettra de poursuivre les échanges et définir des actions prioritaires sur la biodiversité terrestre et marine pour Maurice.

Le groupe Agence française de développement (AFD) est un établissement public qui met en œuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Sa mission est de contribuer au progrès économique, social et environnemental des pays à revenus faibles et intermédiaires. Ces objectifs sont mis en œuvre au travers de projets et programmes financés sous formes de prêts, de subventions, de garanties, de capital, d’expertise ou encore d’assistance technique. Le groupe AFD a une filiale, PROPARCO, dédiée au financement des acteurs du secteur privé. Il se dotera début 2021 d’une deuxième filiale, Expertise France, pour traiter des questions d’expertise et de renforcement des capacités. Le groupe compte 85 agences dans le monde, il finance et suit plus de 4 000 projets et programmes de développement au niveau international.

Les enjeux de la biodiversité et du climat à Maurice

Avis d’experts

Un panel de trois professionnels spécialisés dans la biodiversité terrestre et marine ont répondu à quelques questions. Le panel est constitué de : 1. Audrey d’Hotman de Villiers, consultante chez Rogers and Company Limited, 2. Vincent Florens, Professeur associé d'écologie du Département des biosciences et des études océaniques à l’université de Maurice 3. Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur en environnement.

Maurice constitue l’un des 34 «points chauds» de la biodiversité planétaire. Quel est le constat fait à Maurice par rapport à l’état de nos différentes espèces de plantes et d’animaux ?

Vincent Florens :

Pour bien contextualiser, un point chaud de biodiversité est une région de la planète où se combinent deux choses distinctes : une biodiversité unique (endémisme) et importante, et des menaces d’origine humaine suffisamment fortes pour mener à sa destruction. C’est donc avant tout une région de la planète où les actions de conservation sont prioritaires et urgentes. Avec Madagascar et les autres îles du sud-ouest de l’océan Indien, Maurice se trouve effectivement dans un de ces points chauds de biodiversité.

Notre pays a été un des derniers territoires à être colonisé par les humains, mais a atteint un des taux de destruction des habitats les plus élevés au monde. Nous avons donc été très rapides et extrêmes dans la destruction des habitats naturels. Il ne nous reste que 4,4 % d’habitats terrestres d’origine, ou 1,9 % (en 1997) si on ne compte que les zones les mieux préservées (c’est-à-dire où la végétation a un lieu donné, est constituée d’au moins 50 % de couvert indigène, le reste étant constitué de plantes envahissantes).

Cette faible surface d’habitat indigène qui survit continue à décroître par la déforestation, souvent illégale, mais surtout par la dégradation causée par les plantes et les animaux envahissants. Par exemple, dans la forêt de Macchabé, malgré son statut de forêt protégée, en 68 ans, nous avons perdu environ la moitié des arbres indigènes (diamètre de tronc ≥10 cm). La protection seule est donc insuffisante. Il faut impérativement une gestion de ces espaces pour réduire l’impact des espèces envahissantes.

Cette gestion se fait déjà, mais sur des surfaces relativement faibles : pendant que nous restaurons 1 hectare, ailleurs, 20 hectares se dégradent avec l’arrivée d’espèces envahissantes. Mise à part une minorité d’espèces comme la Grosse Cateau, le Café Marron de Rodrigues ou encore la Chauve-Souris de Rodrigues, pour qui la situation s’améliore grâce aux efforts de conservation, il est indéniable que la grosse majorité de nos espèces indigènes est en déclin et risque de s’éteindre.

Qu’en est-il également de notre écosystème marin ?

Vassen Kauppaymuthoo :

Maurice fait aussi partie des 11 points chauds de biodiversité marine avec 160 genres de systèmes récifaux et 535 espèces d’algues, 163 espèces de coraux et 808 espèces de poissons. Malgré ces chiffres élevés, beaucoup d’espèces marines restent encore à découvrir. Notre écosystème marin a aussi subi beaucoup de pression des activités terrestres et marines, avec le ruissellement des herbicides et des pesticides, la décharge d’eaux usées peu ou pas traitées dans les lagons et une pression démographique, industrielle et touristique croissante sur nos écosystèmes. Toutes ces pressions en sus des effets globaux du changement climatique ont causé la mort de près de 80 % de nos récifs coralliens qui sont la base de notre écosystème marin.

Quel impact cela causera sur la population et l’économie du pays sur le long terme ?

Audrey d’Hotman de Villiers :

La dégradation de notre biodiversité cause déjà un déséquilibre de nos écosystèmes environnementaux et sociaux et donc de notre économie. De fait, la réduction des surfaces vivantes au profit des surfaces mortes (incluant les surfaces plantées, mais qui ne sont pas des écosystèmes auto-régénérateurs, l’asphaltage des parkings et des cours, etc.) entrainent environ 2 milliards de roupies de surcoût à l’économie mauricienne chaque année : en exemple, les réparations des dégâts d’inondations, la construction continuelle de drains pour compenser les pertes de bassins naturels de rétention; les coûts des travaux d’infrastructures pour l’adaptation au changement climatique, les travaux de ralentissement de l’érosion de nos plages, etc.

Vassen Kauppaymuthoo :

L’économie et même la survie de l’humanité sont directement liées à l’état de santé de la biodiversité terrestre et marine, qui atténue les effets du changement climatique gratuitement et efficacement, qui nous fournit notre nourriture, notre oxygène, mais aussi les solutions liées aux grandes souffrances de notre monde comme des remèdes contre le cancer, de nouveaux antibiotiques, anti-inflammatoires ou antiviraux. Savez-vous que de nombreux médicaments ont été fabriqués à partir d’animaux marins, pour lutter contre les infections bactériennes et même contre des virus comme le SIDA ? Toutes ces solutions sont contenues dans des molécules fabriquées par des coraux, des éponges, des mollusques et d’innombrables espèces marines et terrestres qui ont su, à travers l’évolution, fabriquer des remèdes naturels dont nous, humains, avons aujourd’hui besoin. Détruire la biodiversité, c’est détruire nos espoirs et les remèdes aux grands maux de notre planète et des humains.

Vincent Florens :

Les impacts négatifs, déjà visibles, continueront à s’intensifier sur le long terme sauf si la situation environnementale est prise bien plus au sérieux qu’elle ne l’est jusqu’à présent. Les services écosystémiques rendus par nos habitats naturels continueront à décroître, résultant par exemple en sècheresses et inondations devenant encore plus sévères et fréquentes, en une recrudescence des maladies dans l’agriculture et la santé (par exemple la population de chauve-souris insectivore qui contrôle les insectes nuisibles a chuté d’environ 80 % depuis environ 25 ans), en érosion et perte de fertilité des sols, en dégradation des récifs coralliens et d’autres écosystèmes marins, en une perte de résilience face aux chocs environnementaux, etc.

L’économie souffre évidemment déjà beaucoup mais le déficit d’évaluation de ces coûts, qui, quand ils sont estimés dans d’autres pays sont phénoménaux, contribuent beaucoup à entretenir le manque de mesures fermes et décisives pour réparer les dégâts et renverser la tendance. La sauvegarde de notre biodiversité est possible uniquement par la prise de conscience de cette richesse unique par tout un chacun et au travers d’un changement de comportement et d’une mise en action individuelle et collective.

Auriez-vous quelques astuces pratiques à conseiller aux Mauriciens ?

Audrey D’Hotman de Villiers :

Les astuces sont très simples :

1. S’éduquer et éduquer ses enfants à la richesse de notre biodiversité et des services que les écosystèmes nous rendent afin de les protéger.

2. Cesser de consommer de la manière la plus radicale possible en cherchant le moins cher, le jetable, le plus fashion, le suremballage, le tout cuit/tout préparé, etc.

3. Encourager les industries locales et ONG soucieuses des principes de développement durable comme les recycleurs de déchets triés, les réparateurs d’appareils, le recyclage de vêtement et de nourriture, la minimisation des emballages et des énergies polluantes, etc.

4. Éviter au maximum l’artificialisation des surfaces. Privilégier, même pour les surfaces de parking et de cours, une couverture végétalisée. Supprimer les clôtures en dur.

Vassen Kauppaymuthoo :

La prise de conscience selon laquelle nous faisons partie intégrante de la nature est primordiale. Nous avons oublié ce lien intime qui nous rattache à la biodiversité, à nos écosystèmes et nous n’hésitons plus, aujourd’hui à détruire la nature pour des gains financiers ou même notre propre confort. Pourtant, nous sommes une forme de vie, et nous avons évolué dans la nature, faisant partie de cette même nature.

Il nous faut reconstruire ce lien avec la biodiversité terrestre et marine en faisant quelques gestes importants : 1. Apprendre à respecter notre environnement en évitant de polluer et de détruire la nature. J’ai remarqué que la problématique des déchets est importante et que l’on ne cesse de jeter dans les terrains vagues ou les forêts ainsi que les zones environnementalement sensibles. 2. Créer une nouvelle relation avec la nature, comprendre l’importance de chaque plante, chaque insecte, chaque poisson, chaque corail dans cette grande chaîne de la vie, et favoriser le développement d’une agriculture biologique sans pesticides ou herbicides, ainsi que la mise en place d’espaces verts. Si chaque Mauricien plantait un arbre, de préférence endémique, qui pousse gratuitement, dépollue l’air et produit de l’oxygène et des fruits, nous redeviendrons un pays vert. 3. Réfléchir sur l’avenir: nous avons oublié le rôle que nous jouons sur l’avenir de nos enfants. La biodiversité est une richesse inestimable qui déterminera la qualité de vie de nos enfants et des générations futures. Il nous faut comprendre, transmettre et agir !