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Tracasseries électorales et économiques

30 novembre 2019, 07:15

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Tracasseries électorales et économiques

Ça ne s’arrête pas. Nous avons receptionné hier après-midi un autre de ces bulletins de vote, avec trois cases cochées, qui n’ont pas été comptabilisés. C’est le quatrième bulletin qu’on retrouve dans la nature, celui-ci trois semaines après le décompte des voix ! Combien d’autres existent-ils ? Pourquoi font-ils surface un à un ?

Cette situation ne peut qu’approfondir davantage le doute qui s’est installé. Même Irfan Rahman, que nous avons contacté hier, semble être dépassé par cette situation inhabituelle.

La dizaine de pétitions électorales, logées en Cour suprême cette semaine, et les bulletins ou registre électoral qu’on retrouve çà et là, alors qu’ils étaient surveillés par un impressionnant dispositif de sécurité, ne sont pas des signes de mauvais perdants ou de bons gagnants. Ils révèlent un mal plus profond, qui ne peut qu’entacher nos institutions qui veillent au bon déroulement de nos élections… Ces éléments troublants méritent, audelà de la décision de la Cour suprême, une enquête approfondie puisque de multiples acteurs sont concernés, et surtout, puisque cela touche le cœur même de notre démocratie. Souhaitons qu’on puisse y voir plus clair afin que le blues post-électoral s’efface, enfin…

Les liens entre l’économiste et le politique sont connus. L’économiste étudie les phénomènes sous le point de vue de sa science et le politique utilise les arguments des économistes pour développer sa propre synthèse économique.» C’est ce qu’expliquait Renganaden Padayachy, alors First Deputy Governor de la Banque centrale, dans une interview à Business Magazine, en juin 2019. Aujourd’hui, devenu politicien et ministre des Finances, il doit mieux réaliser l’écart entre le discours théorique et les faits politiques.

Malgré sa courtoisie et son envie empathique de bien faire, et de réduire les inégalités (son grand dada à la Piketty), Padayachy – qui a annoncé fièrement que le PIB franchira la barre des Rs 500 milliards cette année et que seule la croissance pourrait réduire les inégalités – s’est fait gentiment ramasser, hier, par les syndicats. Ceux-ci ont rejeté sa compensation salariale de Rs 200 (proposée après discussions et calculs) et ont préféré rencontrer son patron (le Premier ministre), qui devait, alors, annoncer, au final, une compensation de Rs 300. La logique politique a pris le pas sur la sagesse économique.

En 2019, les solutions domestiques, générées par des consultations tripartites, ne suffisent plus. Patronat, syndicats et gouvernement, chacun va essayer de tirer son épingle du jeu sans évoquer, par exemple, le lien entre la productivité qui stagne ou progresse trop mollement par rapport aux salaires qui sont, eux, en évolution constante.

Prenons le secteur textile par exemple. Un fait mondial, depuis 2015 : plus de 25 % de la totalité des biens manufacturés produits dans le monde le sont par la Chine, condamnant les autres pays à se partager le reste dans un marché hypercompétitif. L’autre réalité c’est que les entreprises, jadis séduites par une main-d’oeuvre bon marché et malléable, ont déjà commencé à se tourner  vers des destinations où elles peuvent tirer un meilleur parti des nouvelles technologies (robotique de pointe, impression 3D, Internet des objets qui révolutionnent les procédés de fabrication et qui réduisent le poids relatif des salaires, fixés ou pas).

Ainsi l’annonce, disons, du patron de la CMT, menaçant de licencier 5 000 employés sur le moyen terme, provoque un glissement de la roupie face au dollar (...) En d’autres mots, les propos d’un grand exportateur ont plus d’effets sur la roupie qu’une baisse du taux directeur par le comité de politique monétaire… L’économiste Eric Ng aime faire ressortir que la délocalisation des entreprises locales vise, entre autres, à contrecarrer des prix élevés et inflexibles sur le marché du travail, tel le salaire minimum – aujourd’hui fixé à Rs 10 200.

Une lecture qu’on recommande humblement au Docteur Padayachy : State Strategies in the Global Political Economy, de Ronen Palan, Jason Abbott et Phil Deans, qui ont étudié les stratégies compétitives des États face à la mondialisation économique. Ceuxci postulent qu’il n’existe pas une seule manière d’organiser l’État-providence, mais plusieurs. Il y a la «stratégie de la taille» qui est la création d’espaces régionaux ; celle de «l’État développeur» qui s’inspire du modèle asiatique ; la «stratégie du bouclier», soit l’intégration sélective dans l’économie mondiale alliant secteurs protégés et dynamisme des exportations et des investissements extérieurs; ou la «stratégie de l’hégémonie», définie comme une position de pouvoir étatique dans le système international à des fins davantage compétitif ; la «stratégie du parasite», représentée par les paradis fiscaux et les centres financiers offshore. Ou encore la «stratégie de l’exclusion formelle», qui est le propre de nombreux pays africains, qui s’autoexcluent, par manque de fonds ou de vision, de tout rôle de l’économie mondiale… Quelle stratégie allezvous prescrire Docteur ?