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Objectif : 32 sièges + transfuges

2 novembre 2019, 07:53

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On assistera demain, dimanche 3 novembre, à un dernier forcing des trois grands partis avant le grand match du jeudi 7 novembre. L’objectif reste le même pour les trois formations, à savoir remporter au moins 32 sièges pour constituer une majorité au Parlement.

Le MMM subit l’amère expérience en 1976 d’enlever 30 sièges mais de se voir priver quand même du pouvoir car, face à lui, il y avait une alliance comptant 32 sièges sur les 62 élus dans l’île principale et à Rodrigues. Après l’allocation des sièges de best losers, la différence de deux sièges fut maintenue. Dans le contexte de 2019, celui qui remporte au moins 32 sièges forme le gouvernement. Moins que cela, il faudrait songer soit à un gouvernement de coalition, soit à une vaste opération de débauchage de transfuges.

L’alliance qui parait la plus plausible après le scrutin du 7 novembre pourrait réunir le MSM et le MMM. Cela, avec la bénédiction des opérateurs économiques traditionnels et d’une très puissante organisation dont des hommes sont déjà actifs sur le terrain. Dans ces milieux, on craint le retour au pouvoir de Navin Ramgoolam et un possible remise en cause de l’ordre établi.

Dans ce contexte, il serait utile de décoder deux messages subtils que lance Navin Ramgoolam depuis un certain temps. Tout d’abord, il parle de rupture. Au départ, certains ont mal interprété cela, croyant qu’il allait présenter 59 nouveaux candidats aux élections, avec luimême comme représentant de la vieille garde.

Le second message du leader rouge, c’est l’allusion aux élections générales de 1967, quand le Parti travailliste et ses deux alliés, le Comité d’action musulman de Razack Mohamed et l’Independent Forward Bloc de Sookdeo Bissoondoyal, luttèrent pour l’indépendance du pays. Aux élections de 1967, sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) fit face à la plus spectaculaire démonstration de force de la part de son principal adversaire, le PMSD, solidement financé par les propriétés sucrières qui constituaient alors l’ossature même du secteur privé traditionnel. Le démantèlement du groupe BAI par le gouvernement Jugnauth a rassuré certains opérateurs économiques, qui se sentaient menacés par Dawood Rawat.

À décoder les deux messages de Navin Ramgoolam, il n’est pas difficile de déduire qu’il entend remettre en question le système établi. Les conservateurs détestent les innovations et un gouvernement MSM-MMM après les élections représente, comme dirait l’Anglais, a safe bet. Le deal Illovo constitue un gage incontestable de bonne volonté et de souplesse.

Il se pourrait aussi qu’en l’absence d’une majorité absolue, le parti le plus puissant financièrement pourrait tenter des manœuvres inédites dans l’histoire politique du pays : le recours à des transfuges pour former un gouvernement. En 2019, un bazar de transfuges n’est pas à écarter. N’a-t-il pas été surprenant de voir à quelle vitesse des candidats ratés d’un parti ont tourné casaque une fois privés de leur «ticket» ?

Les transfuges font partie de l’ADN politique de Maurice. Bien que disposant d’une majorité de deux sièges en 1976, SSR ne tarda pas à s’engager dans un shoping de députés MMM, pour se mettre à l’abri de toute tentative de renversement de son gouvernement. Tour à tour, Suresh Moorba, Harris Ramphul, Krishna Coonjan, Vijay Jundoosing, Jean-Claude Augustave et Vijay Venkatasamy se joignirent au PTr.

En 2019, une «opération transfuges» pourrait être menée sur la base de plusieurs arguments. Un parti pourrait affirmer que faute d’avoir fait élire des candidats issus de certaines composantes de la population, il s’est vu dans l’obligation d’offrir des postes ministériels à des transfuges, afin d’assurer leur représentativité au gouvernement. En décembre 1973, quand SSR révoqua des ministres PMSD, il fit exception pour Jean Ah-Chuen, un élu bleu, sur la base de l’argument qu’il fallait maintenir ce ministre au cabinet, pour donner un signal à une section de la population.

On pourrait aussi jouer sur la cupidité ou l’ambition démesurée de certains nouveaux élus. On connaît le cas d’un homme qui, au moment de l’éclatement du MMM en 1983, obtint comme incentive, une grande demeure appartenant à un conglomérat. Le Chief Executive du cartel était très proche d’un leader politique.

D’autre part, n’étant pas jugés ministrables par leur propre parti, certains nouveaux élus pourraient faire le saut car le choix entre cinq ans comme backbencher et cinq ans comme ministre - avec au moins une douzaine de visites à l’étranger par an, sans compter les per diem - n’est pas toujours difficile à faire, à moins qu’on ne soit un disciple du Mahatma Gandhi ou de Nelson Mandela.

Un scénario qui pourrait constituer un thriller politique serait l’acte d’élus ou de best losers rodriguais assurant une majorité à un parti, à Maurice. En 1976, les deux élus rodriguais étaient du PMSD.

En 1976, c’était l’époque des vaches maigres. Les travaillistes comptaient beaucoup sur la générosité de quelques planteurs dont Bisso Ramphul et Lochan Seegobin, et d’opérateurs dans le secteur du transport public, dont Sookdeo Issur, pour mobiliser des fonds spéciaux.

En 2019, le trésor de guerre est immense, au point de faire Ali Baba souffrir de complexe d’infériorité. En 1976, on était encore loin des dépenses colossales sur le Metro Express, au coût de Rs 18 milliards, ni encore des, Rs 19 Mds du projet Safe City (tiens, des caméras qui coûtent plus cher que des rails et des trains ?), encore moins des centaines de millions d’Heritage City, disparues dans de mystérieuses poches à Maurice comme à Dubaï.

Sans compter les milliards de loans de la State Bank au Kenya et à Dubaï, les Rs 5 Mds du stade de Côte-d’Or. Ou encore l’exploit de Sherry Singh, qui, tel Jason de la mythologie grecque, avec le concours de ses souscontracteurs argonautes - jargonautes en créole mauricien ? - sait comment transformer le vulgaire cuivre en Toison d’or.