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Climat: des mesures pour faire taire les jeunes ?

24 octobre 2019, 08:57

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Hier, l’Alliance Morisien a dévoilé son manifeste électoral. Parmi ses mesures-phares : la mise sur pied d’un Youth Environment Council, l’abolition du plastique d’ici 2030 et la création de dix parcs de 20 arpents et de trois forêts endémiques. Coiffant au poteau le Mouvement militant mauricien qui a, lui, proposé l’institution d’une National Environment Protection Agency. Ces mesures, semble-t-il, devraient satisfaire quelques-unes des revendications du mouvement FridaysforFuture,– composé de jeunes, dont ceux qui ne sont pas en âge de voter –, qui n’a eu cesse de faire entendre sa voix les vendredis, dans la capitale, en faveur de l’environnement.

Si ces mesures des partis traditionnels sont louables, l’on déplore toutefois qu’aucune échéance, hormis pour le plastique, n’est mentionnée. (Nous attendons toujours la Freedom of Information Act, promise en 2014 !) On se demande aussi s’il ne s’agirait pas de ces institutions où l’on caserait ses copains… Alors, tant que des actions concrètes ne seront pas visibles, ce ne seront que des promesses de plus sur un manifeste…

Et quid du citoyen qui ne peut voter ? A-t-il une voix ? Ou doit-il taire ses revendications ? À défaut de n’avoir de vote, en contrepartie, à promettre ou à «vendre». «Le Premier ministre doit encourager son peuple à être respectueux de l’environnement», «il doit être écolo», «il doit mettre des pistes cyclables à travers l’île», «il doit encourager le co-voiturage», «il doit faire qu’il y ait moins de pesticides car il y va de la santé aussi»... Un échange avec des enfants de neuf et dix ans la semaine dernière m’a permis de comprendre que leur principale préoccupation, c’est bien la dégradation de l’environnement. Ils ont peur pour leur futur. Qu’on le leur vole. Ils ne sont pas Greta Thunberg, certes. Du coup, c’est entre les murs de leur salle de classe qu’ils se font entendre et envisagent une île Maurice plus verte. Ces enfants résolument conscients des travers politiques rêvent aussi d’un Premier ministre «juste», «qui n’est surtout pas un menteur, ça, c’est le pire». Un Premier ministre qui «rééquilibre l’argent entre les pauvres et les riches», «qui ne fait pas de favoritisme juste parce que quelqu’un est son ami»… Comme quoi, nul n’a besoin d’être Socrate ou Kant pour savoir ce qu’est l’éthique. Pour distinguer le bon du mauvais, séparer le bon grain de l’ivraie. Entendez- les. Prenez-en note, politiciens.

Nous avons le gouvernement que nous méritons, dit-on. Mais ces mômes, le méritent-ils ?

Alors, lorsque vendredi dernier, lors d’un meeting, le Premier ministre annonce qu’avec la mise en opération du métro «nous aurons besoin de plus de taxis» et qu’il offrira une allocation de Rs 100 000 aux chauffeurs à l’achat d’une nouvelle voiture, l’on a sincèrement envie de se cogner la tête contre un mur. L’un des avantages du métro, a-t-il souvent rappelé, est le fait qu’il s’agisse d’un moyen de transport vert – bien que nous ne puissions pas en dire autant de la production d’électricité qui sert à alimenter le tram. Sans compter le fait qu’il s’agirait d’un moyen de transport de plus qui opérerait dans les villes, qui n’auront, du coup, pas besoin de plus de taxis... Alors pourquoi donc se tirer une balle dans le pied et défaire ce projet censé représenter le progrès, qu’il a déjà eu tant de mal à faire accepter au peuple mauricien ? Plus de taxis sur nos routes signifie bien une hausse des émissions de carbone. Ce qui ne s’aligne pas sur les prétentions de son manifeste, qui n’avait alors pas encore été diffusé. Mais qu’importe, n’est-ce pas ?

Il y a, malheureusement pour ceux qui ont les idées arrêtées, des problèmes globaux qui ne peuvent se résoudre grâce à une seule communauté ou un seul pays. Mais qui nécessitent la mise en commun d’intelligence et un bon vouloir participatif pour espérer déboucher sur des solutions viables dans la durée et fiables. Et la crise climatique que vit actuellement la planète est de ces problèmes-là, car si nous nous continuons à l’ignorer ou à la contourner, nous en paierons tous, sans exception, les conséquences. Pensez à la disparition de territoires, de New York aux Maldives (et même Maurice !), avec la montée des mers due à la fonte des calottes glacières ; la perte de vies humaines entraînée par les conditions climatiques extrêmes ; la migration des peuples et au débalancement qui s’en suivra, que ce soit au niveau social ou politique. Il sera question de survie. Car la planète n’attendra pas que nous soyons prêts pour nous lâcher. La crise sera alors irrémédiablement humaine.

À l’heure où l’avenir de notre pays, si ce n’est de l’humanité, dépend de la sauvegarde de notre planète, pourquoi le ministère de l’Environnement, souvent portefeuille indésirable, ne jouerait-il pas un rôle clé à Maurice ? Les petites campagnes de nettoyage où des VVIP vont se salir les gants pendant une heure sous les flashs des photographes, c’est sympa, mais il faudra plus que ça pour changer la mentalité de la population et instaurer des habitudes saines et respectueuses de notre écosystème, dans laquelle nous avons une grande part de responsabilité. L’urgence oblige, il faut agir. Le portefeuille de l’Environnement devrait, à mon humble avis, être comme un soleil autour duquel gravitent les planètes-ministères telles que l’Énergie, le Tourisme ou encore l’Agriculture, pour trouver ensemble de nouveaux moyens verts de faire tourner notre économie. Un travail titanesque est à abattre. Néanmoins avec de la cohésion, qui alignera nos actions à nos objectifs à long terme, cette tâche n’a rien d’impossible. Après tout, nous pouvons aller aussi loin que nous nous le permettons.