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Un peu de douceur et de tendresse dans ce monde politique

16 octobre 2019, 10:25

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Après le 7 novembre. Après avoir abandonné les «bases», brûlé les banderoles et rangé les haut-parleurs ne serait-il pas temps de rechercher un peu d’apaisement ? Afin que l’histoire du pays, en ce début de siècle, ne laisse dans le souvenir que bruit, violence, drogue et autres calamités. Vivement une plage de temps sans femmes battues, adolescents SDF ou grèves de la faim !

Ce tohu-bohu incessant nous a valu une dérive des sentiments et des moeurs vers l’hypertrophie. Tout politicien se considérant diffamé réclame des centaines de millions pour rétablir son honneur alors qu’une roupie en cour blanchit tout aussi bien, même mieux. L’intégrité ne se mesure point à l’aune d’équations gonflées pour la galerie. En société, on ne danse plus, on se déhanche. On ne chante plus, on hurle. Sur Facebook, une banale émotion est sensas, super, extra. On n’aime plus, on déteste. On n’aime pas, on adore.

Or, tout ce qui est exagéré est superflu. L’utilisation du mot «fondamental» dans les analyses reflète le choix constant de l’hyperbole. Le relatif et le doute laissent indifférents. Pourtant Einstein s’entichait de relativité ! Il est temps que ce paroxysme dans la parole, l’écriture, les gestes, les relations soit tempéré par un retour vers l’équilibre, la mesure, l’harmonie.

Quant aux sentiments, il n’est pas nécessaire de trouver un mot nouveau pour l’exprimer. Il existe déjà : tendresse. On répliquera que ce mot est usé, galvaudé, mièvre ! Même fade ! Des écrivains les plus éminents, dont Mauriac, ont vanté la douceur d’être tendre. Victor Hugo pensait «que les oeuvres ne sont vraiment belles que si on y sent ce je-ne-sais-quoi qui fait pleurer». Après Halliday, Jackson et autres agités des planches, quel ravissement que de fermer les yeux et laisser couler la fraîcheur des notes dans La lettre à Elise (Beethoven) ou Eine kleine nacht musik (Mozart) ! Et chez nous, le doux souvenir des nounous de notre enfance: «Mo pasé larivier Tanié».

L’auteur, évoquant la douceur de la tendresse, relève que le quotidien peut être émouvant, comme,
par exemple, un petit enfant jouant avec sa grand-mère. © Beekash Roopun

C’est avec une infinie tendresse que les premiers astronautes ont, de leur capsule, décrit la terre : petite sphère bleue perdue dans l’immensité de la Voie Lactée. D’un catalogue du tendre je relève que le quotidien peut être émouvant : un soleil couchant illuminant d’ocre et d’or un pan de falaise, l’ombre amie d’un badamier, la joie du chien au retour de son maître, la main d’un petit enfant dans celle de son grand-père, une vieille maison tassée sur ses souvenirs, les câlineries des chattes, la tête d’un cheval fatigué sur l’épaule de son cavalier, un oisillon au chaud du nid, pierres silencieuses ponctuant le passage du temps. La pause après l’amour.

Il se trouve même qu’une certaine tendresse tempère la chute des civilisations vieillissantes. Elles accèdent à une sorte d’âge d’or quand les clameurs se sont tues. Sous Trajan et Marc Aurèle, l’empire romain a, paraît-il, connu pendant un siècle, ou presque, cet état de grâce. En Grèce également, sous Périclès et Aspasia, sa compagne, qu’il ne put épouser parce qu’elle n’était pas athénienne. En Égypte aussi, et brièvement, sous Akhenaton, le mystérieux époux de Néfertiti, dont le nom veut tendrement dire : «Ma toute belle te voici».

La terreur aura bouleversé le vingtième siècle avec Auschwitz, Hiroshima, le mur de Berlin, Soweto, le calvaire palestinien. Autant de jalons sanglants tout au long de décennies de douleur. Notre début de siècle est tragiquement marqué par le fanatisme religieux, la Syrie dépecée, les Kurdes abandonnés, les fuyards noirs noyés dans les eaux de Lampedusa, la corruption rampante, la jeunesse ravagée par les extases synthétiques.

N’est-il pas temps que les peuples, dont le nôtre, aspirent à un peu de sérénité ? Si, selon les stoïques, la vie est un défi qu’il faut relever, une aventure qu’il faut tenter, il demeure qu’elle est aussi un bonheur qu’il faut essayer de mériter. Par la douceur.