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Entre rupture et «viré mam»

2 octobre 2019, 07:56

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Avec la dissolution du Parlement programmée dans une semaine, le pays entre irrésistiblement dans une logique électorale. Il faudra s’attendre, dans les prochains jours, à de grandes manoeuvres politiques avec une multiplication d’apparitions de Pravind Jugnauth à des manifestations, qu’elles soient à caractère national ou régional. Car pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, le leader de l’Alliance Lepep est déjà en campagne et, entre maintenant et les élections générales, il compte occuper chaque pouce de terrain physiquement et médiatiquement.

Ses «spin doctors» ont déjà prévu à cet effet une feuille de route qui, ils espèrent, va l’amener à emprunter une nouvelle fois les marches du bâtiment du Trésor. Et ce, dans une nouvelle configuration avec un MSM élargi pour faire de la place à de nouvelles têtes proches de la philosophie militante (Steeve Obeegadoo, Françoise Labelle, Kavi Ramano, Ahmad Jeewah) qui ont un ancrage politique dans un bassin électoral qui peut, selon les apparatchiks du parti, donner au Parti soleil l’image d’une formation politique nationale.

À bien y réfléchir, c’est une démarche qui peut réussir à Pravind Jugnauth, libéré aujourd’hui des contraintes d’une alliance de dernière minute, avec en plus son lot de marchandage. À moins qu’il souhaite être à la tête d’un large front politique pour contrer les offensives du PTr et du MMM et s’assurer éventuellement d’une victoire dans le sac. Mais faut-il pour autant que l’entourage du PM soit convaincu de cette démarche politique qui est venue certes secouer au passage le MMM avec ses défections, sans pour autant pouvoir prouver à l’avance que ces anciens du MMM et possiblement les nouveaux alliés disposent d’une force et d’une crédibilité politique sur lesquelles le MSM peut surfer en vue d’aspirer à un nouveau mandat.

A contrario, le principal parti de l’opposition, qui peut légitimement prendre le pouvoir seul, se livre étrangement à «du business as usual», se contentant d’une réunion politique ici et là avec la présence de son leader, Navin Ramgoolam, alors même que dans chaque circonscription une demi-douzaine de candidats potentiels y travaillent sans savoir s’ils seront sur la ligne de départ le Jour J. C’est visiblement symptomatique chez le Parti travailliste de Navin Ramgoolam, qui finalisera la liste de ses candidats le jour du Nomination Day…

Pour autant la bataille est ouverte et le parti qui en sortira vainqueur c’est celui qui aura convaincu cette frange de l’électorat silencieux qui se dit éclairé et intelligent, n’est pas présent physiquement à des meetings ou des réunions privées, ne se manifeste pas sur les réseaux sociaux, se retrouve en grand nombre dans la fonction publique et dans le secteur privé et que l’on chiffre à plus de 40 % qui déterminera l’issue de la joute électorale.

Certes, il existe un sentiment généralisé, à entendre la voix populaire, que la roue pourrait tourner une nouvelle fois en faveur de l’équipe «Viré mam» et qu’il n’y a pas d’alternative à l’équipe existante. Des propos à faire réfléchir les dirigeants de l’opposition qui arrivent difficilement, peut-être, à connecter avec la population.

Depuis la fameuse «rupture» proposée par Navin Ramgoolam le 1er-Mai dernier, quant à une manière de gouverner avec une idéologie politique et économique ancrée et véhiculée dans le pays, le leader des rouges n’a malheureusement rien proposé de concret pour galvaniser l’électorat qui était séduit par sa nouvelle thématique de campagne ; et la fameuse rupture est retombée comme un soufflé.

Le jugement favorable dans l’affaire Roches-Noires a certes requinqué son parti et renforcé son leadership. Depuis, il existe un nouveau mood dans le pays et l’optimisme a gagné le PTr. En attendant l’issue de son ultime procès des coffres-forts saisis à Riverwalk, dans lequel il est poursuivi pour blanchiment d’argent.

Pravind Jugnauth saura-t-il renverser le «feel-good factor» acquis à l’opposition et regagner l’estime de l’opinion publique ? La ferveur sportive des Jeux des Îles couplée à celle plus religieuse de la visite papale, en attendant le «soft launch» du Metro Express demain, avec la présence par vidéoconférence du Premier ministre indien, Narendra Modi, à New Delhi, seront-ils suffisants pour lui faire marquer des points ?

Il y a de fortes raisons d’y croire. Car outre l’avènement du Metro Express et les nouvelles infrastructures, déjà visibles, reconnaissons-le, qui seront à partir de la semaine prochaine les points forts du marketing politique de Pravind Jugnauth et de l’Alliance Lepep, il a su faire miroiter devant la population les effets tangibles de sa politique économique et sociale. Et ce, à travers une série de mesures pour améliorer le confort financier d’un grand nombre de la population. Qui vont de hausses conséquentes de la pension de vieillesse depuis 2014, culminant hier avec la promesse électorale de la porter à Rs 13 500 s’il revient au pouvoir, en passant par d’autres mesures pro-travailleurs comme l’impôt négatif, le salaire minimum, les compensations salariales depuis 2015 ou encore les nouvelles lois sur le travail. À tel point qu’il a commencé à gagner à sa cause certains syndicalistes emballés par son langage anti-patronat.

Dans sa posture, Pravind Jugnauth préfère se rallier à une majorité de travailleurs qu’à une poignée de membres de Business Mauritius qui, à force de crier au loup, finissent par perdre de la crédibilité aux yeux des dirigeants du pays. Tout compte fait, l’échéance 2019 n’est pas jouée d’avance. Dire le contraire c’est faire preuve de naïveté politique.