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Modi qui rit, May qui pleure

25 mai 2019, 07:21

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Le pouvoir peut être obtenu par des principes, mais il se conserve par le pragmatisme et (le culte de) la personnalité, nous lègue Machiavel dans son célèbre texte Le Prince. En d’autres mots, l’art ou la science qu’on utilise pour se hisser au pouvoir n’a rien à voir avec la formule essentielle pour se maintenir au pouvoir. En cette fin de semaine, les sorts contrastés de Narendra Modi et de Theresa May viennent confirmer cette pensée de Machiavel, qui s’est beaucoup penché sur le rapport entre pouvoir, État, politique et morale.

«For next five years, every Indian will have to pledge to transform India into a strong nation. We can make India a strong nation by 2022, before we complete 75 years of Independence (...) Today, even the rain gods are among us to celebrate.» C’est en ces termes que Narendra Modi s’est exprimé dans son discours de remerciements, à la suite de sa victoire sans appel. Davantage qu’une victoire du Bharatiya Janata Party, c’est une victoire de Modi lui-même, qui a su transformer les plus grandes élections législatives en un référendum pour ou contre sa personne.

«Modi’s win is a victory for a form of religious nationalism that views India as a fundamentally Hindu nation and seeks to jettison the secularism promoted by the country’s founders. While India is roughly 80 percent Hindu, it is also home to Muslims, Christians, Sikhs, Buddhists and other religious communities», observe un politologue dans le Times of India. Dans le Hindustan, une travailleuse sociale qui oeuvre dans les slums avance : «His mix of brawny Hindu nationalism, populist humility and grand gestures for the poor — like building tens of millions of new toilets — helped him become the first prime minister in nearly 50 years to win a majority in successive parliamentary elections.»

À 68 ans, avec une tenue vestimentaire et une barbe impeccables, Modi, puissant harangueur des foules, s’est forgé, après cinq ans au pouvoir, une image d’un homme pieux, issu de la masse, qui a choisi de faire de la politique pour positionner l’Inde comme l’une des superpuissances émergentes. Sa force a été de tout centrer sur lui, de sorte que les traditionnelles querelles entre partis sur des sujets socio-économiques se muent en une bataille de personnalités entre un descendant de la riche dynastie Nehru-Gandhi et lui-même, fils d’un vendeur de thé du Gujerat.

Le culte de la personnalité à la Modi (qui pratique, en fait, une ultra-personnification du pouvoir) a fonctionné à merveille cette fois-ci – alors qu’en 2014 son parti et lui avaient été élus sur une série de thèmes (rupture avec la corruption, nouvelle vision économique, lutte contre le chômage, etc.) Les analystes internationaux ne manquent pas de dresser des parallèles entre Modi et Donald Trump, surtout par rapport à leur ambition de make-their-country-great-again et leur style va-t-en-guerre (sans oublier leur acharnement sur Twitter)...

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C’est sur les récifs acérés du Brexit que la carrière de Theresa May, (la deuxième femme après Margaret Thatcher à être PM en Grande-Bretagne), s’est brisée. Sa voix tremblotait quand elle annonçait hier sa démission, réalisant qu’elle n’arriverait pas à mener à bien le Brexit. «I will shortly leave the job that it has been the honour of my life to hold.»

Contrairement à Modi, May n’a pas été une figure de proue pouvant diriger ni ses troupes ni son parti; elle a perdu, tenez-vous bien, 36 ministres en 36 mois !

«All political careers tend to end in failure. Not all end in a punishment beating. The departure of May as Tory leader has seen a brutality rare even for the British conservative party», observe l’éditorialiste du Guardian.

Et alors que May se retire, ne voilà-t-il pas que Nigel Farage, surnommé Monsieur Brexit, signe un retour en force, ayant su capitaliser sur la colère, l’impatience et le sentiment de trahison de l’électorat «brexiter». Une victoire de Farage serait une gifle sonore à la fois pour les conservateurs et les travaillistes...