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La soupe aux indécis

8 décembre 2018, 07:14

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La marmite politique n’est pas encore en ébullition, mais la température grimpe. Les principes vont graduellement céder la place à la realpolitik. C’est-à-dire à une stratégie politique qui va uniquement se fonder sur les possibilités actuelles et qui va ouvertement négliger les jugements de valeur. Ce qui compte désormais pour le gouvernement Lepep, c’est de conserver le pouvoir, coûte que coûte. On peut les comprendre, les Jugnauth ont de quoi craindre un retour aux affaires de Navin Ramgoolam.

Quand l’on est dans cette optique, les comportements des uns ou des autres font passer au second plan les considérations de doctrine, de principe ou de morale. À l’instar de la speaker, Maya Hanoomanjee, qui a eu du mal, hier, à expliquer pourquoi elle ne va pas sanctionner le député Kalyan Tarolah, malgré ses messages indécents envoyés du Parlement. Hanoomanjee, candidate battue de l’alliance Lepep, est consciente que les Jugnauth ne peuvent pas froisser Tarolah – surtout dans un contexte où chaque vote compte pour arriver à la barre fatidique des 52 députés - et encore moins perdre une deuxième partielle, cette fois-ci au numéro 10, après avoir perdu le siège de Roshi Bhadain au numéro 18.

En revanche, perdre volontairement le ML et ses Collendavelloo, Gayan, Husnoo et Boissézon, pas forcément maintenant mais aux prochaines législatives au profit d’un remake avec le MMM, demeure une option non négligeable. Ceux au courant des tractations appellent déjà cette énième union, l’alliance Brylcreem.

C’est dans ce contexte d’alliance, sur fond de réforme constitutionnelle et électorale, qu’il nous faut étudier les présents tiraillements entre le MSM et son partenaire minoritaire. Oui, le bras-de-fer entre les Finances et le ministère de Collendavelloo autour de la question de Combined Cycle Gas Turbine Plant est symptomatique des relations fragilisées entre le Sun Trust et le ML, qui n’arriveraient pas à tomber d’accord sur ce mégaprojet de plus de Rs 8 milliards, qui est entouré d’épais nuages noirs.

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La valse-hésitation entre les Jugnauth et les mauves peut être expliquée sur la base des expériences récentes. Hier, au Parlement, sir Anerood Jugnauth a fustigé le PMSD qui, a-t-il rappelé, était contre l’accession de Maurice à l’Indépendance. «Aujourd’hui avec le PTr, le PMSD est contre la réforme électorale.» SAJ a ainsi planté le décor.

En 2014, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam étaient tout aussi confiants que SAJ aujourd’hui. Les deux parlaient du PTr et du MMM comme «les deux plus grands partis de Maurice». Mais Ramgoolam disait d’abord le PTr et ensuite le MMM, alors que Bérenger disait la même chose mais en inversant l’ordre des partis. Davantage que pour leur amour-propre, les leaders le font surtout pour leurs partisans – afin que ces derniers croient que c’est leur parti qui serait la locomotive de toute nouvelle alliance. Or, il ne peut y avoir deux locomotives pour le même train. Avec la répartition des tickets, réforme électorale ou pas, l’on saura, assez vite, qui se taillera la part du lion et qui acceptera d’être sous les ordres de l’autre.

Indépendamment du nombre de tickets négocié, il y aura des sacrifiés qui vont grossir les rangs des frustrés, ou ceux des indécis qui sont devenus, au fil des alliances et des mésalliances, le plus grand parti de Maurice. D’où la floraison de mouvements citoyens qui pensent candidement pouvoir pêcher dans ce gros réservoir…