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Petits poissons, gros requins

3 novembre 2018, 08:59

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Malgré toute la com déployée, on n’arrive vraiment pas à suivre le Premier ministre quand il félicite l’ADSU après chaque grosse saisie de drogue – comme celle des 110 kilos d’héroïne (avec ou sans emballage ?) interceptés mardi, dans un hors-bord, au large de Grand-Baie. Pour nous, chaque saisie souligne surtout l’incapacité des hommes de DCP Choolun Bhojoo à remonter la filière jusqu’aux commanditaires de cette impressionnante quantité de drogue. Comme à chaque fois, la police arrête des intermédiaires ou embarque des ‘petits poissons’ alors que les importateurs, eux, restent intouchables, et pénards – à l’ombre, à l’insu. Pourquoi l’ADSU n’arrive-t-elle pas à aller jusqu’au bout ? Est-ce précisément pour cela que la commission Lam Shang Leen a plaidé, dans son rapport, pour le démantèlement de l’ADSU et son remplacement par un organisme plus efficace ?

Pour avoir le coeur net, et cerner les dessous de cette énième saisie, savamment médiatisée par le PMO, l’express s’est rendu, cette semaine, chez les trois trafiquants présumés arrêtés, éparpillés sur la carte du pays. De par leurs conditions de vie, et selon les propos recueillis auprès de leurs proches et voisins, il s’avère impossible que ces trois-là aient pu réunir la somme – disons 10 % de la valeur marchande de la drogue saisie, soit plus d’une centaine de millions de roupies – pour commanditer les 110 kilos. «Enn frigidaire li pas ti fouti payer, aster ou p dir mwa ki li finn import la drog par millions ?» nous a lancé un des voisins des trois protagonistes, visiblement surpris que l’ADSU brandisse le trio Karrimbaccus-Rosette-Jean-Pierre comme des trophées.

Faisons ici un parallèle avec l’autre saisie-record datant de mars 2017 (dans laquelle Navin Kistnah, Sibi Thomas et Geanchand Dewdanee seraient impliqués), où, encore une fois, les intermédiaires présumés ont été coffrés alors que les importateurs n’ont toujours pas été inquiétés par la police. Jusqu’ici l’enquête n’a pas été bouclée, mais l’ADSU a été saluée par Pravind Jugnauth, et ce même si une certaine quantité de drogue a mystérieusement disparu. L’ironie veut que le même Lam Shang Leen qui a blâmé l’ADSU a été appelé en renfort pour retracer les kilos de drogue qui manquent...

...en attendant, il a fallu une PNQ de Xavier Duval pour que le Premier ministre soit au courant que deux radars sont en panne dans le port (où les bonbonnes de gaz remplies de drogue arrivent)...en attendant, il a fallu une mise en demeure de l’ASP Hector Tuyau pour que l’état-major de l’ADSU consente à lui donner un desk et à le tenir au courant des enquêtes en cours (alors que celles-ci ont démarré dans le sillage des travaux de la commission drogue)...en attendant, il a fallu des protestations officielles pour que la Prison Intelligence ne soit pas démantelée d’autant que les cerveaux se trouvent derrière les barreaux, bien à l’abri et au chaud...en attendant, il a fallu que la presse évoque le système de Hawallah pour que les Casernes centrales comprennent que le financement du trafic de drogue revêt désormais d’autres formes.

Il existe chez nous un vaste réseau de blanchiment lié au trafic de drogue dure. Le business des passeurs est florissant en raison de l’organisation financière ingénieuse que la police n’arrive pas à cerner. Les saisies de drogue ne sont que le sommet de l’iceberg. Féliciter une ADSU incapable d’arrêter les commanditaires (qui financent certains politiciens) équivaut à nous jeter de la poudre aux yeux...