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La formule des trois croix

5 octobre 2018, 16:18

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La formule des trois croix
Notre interlocuteur propose une réforme avec 69 à 70 députés au Parlement.

Avec votre grandeur d’âme évangélique, je n’ai aucun doute que vous me pardonnerez cette incursion dans un domaine d’une grande complexité qui échappe souvent à mes faibles moyens d’analyse et même de compréhension. Ce ne sera cependant pas votre serviteur au Pays des Merveilles, je vous l’assure !

Il s’agit d’une proposition de réforme électorale, inspirée d’un florilège de débats sur ce sujet dans nos médias et qui trotte dans un coin de ma tête depuis quelques jours et que je me vois enclin à partager avec vous avec l’espoir que vous la trouverez d’une certaine pertinence.

Il nous faut prendre la mesure des évolutions qui s’opèrent dans le monde et de la nécessité de régler certains de nos problèmes dans le consensus – impliquant donc des concessions de part et d’autre – afin de ne pas perdre de vue l’essentiel : réfléchir et agir concrètement et de façon permanente pour sauver notre pays dans un monde en pleine mutation où la technologie dicte le rythme du développement et crée un fossé, un gouffre même ,entre différents pays sur plusieurs plans.

Entrons donc dans le vif du sujet en développant notre proposition dans cette perspective. Optons pour une formule simple : Les trois croix à apposer sur le bulletin de vote comme dans notre système électoral actuel. Mais je propose que ces croix soient utilisées pour atteindre différents objectifs :

Votre première croix

Une première croix sera destinée à un candidat de proximité. Un député qui s’occupera de sa circonscription et qui ne pourra prétendre à un maroquin ministériel. Dépoussiérons le découpage des 20 circonscriptions car dix élections après l’accession du pays à l’indépendance, certaines de nos circonscriptions ont fini par avoir une consonance communale et constituent un frein à l’émergence d’un véritable esprit mauricien. Sortons donc d’une logique communale et entrons dans une logique régionale.

Je propose qu’on réduise le nombre de circonscriptions à dix, calquées sur le modèle régional – les neuf districts, sauf pour les Plaines Wilhems qui, avec 368 000 habitants, mérite d’être divisé en deux circonscriptions. Il y aura toujours des décalages entre le nombre d’habitants par circonscription ou par district mais au moins cette approche favorisera les candidats méritants et les frustrations seront davantage exprimées sur un plan régional plutôt que sur d’autres plans. Ces députés, quelle que soit leur appartenance au niveau des partis qu’ils représentent, auront accès au budget alloué à la National Development Unit ou à tout organisme ayant la même vocation, un peu comme nos Parliamentary Private Secretary d’aujourd’hui.

Leurs objectifs premiers : Le développement d’opportunités économiques et sociales dans leurs régions respectives, l’assainissement de l’environnement régional et l’instauration d’une certaine égalité entre les régions. Nous enverrons donc à l’Assemblée nationale grâce à cette première croix sur le bulletin de vote, dix députés de proximité. Il n’est pas interdit de penser que ce seront surtout des jeunes qui feront leurs premières armes à l’Assemblée comme députés de proximité et qui pourraient, à la base de l’expérience et de leurs réalisations,  aspirer à devenir ministres plus tard.

Votre deuxième croix

Venons-en maintenant à votre deuxième croix qui servira à élire non pas un candidat, mais une Party List qui sera composée de 30 candidats pour chaque parti politique. Candidats qui seront choisis selon des critères de mérite et de compétences. Ce système permettra aux électeurs de faire leur choix en fonction des aptitudes des candidats et sur les mérites de chaque liste. Le programme des partis deviendra alors l’élément central de la campagne électorale et les citoyens, de plus en plus tournés vers un avenir commun, jaugeront de la pertinence des projets qui seront présentés par les uns et les autres. Mais aussi de la crédibilité des candidats sollicitant leur vote. Les médias aussi. Ce sera un moyen d’entrer de plain-pied dans la modernité tout en rejetant un système de pseudo-démocratie  privilégiant le sectarisme, les lobbies de toutes sortes et d’autres maux, enfermant notre pays dans un carcan de médiocrité.

Les ministres seront, bien sûr, choisis parmi ces 30 membres de l’Assemblée nationale. On peut facilement trouver des responsabilités parlementaires, autres que ministérielles, pour ceux élus sur cette liste et qui ne seront pas appelés à être ministres, afin qu’ils puissent contribuer au PNB, à  la bonne gouvernance comme à notre «Social Progress Index».

Cette deuxième croix permettra aussi d’élire, outre ces 30 députés, dix autres députés se retrouvant en tête sur deux autres listes de 30 candidats qui n’auront pas été plébiscitées en premier par l’électorat. Adieu donc à une assemblée unicolore car en toutes circonstances, nous aurons au moins dix députés incarnant l’Opposition parlementaire, cinq pour chacun des deux autres partis politiques. Des qualifications minimales devront être requises pour les candidats aspirant à figurer sur cette Party List.

Votre troisième croix

Finalement, notre troisième croix devra permettre l’élection de 15 candidats sur une deuxième Party List. Une Party List culturelle. Une troisième croix pour honorer aussi les «diversity requirements» qui sont présents dans certains systèmes électoraux ou qui sont observés au niveau de plusieurs institutions en Occident comme dans certains pays asiatiques dont l’Inde.

Notre Constitution – j’espère qu’on dira un jour notre ancienne Constitution – établit quatre communautés et reconnaît, d’une certaine manière ce que certains appellent le fait «sectaire».

Nous ne pourrons-nous débarrasser de cet héritage historique d’un seul coup. Dénonçons les hypocrites qui ne voient le communalisme que dans le Best Loser System. Ce système est le «tip of the iceberg», la cerise sur le gâteau communal. Éjectons de nos rêves utopistes la disparition totale du fait com- munautariste dans notre système électoral qui repose sur le communalisme et le castéisme. D’où cette fameuse liste publiée périodiquement dans la presse pour nous rappeler un élément nauséabond de notre système politique où tous les candidats des principaux partis politiques sont alignés dans leurs circonscrip- tions respectives en tenant en ligne de compte leur ethnicité.

Ce sera donc une survivance, un rappel de notre passé mais en dehors d’une reconnaissance constitutionnelle, de façon partielle et diluée. Dans un premier scénario, nos leaders politiques auront la marge de manœuvre requise pour ac- commoder les différentes sensibilités qui existent au sein de la communauté mauricienne sur cette liste de 15 candidats qui devra ainsi permettre de représenter adéquatement nos «different communities».