Publicité

Comptabilité ou communication ?

20 juin 2018, 07:29

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Qu’est-ce qu’un Budget ? Un exercice d’équilibrage comptable entre les ambitions et les ressources. Auquel s’ajoute un exercice de communication sur les grandes orientations économiques du pays. La réussite ou pas de l’exercice s’évalue donc à l’aune de ces deux objectifs.

Au premier chapitre, on peut dire de Pravind Jugnauth qu’il a réussi son exercice. La grande crainte demeurait l’accumulation de la dette publique dont on peut se réjouir de la voir maintenue à son niveau actuel. Ce qui semble vouloir dire que les inquiétudes des Mauriciens et des institutions internationales, exprimées à l’issue du Budget 2017 au sujet de la pérennité des choix économiques du pays, ont été entendues.

On regrette cependant que cet équilibre soit obtenu au prix que les dépenses précédemment budgétées pour les grands chantiers aient été contenues à Rs 13 milliards contre les Rs 18 milliards prévus. Les investissements stratégiques dans les projets de métro léger, de routes, d’aéroport, de port sont des piliers de la stratégie économique. Plus que jamais, le suivi de ces projets et de leur réalisation dans les délais s’avère d’importance nationale. Chaque milliard non dépensé est un milliard de retard sur l’avenir.

N’oublions pas non plus que Pravind Jugnauth avait promis l’année dernière de maintenir le niveau de la dette tout en réalisant tous ces investissements. Ce qui veut dire que si le Budget en capital prévu avait été dépensé…, le déficit budgétaire aurait augmenté et il aurait fallu lever des fonds (s’endetter) pour le financer. Donc, si l’endettement a été contenu, c’est que les ressources financières de l’État ont été allouées aux dépenses courantes plutôt qu’aux projets d’investissement. Du coup, l’austérité sur les dépenses courantes – dont les effets sur l’avenir sont faibles – s’ímpose plus que jamais. Les ressources ainsi dégagées seraient alors orientées en priorité aux projets d’infrastructures pour un lendemain durable. Et ce, sans laisser filer le déficit budgétaire.

On comprend aussi que, derrière le Budget de l’État, il y a celui des ménages. Et que les mesures sur le prix de l’essence, du gaz, des tranches d’imposition allégées, le maintien du prix de l’eau visent à compenser une certaine perte de pouvoir d’achat. Un choix de mesures qui tienne compte du caractère inclusif du développement économique de Maurice que veut conserver le gouvernement.

La déception vient sur le plan de la communication. À un moment où les grands secteurs productifs du pays sont à un carrefour stratégique, les Mauriciens sont dans l’attente d’une direction. Or, d’annonce forte, il n’y en a pas eu. Dans le secteur offshore, cela se sait, depuis la signature en 2017 des accords multilatéraux de l’OCDE, que le sort des compagnies GBL2 était scellé. Quant à celui du secteur sucre, il a été éludé. Celui de la CWA aussi.

Peut-on reprocher cela à Pravind Jugnauth ? Oui. À une période de bouleversement du contexte économique mondial qui ébranle les bases de notre modèle économique, les Mauriciens sont dans l’attente de réponses à plusieurs questions. Quelle place pour le secteur sucre dans l’économie ? Quel est le juste prix de l’eau et le mode de gestion le plus approprié de cette ressource ? Comment facturer l’essence à un prix qui respecte les moyens des ménages et assure l’avenir ? Comment former des ressources humaines à la technologie dans un pays où les étudiants boudent les filières scientifiques ? Quelle place pour le secteur manufacturier dans un pays trop petit pour développer une taille critique susceptible de lui donner une place dans le jeu de la concurrence ouvert et mondialisé ? Autant de questions dont les enjeux sont clairement établis mais les réponses restent évasives.

Pour autant, l’excitation médiatique autour d’un Budget, avec sa dimension annuelle et comptable, n’a jamais été le forum le plus approprié pour discuter des enjeux stratégiques. Si la tradition veut qu’on en parle le jour du Budget, c’est parce que les ministres des Finances ont pris la fâcheuse habitude de tourner le Budget en opportunité pour s’auto-attribuer le mérite de la réflexion nationale. Par effet miroir, les Mauriciens ont la regrettable habitude de tout attendre du Budget et du ministre des Finances. Nous voilà englués dans de vieilles rengaines qui ne font qu’alimenter la confusion.

Reste que les Mauriciens attendent du gouvernement qu’il donne la direction. Ce qui demande du gouvernement qu’il imagine d’autres forums. Et les réponses qui y seront présentées.