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Démission

15 novembre 2017, 07:38

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Le départ de ce triste sire qu’a été Soodhun a mis les projecteurs sur le caractère inacceptable, dans notre société, de l’insulte à une communauté et à la condition féminine. Il a soulevé un mouvement d’indignation envers celui qui a franchi une ligne de trop.

S’il est heureux que le bon sens ait prévalu, la mise en sourdine de Soodhun ne devrait pas faire oublier la situation qui a conduit à sa chute : une contestation d’un projet d’aménagement de l’espace urbain. Un problème qui, pour ceux qui avaient formulé une demande d’aménagement du territoire, reste entier. Car si ces personnes ne souscrivent pas à la vision du monde abjecte de l’ancien ministre, ils restent encore orphelins de leur projet de départ : l’aménagement d’un espace de loisir et de détente dans leur environnement. Quelles que soient la condition sociale ou la communauté de leurs voisins.

Rappeler ce contexte n’est pas anodin. Puisque la frustration par rapport à l’aménagement de l’espace public est le terreau sur lequel pousse la division sociale. Il existe à Maurice de multiples cas de demandes publiques qui conduisent à des prises de position sources de conflit et qui nourrissent le ressentiment à caractère communal. Une rue déclarée à sens unique et voilà que les riverains qui en ont fait la demande sont associés à une communauté au détriment d’une autre. Un mur érigé, un parc pas entretenu, une plage publique «vendue» à des promoteurs privés. Toutes ces situations sont sources de conflit lors desquels la promotion d’intérêts particuliers devrait rencontrer les limites posées par les besoins collectifs. S’il est possible que certains citoyens puissent à un certain moment perdre le sens du bien commun, il revient aux représentants de la collectivité de le leur rappeler.

Derrière l’affaire Soodhun se cache la démission des représentants de la collectivité dans leur mission de créer un environnement collectif propice à des relations sociales harmonieuses. Construire un parc de santé semble ne présenter que peu d’intérêt pour un politicien. Quant à l’entretenir… Mon Dieu, quelle galère. Il est tellement plus simple de proclamer une plage publique qui sera gérée par le privé !

Cette paresse dans la réflexion sur l’espace public et la démission de tous les gouvernements successifs sur sa gestion fait le malheur des Mauriciens ordinaires et une opportunité en or pour ceux qui y ont trouvé un moyen d’en faire de l’argent. Que proposent donc ces promoteurs de smart city de différent de ce qui existe dans nos «normal cities» ? Non pas des jardins privés somptueux mais des espaces publics bien pensés : rues larges, trottoirs, parcs, espace de vie commune. En clair, pour bénéficier d’un espace urbain de qualité propice à la construction d’une vraie collectivité, mieux vaut être prêt à payer pour ces services et à les faire gérer par des personnes du privé, surtout pas aux personnes du gouvernement.

Le fatalisme par rapport à la gestion de l’espace public est un fléau qui a déjà contribué à façonner les rapports sociaux entre les Mauriciens. Aussi a-t-on vu se développer les réseaux des écoles privées et des cliniques privées. Nous sommes maintenant à l’étape des parcs privés, des rues privées, pourquoi pas des plages privées, des services d’électricité privés ? Seulement l’eau et la téléphonie y résistent puisque la technologie est un frein. La tendance reste lourde : tout, sauf la gestion gouvernementale. Une logique à laquelle souscrivent aussi les politiciens, trop heureux de se décharger de leurs responsabilités en privatisant ce qu’ils n’ont pas su ou pas envie de gérer.

Cette logique économique est aussi le socle d’un nouvel ordre social. Le réflexe impulsif de Soodhun n’est que le reflet de celui de beaucoup de Mauriciens les plus performants qui, ayant perdu le sens du collectif, n’ont qu’une seule idée : de se mettre à l’abri de l’inefficience publique en investissant dans des services privés. Et s’éloignent ainsi de ceux qui, étant moins à l’aise, sont condamnés à dépendre de ces services publics qui n’intéressent personne. Condamnés à subir le mépris de leurs concitoyens.

À défaut d’un sursaut citoyen et d’un réveil du sens du collectif, la dernière étape serait la «privatisation» du gouvernement lui-même, sous la forme de politiciens qui même en poste ont démissionné par rapport à leur rôle de défenseurs des intérêts collectifs et de services publics asservis à des intérêts particuliers. Nous n’en sommes pas loin.